Je me suis d'abord demandé si c'était un mathématicien qui plaçait les 800 convives dans la Cour du Lieu unique. On s'est finalement retrouvé, nous, quat'zamis, à une table de six. Avec un couple sympathique qui a immédiatement dégainé son plat. Pour ceux qui n’auraient pas suivi, je parle de "La Grande tablée" de samedi soir, à Nantes. Il fallait que chacun apporte une entrée à partager. J’avoue qu’en voyant la tarte de mes voisins, j’ai d’abord eu un peu peur. C’était assez suspect a priori. Une tarte violacée qui s’est avérée être une tatin de betterave aux oignons et au cumin, fort bonne au demeurant. Comme quoi, les délits de faciès existent même en cuisine. Très vite, les langues se sont déliées et les plats ont circulé : « Goûtez donc mon carpaccio de saint-jacques et de courgettes !», « Il est bon, mon pain de poisson, il est bon ! », « Tu vas goûter mon gaspacho oui ou non ? ». Le vin proposé par InterLoire était très bon également : un muscadet, un anjou puis un vouvray. Pas dépaysée, la fille.
Le rideau levé, les chefs ont commencé leur show. Michel Troisgros a ouvert le bal en transformant avec délicatesse une pomme de terre en rose frite. Canettes, poulets de Loué… ont envahi les tables dans un joyeux brouhaha et les échanges ont repris de plus belle. « On a eu le plat de l’Américaine, c’est pas bon », a déploré une voisine, en quémandant nos restes.
Puis sont arrivés les desserts, magiques, concoctés par deux grands pâtissiers locaux à partir de gâteaux Lu. Une mousse de noisette déguisée en esquimau glacé, sur un lit de nougatine, et une religieuse pas catholique pour un sou. Bref, le p’tit Jésus en culotte courte.