Chronique du lundi 6 septembre 2010
Le Top14 vient de jouer 3 fois en 10 jours. Certains crient à la mascarade ou au danger, voici pourtant quelques arguments qui montrent que cette obligation est aussi et surtout une bonne opportunité pour le rugby français.
Positif pour le marketing et même pour le sportif :
Jouer un samedi après-midi ou un mercredi soir n’a pas le même attrait et ne touche pas obligatoirement les mêmes spectateurs. Ainsi le samedi après-midi, le rugby français peut compter sur un public familial où les enfants accompagnent au moins le père, si ce n’est les 2 parents. Par contre, un soir de semaine, il est évident que la même logique ne s’applique pas, qui plus est la veille de la rentrée scolaire. Pourtant, les moyennes dans les stades n’ont pas baissé ni cette fois, ni dans le cas des autres matchs en semaine. Les enfants qui n’ont pu venir ont été remplacé par d’autres spectateurs. Ceux-ci représentent un public plus entreprise -corporate qui, à la sortie du bureau, finit sa journée autour d’un verre et d’un match de rugby. Le match en semaine permet ainsi d’attirer une frange de la population qui ne vient pas obligatoirement assister au match le week-end parce que certaines obligations comme les courses, les départs en week-end, la famille,… les y en empêchent et qu’ils ne sont pas passionnés au point de favoriser le Top14 sur le reste. Du coup, le match en semaine est une belle opportunité de se rendre au stade est de profiter de l’esprit rugby. Côté marketing et, bien sûr, création de recette, je ne vois que des avantages à ce qu’il y ait des matchs en semaine à la condition de se donner toutes les chances de remplir les stades, c’est à dire en ne faisant jouer ces matchs qu’à la belle saison, c’est à dire en septembre -octobre ou en avril – mai. Les expériences de jouer en novembre, ça va être encore le cas cette année, ne voient pas spécialement de baisse de spectateurs mais l’association conditions climatiques froides et niveau de jeu adaptés au climat n’est pas la meilleure façon de séduire des spectateurs qui viennent déjà rarement au stade. C’est un peu pareil pour les matchs autour des fêtes de fin d’année. C’est une superbe opportunité de jouer pendant les fêtes car beaucoup de gens sont à la recherche d’opportunités de passer des bons moments mais il faut le faire l’après-midi et non le soir.
En terme de jeu, est-ce que le niveau baisse vraiment au cours de ces matchs ? Si l’on part du principe que le fait de faire tourner les effectifs a tendance à limiter la qualité des rencontres, que les meilleurs joueurs sont indispensables dans chaque équipe pour hausser la performance, alors oui, on est obligé de répondre oui. Mais est-ce que, de toute façon, dans une saison qui dure 10 mois, il n’y a pas obligation pour les meilleurs joueurs de souffler et d’être au repos sur certains matchs ? Oui aussi, bien sûr. Et donc le fait que tous les clubs soient obligés de gérer les temps de repos de leurs meilleurs joueurs est plutôt une bonne chose car, de toute façon, obligatoire s’ils veulent que ces joueurs restent compétitifs jusqu’à la fin de la saison. L’inconvénient, ici, c’est qu’ils le font tous en même temps, même s’ils peuvent s’organiser différemment entre les 3 matchs. Force est de constater que l’impression laissée par l’ensemble des matchs ne donne aucunement l’impression que des impasses totales aient été réalisées ( exemple de certains Stade Français – Stade Toulousain dans le passé ) et que les spectateurs aient été floués. Si l’on regarde l’ensemble des confrontations, il y a une certaine homogénéité qui se dégage en termes de niveau de jeu, de spectacle et de résultat, ce qui laisse penser que les entraîneurs ont bien accepté l’exercice stratégique que représente les enjeux de ces 3 matchs en successifs et que les effectifs sont plus homogènes en quantité et qualité.
L’autre valeur ajoutée d’une telle succession de matchs vient de l’effet induit qui oblige les entraîneurs à utiliser toute la profondeur de l’effectif dont ils disposent. Ainsi certains jeunes joueurs trouvent du temps de jeu là, où, dans les mêmes circonstances mais avec une semaine entre les matchs, ils n’auraient même pas figuré sur une feuille de match. C’est ce qui s’est passé à Biarritz avec le jeune pilier Watremez qui a été aligné en tant que titulaire mercredi. Seul inconvénient, son adversaire direct était Nicolas Mas, le meilleur spécialiste en pilier droit, ce qui a donné un baptême du feu bien inconfortable pour le jeune pilier. Même si cet exemple n’est pas parfait, il reflète une tendance que, seul, une telle succession des matchs peut permettre.
Respecter l’intégrité physique des joueurs :
Dire que la succession des 3 matchs est un plus pour le rugby, ne veut pas, non plus, dire que c’est quelque chose qu’il faut faire souvent. En effet, il est important que l’intégrité des joueurs soit préservée et même si les entraîneurs ont l’obligation de faire tourner leur effectif, il arrive que certains joueurs cadres tournent sur eux-mêmes et enchaînent les matchs. Pour beaucoup d’autres, même si ce n’est que des bouts de matchs, ils restent impliqués lors des 3 matchs, ce qui représente un influx nerveux important et une implication couteuse en énergie qui ne peuvent être répétés indéfiniment. Il est donc primordial que la semaine des 3 dimanches demeure l’exception qui apporte un plus. En 2007, pour raison de Coupe du Monde, le championnat avait comporté 2 fois ce principe en quasiment un mois. Le résultat avait été désastreux en termes de jeu. Si tout c’était bien passé lors de la 1ère semaine à 3 matchs, il en avait été différemment après la 2ème. Les joueurs avaient alors accusé le coup physiquement et le niveau de jeu avait considérablement baissé dans les semaines qui avaient suivi, avec des matchs qui avaient du mal à rester intéressant après l’heure de jeu, tellement les joueurs décrochaient physiquement.
Additionner 3 matchs en 8 jours est obligatoire tant que le Top14 se jouera à 14 et qu’il n’y aura que 52 semaines dans l’année. Mais il ne faut pas aller au-delà de 2 fois par saison de manière à protéger les joueurs. Ces 2 fois devront, bien sûr, être le plus espacé possible et autant que possible se jouer à la belle saison, début de l’automne et printemps. Les matchs seront évidemment plus spectaculaires s’il fait beau que si le froid et l’humidité sont présents, et un contexte climatique favorable permettra d’attirer les spectateurs dans les stades. Pour une fois le rugby a l’occasion de transformer une de ses faiblesses, le nombre de matchs par saison, en force, la promotion du rugby auprès d’une cible différente. Il serait dommage de ne pas en profiter pleinement…