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Publié le 06 septembre 2010 par Christophe Benavent

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Pixo - av Ipiranga

Il a été un des mots magiques de l'internet : le tag. Non pas cette signature baroque qui orne  les murs de villes, quoiqu'il s'agisse de la même chose, mais ces procédés qui étiquettent idées, textes, musiques, vidéos et objets. Et qu'on désigne par le mot délicieux de folksonomie.
Je me souviens du rôle des étiquettes, c'était dans mon enfance en salle de sciences naturelles, ce carton insignifiant qui désignait d'un nom, d'une date et d'un lieu, le spécimen cloué dans la boite à papillons, cet exemplaire unique qui représente toute l'espèce. Je me souviens aussi de ce sentiment d'inutilité de la chose. Le papillon épinglé se suffisait à lui même, pourquoi en piquer la singularité par quelques indications aussi vagues qu'imprécises?
Et je retrouve les étiquettes, comprenant aujourd'hui leur sens profond, comme celles des tableaux dans les musées, elles n'ont rien à dire sur l'œuvre, mais par leur combinaison permettent un inventaire, et d'un texte à l'autre de s'assurer que l'on parle de la même chose. Elles sont moins qu'un numéro d'inventaire, mais plus aussi, permettant au minimum que les spécimens se retrouvent dans le bazar des choses. Les étiquettes sont les cailloux du petit Poucet, des riens, des signes sans significations, mais dont le rôle est de permettre de retrouver un chemin.
Le sens profond des tags est à trouver moins dans leur nature que dans l'abondance de l'information. Chaque bribe de parole, chaque image, chaque film, chaque document, ne serait plus rien dans cette gigantesque accumulation si elle ne laissait un fil qui en permette par le hasard et ses distributions une sorte de redécouverte. Les étiquettes contemporaines ont une autre fonction, celle de passer à travers les supports, les sites, les bases, d'être l'élément universel qui permette de traverser les mondes. Et c'est sans doute pour cette raison que ces drôles d'étiquettes, code barre flash tag, QR codes prolifèrent. Qu'importe leur fonction, ces petits cailloux ne subsisteront que s'ils peuvent passer d'un média à l'autre. D'un chemin au couvert des bois à la poche d'un enfant. D'une affiche à l'écran d'un mobile.
Les tags non seulement doivent être expressifs, mais fongibles. Ils doivent passer d'un support à un autre. D'une affiche à un site web, d'un site web à une caisse de supermarché. Et de ce point de vue la technique a beaucoup à dire. Elle le dit inventant des formes étranges, des 2D codes dont le graphisme facilitent la captation, le RFID.Les étiquettes sont dans l'invasion de l'information le seul moyen de tracer des pistes dans un monde que personne ne pourra plus explorer, car trop vaste! Le village global redevient une immensité avec la masse d'information qui croît tant que plus personne ne peut en maitriser la moindre parcelle.
Les cailloux du petit Poucet sont devenus essentiels pour que surnagent les connaissances. Tags et metag tag sont les petits soldats de l'ère de l'information. Les étiquettes de notre enfance revêtent une valeur nouvelle et forte. Elles sont des condensations, une suite de mots qui ne résument rien, mais permettent de revenir à la chose enfouie, même si la mode des nuages de tags s'est évaporée, plus efficacement que d'autres techniques.
Ces folksonomies s'appuient sur l'intelligence des foules mais sont surtout des taxinomies du pauvre qui s'opposent à la société des savants sans doute, mais qui trouve dans la beauté des nuages l'immédiateté du sens commun de la recherche. Les tags se sont pas que des graphismes, mais une part de ces meta-données à la base des systèmes sémantiques.
Et de ce point de vue il faudra réfléchir à pourquoi la systématique laisse le pas à ces formes d'indexation flottante. Une double raison semble s'imposer. La première est que nous ne disposions plus d'une théorie assez forte pour classer les objets du monde à l'instar du tableaux des éléments de Mendeleiev , ou de la classification de Linné  dont le dernier avatar est celui de Karl woese . Comment construire une hiérarchie quand on ne dispose pas de la théorie qui peut l'établir?
Cependant recommandons à tous de soigner ses tags, il sont la condition de passer au-delà du flux du présent et de revenir à la mémoire des vivants. Ce qui ne sera pas tagué s'enfouira dans cette mémoire profonde, sédimentée, qui attend sans espoir d'être réveillée.Les marques sont des tags. Parmi les plus précieux. Dans les grandes bases qui se constituent et se renforce, qu'elle soient géographiques, conversationnelles, document, photographiques, bibliographiques, l'accès à l'information passe par l'usage de mots clés, et les marques en sont sans doute les plus utilisés.

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