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Antinomie

Publié le 05 septembre 2010 par Toulouseweb
AntinomieAir France low cost : trčs probablement une utopie.
Rien n’est officiel mais les rumeurs convergent : Air France envisagerait de se lancer dans le low cost. Elle estimerait secrčtement avoir dépassé le seuil de tolérance vis-ŕ-vis de Ryanair et EasyJet et, ŕ force de voir des parts de marché court/moyen-courrier se dérober sous ses pas, elle aurait décidé de réagir, de reprendre l’initiative, de lancer une contre-attaque.
Cette attitude, aussi logique et compréhensible soit-elle, risque pourtant de ne mener ŕ rien. Il suffit d’ailleurs de tirer parti de l’expérience des autres pour le comprendre. Ainsi, Lufthansa a étudié la question avec toute la rigueur germanique pour finalement choisir de ne pas se lancer dans une improbable aventure low cost. British Airways, tout au contraire, a créé une filiale dédiée, Go !, pour ensuite faire marche arričre, lassée de cannibaliser son marché tout en se débattant dans les contradictions relevant de la pure schizophrénie.
Dans le męme temps, avec un zeste d’hypocrisie, Air France a prétendu avoir trouvé la parade en développant Transavia, compagnie aux structures légčres qui faisait partie de la dote de KLM au moment du mariage franco-hollandais. Mais Transavia est tout sauf une low cost ŕ part entičre : c’est une compagnie réguličre ŕ bas coűts, certes, mais qui a pour vocation de desservir Monastir, Ibiza et d’autres destinations touristiques. Il s’agit de tout autre chose.
Dčs lors, reste ŕ savoir si Air France aura maintenant le courage de ses opinions. EasyJet se présente volontiers comme la deuxičme compagnie Ťfrançaiseť, ce qui est d’ailleurs exact. Mais le problčme qui est posé est autrement vaste et grave dans la mesure oů il revient ŕ s’interroger sur les chances de rentabilité, voire de survie, d’une activité d’Air France qui correspond ŕ 49 millions de passagers annuels et 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Or il ne saurait ętre question d’élaguer, de réduire la voilure. Ce serait un renoncement grave en męme temps qu’un risque inacceptable d’affaiblissement de la plate-forme de correspondances de Roissy-CDG.
Le dossier tient de la quadrature du cercle. Les premiers ŕ le dire, ŕ leur maničre, sont les pilotes. Partant du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir, en plein week-end, ils viennent de dire qu’ils ne sont pas pręts ŕ n’importe quoi. En revanche, ils s’empressent aussi d’ajouter qu’ils sont disposés ŕ soutenir Ťune stratégie offensive crédible de reprise de parts de marché en Europeť. Cette prise de position du Syndicat national des pilotes de ligne (alias Air France ALPA) constitue sans doute une bonne surprise pour l’état-major de Pierre-Henri Gourgeon.
Il serait vain d’entamer un échange de vues sans avoir creusé davantage la question. En effet, si Air France devait choisir de créer ex nihilo une filiale low cost dédiée, elle risquerait de se retrouver dans la męme situation inextricable que British Airways il y a quelques années et éprouverait les pires difficultés ŕ faire cohabiter au sein d’un męme groupe des grilles salariales ŕ deux vitesses. François Bachetta, directeur d’EasyJet pour la France, a déjŕ réagi et, sans surprise, a rappelé qu’on est low cost de naissance ou on ne l’est pas. Exact !
Air France n’a pas encore tout ŕ fait terminé la restructuration qu’exige un monde aérien entičrement déréglementé. Elle pourrait aussi retenir une autre option, ŕ savoir la simplification absolue de ses rouages qui, en partie, portent encore les stigmates d’une autre époque.
EasyJet (redoutable parce qu’elle dessert les grands aéroports) et Ryanair (dont les prix sont vraiment au ras du tarmac) bénéficient d’une réputation de trčs petits prix. Mais, pour partie de son offre tout au moins, Air France se défend mieux que dans le passé, sans que la clientčle en soit suffisamment consciente. Ainsi, pour les billets achetés ŕ l’avance, ou les séjours ŕ destination comprenant la célčbre nuit du samedi au dimanche, les offres tiennent la route. L’aller et retour Paris-Nice est descendu ŕ 118 euros, Paris-Calvi coűte 127 euros, Paris-Marseille est affiché ŕ 115 euros, Lille-Marseille ŕ 112 euros. Bien entendu, ce niveau-lŕ ne peut pas ętre celui de la recette unitaire moyenne alors que c’est le cas chez Ryanair et EasyJet.
Peut-ętre Ťsuffirait-ilť de poursuivre dans cette direction, y compris, idée qui est apparemment dans l’air, en basant en province un certain nombre de pilotes et d’A320. Ce faisant, Air France réinventerait les Ťbasesť délocalisées qui constituent la clef de voűte de la maničre de faire de Ryanair. Quoi qu’il en soit, Air France est condamnée ŕ marier la carpe et le lapin, ŕ aborder de front une dangereuse antinomie. Et cela en faisant preuve d’audace.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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