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La pente dangereuse

Publié le 05 septembre 2010 par Malesherbes

Au cours du pèlerinage diocésain à Lourdes, l'archevêque de Toulouse, Mgr Le Gall, s'est ému des expulsions de Roms et de leur médiatisation. Il a lu une lettre du 23 août 1942 publiée par son prédécesseur d'alors, Jules-Géraud Saliège. " Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau [...] il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle. [...] Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes. Tout n'est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier ".

La déclaration de Mgr Le Gall a déclenché un tollé. Notre Premier ministre, le prix Nobel Elie Wiesel, Jean-Michel Apathie, tous ont crié au scandale, déclarant sentencieusement que 2010 ne pouvait être comparé à 1942. Mais bien évidemment, ce n'est pas comparable, le sort des Roms déportés maintenant n'est pas aussi tragique que celui des futurs exterminés de la deuxième guerre mondiale, même si l'on peut remarquer qu'à l'époque ce mot de déportés n'avait pas pris le sens mortel qu'il a ajouté depuis à sa signification originelle. Plutôt que d'accuser certains de se livrer à des amalgames, les responsables des faits incriminés seraient bien inspirés de ne pas prêter à l'amalgame.

Il ne faut pas croire qu'une nation bascule dans l'horreur d'un seul coup. En fait, ceci s'accomplit par une succession de petits glissements en apparence insignifiants. Il y a quelques années, j'avais vu à la télévision une émission consacrée à Geneviève Anthonioz-de Gaulle, nièce du général de Gaulle, présidente à l'époque d'ATD-Quart monde. Elle y racontait comment, le 16 juillet 1942, elle assistait chez sa tante Madeleine à un dîner réunissant " des gens comme il faut ". Les convives attendaient une infirmière de la Croix-Rouge, apparemment en retard. Lorsqu'elle arrive enfin, elle raconte bouleversée la rafle du Vel' d'Hiv' à laquelle elle vient d'assister. Un couple parmi ces gens bien l'interrompt alors : " Oui, c'est triste, mais c'est des juifs... ".

C'est ainsi qu'on habitue les citoyens à oublier que tous les hommes sont égaux, surtout au pays des droits de l'homme : ce qui arrive actuellement est pénible mais, après tout, ce ne sont que des Roms, pas vrai ? Alors que nos lois stipulent que les peines doivent être individualisés, que les contrevenants doivent avoir été jugés coupables, on rase des camps, on rafle massivement et indistinctement leurs occupants, allant parfois jusqu'à séparer les hommes des femmes et enfants, comme au temps funeste de Sebrenica, et on les déporte à plusieurs centaines de kilomètres. Tous les mots de cette dernière phrase sont des mots français, utilisés dans leur sens propre, et s'ils éveillent des souvenirs tragiques, c'est parce qu'ils s'y prêtent admirablement. Il ne reste à ceux que certains rapprochements dérangent qu'à exiger l'abandon des actions qui les autorisent.


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