Magazine Bien-être

L'accompagnement d'un mourant

Publié le 07 septembre 2010 par Do22

Extrait du livre : Vivre le bien mourir 

Ayant été moi-même accompagnante pendant plusieurs années dans une unité de soins palliatifs, je désirerais faire part d’un certain vécu et ressenti, ceci principalement pour aider les proches si dépourvus devant cette phase finale et qui désirent aider au mieux ce passage parfois si difficile.

«Accompagner un mourant», c’est cheminer à ses côtés jusqu’à la fin, avec générosité, tendresse, compassion et respect.

Marie de Hennezel considère que cela reste avant tout une fonction maternelle : «La femme aide à naître et à dé-naître».

L’accompagnement doit toujours être adapté à chaque malade car chaque être vit ce chemin de manière individuelle et unique. Aucune mort n’est identique à une autre. Néanmoins on peut se référer à quelques règles essentielles.

Être soi-même dans la paix en abordant le malade : celui-ci à une sensibilité exacerbée et ressent tout de suite l’état d’esprit et l’émotion qui sont en vous.

Savoir respecter le temps du malade : celui-ci peut rejeter un visiteur et   demander sa présence quelques instants après.

Avoir conscience de l’importance de son propre regard :
«Être vivant, c’est être vu dans la lumière d’un regard aimant» Christian Bodin
«C’est le regard de l’autre qui me constitue» Jacques Lacan

Avoir un sourire, un regard de tendresse, mais surtout pas de pitié : «Un sourire, c’est du courage pour l’âme abattue, du repos pour l’être fatigué, c’est un véritable antidote pour toutes les peines» Extrait d’un poème chinois.
S’asseoir : le malade allongé se ressent d’autant plus dévalorisé et aliéné devant une personne debout et en bonne santé.

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Savoir écouter : «Écouter, c’est mettre en œuvre un certain nombre de techniques et d’attitudes. C’est permettre à l’écouté de trouver en lui les réponses à ses questions ou préoccupations personnelles. C’est lui manifester, par des réponses et attitudes de compréhension, une manière d’être qui va lui donner assez confiance pour trouver en lui les ressources pour gérer ses difficultés et son développement.

Cette écoute nécessite une formation et s’améliore continuellement dans la pratique. C’est en fait ce que nous devrions vivre quotidiennement dans toutes relations d’accompagnement en tant que parents, enseignants, formateurs, couples, éducateurs, thérapeutes… » L’écoute, de Jean Artaud .
Savoir écouter, c’est accepter l’autre inconditionnellement, tel qu’il est, être totalement disponible, sans juger, dans l’empathie ; c’est accepter de recevoir ses besoins, ses peurs ; c’est percevoir les non-dits. C’est au malade lui-même de prendre conscience ; l’écouter lui sert de catalyseur. C’est à lui de mener le débat.
Savoir écouter, aussi, en connaissant les diverses phases décrites par Elisabeth Kübler-Ross et en sachant qu’elles ne se succèdent pas toujours mais interfèrent.

Il est étonnant d’avoir un entretien avec une personne dont vous constatez qu’elle est arrivée au stade de l’acceptation, fait ses adieux, semble claire avec une mort très proche, puis quelques heures après vous dit qu’elle est enchantée d’assister au baptême de sa petite fille et qu’elle mettra sa robe bleue…Il est important de savoir accepter ces distorsions, de ne pas redonner au malade le sens de la réalité et de le laisser sur son cheminement.

Effectivement ce cheminement est toujours à respecter. Je me souviens, en tant qu’accompagnante, d’une femme qui n’acceptait aucune visite, agressive, même avec les soignants, prostrée dans une grande souffrance. C’était un vrai problème pour l’équipe qui se décourageait devant une porte à laquelle on redoutait de frapper. Je l’ai vu un jour aller se cacher dans le noir pour fumer ; je décidai alors de tenter une approche. Je l’ai abordée avec un grand sourire, allumé la lumière, invitée à s’asseoir en essayant de n’émettre aucun jugement mais plutôt une grande tendresse et compassion. Le contact était laborieux car elle avait une trachéotomie et était très difficile à comprendre. Elle accepta que je la reconduise dans sa chambre. À partir ce  jour, la porte me fut ouverte, puis progressivement à tous les membres de l’équipe ; elle perdit toute agressivité. Elle nous communiqua par l’intermédiaire de son carnet toute sa confiance et son amitié, quelquefois de merveilleux poèmes. Elle mourut dans l’acceptation et la paix. Le respect, la patience et la persévérance nous ont permis d’avoir des échanges inoubliables.

Savoir faire prendre conscience d’un mort prochaine sans l’affirmer.

Savoir écouter l’espoir, le partager sans l’authentifier.

Savoir soutenir le silence donne souvent des résultats spectaculaires dans cette prise de conscience : c’est dans ces occasions que j’ai eu le plus de reconnaissance : le malade  exprime  son authentique ressenti sans penser être jugé, contredit, il est accueilli  sans être interrompu, tel qu’il est. Il est en parfaite communion avec lui-même.

Écouter avec par une présence authentique et silencieuse, en respirant au rythme du malade, en lui prenant la main pour partager avec compassion.

Le toucher, donné avec toute sa présence intérieure, est la dernière communion avec la vie et ceux que le mourant quitte.

Les familles doivent souvent faire face à des non-dits, des rancoeurs, des problèmes à régler, mais le respect du cheminement du malade, l’écoute et l’authenticité peuvent faire des miracles.

Les mourants doivent enfin arriver au «lâcher-prise».

Lorsqu’un malade met longtemps à mourir, il est intéressant d’en chercher la raison :

Il peut ne vouloir mourir que lorsque personne n’est auprès de lui, ce qui est frustrant pour ceux qui ont veillé attentivement à côté de lui et même culpabilisant. Il m’est arrivé de rester plusieurs heures auprès d’un mourant, d’aller chercher un café, et de constater qu’il avait choisi ce moment pour partir, me laissant désemparée et perplexe.

Au contraire une autre personne attendra la venue d’un proche qui n’a pas pu ou voulu venir. Une grand-mère, très agitée, attendait désespérément sa petite fille, lorsqu’il lui a été dit qu’elle ne viendrait pas, ne voulant pas voir sa grand-mère dans cet état, cette femme est décédée dans les heures qui ont suivi.

Certains veulent revoir leur domicile, attendent une fête ou un anniversaire, demandent à planter un arbre ou encore entendre des aveux ou un pardon.

La cause de ce “non lâcher prise” est souvent difficile à détecter, mais en trouver la réponse peut être un grand soulagement pour une fin de vie sereine.

Il faut réaliser que même dans le coma, les malades ont une sensibilité exceptionnelle, ils savent quelles personnes sont autour d’eux, ils les entendent.

Ils reconnaissent très bien ceux qui leur tiennent la main ou leurs caresses.

Une agonie est unique, elle est propre à chacun. Il n’y a pas de règles, de mode d’emploi pour un accompagnement idéal. Chaque accompagnement est une aventure, une expérience enrichissante, mais toujours à remettre en question.

L’authenticité de l’ouverture à l’autre, le non-jugement, l’écoute, le toucher, l’amour et aussi l’humour sont les bornes du chemin à suivre pour assister un malade en fin de vie, sans oublier que la mort est un temps fort de la vie.
Bénédicte Civet-Lobstein
www.auradamour.com

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