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Le mythe du consensus sarkozyën

Publié le 18 novembre 2007 par Omelette Seizeoeufs

Lisez la chronique hébdomadaire de Sarkofrance sur les mythes sarkozyëns qui se cassent petit à petit la figure. Il y en a deux qui semblent particulièrement importants pour la suite des événements. D'abord, le mythe de l'efficacité politique de Sarkozy : censé être un animal politique redoutable, il est à la peine quand il faut intégrer son gouvernement dans sa communication. Surtout, on se rend compte que ses pouvoirs de communication sont formidables quand c'est son image à lui, Nicolas Sarkozy, le Très Grand Homme (TGH), qui est en jeu. Dès qu'il s'agit des autres, ou même du bien de la France en général, c'est le cafouillage. Ensuite, ce que Juan appelle "Le mythe de la France rassemblée" : l'idée que Sarkozy incarne une sorte de modernité française inéluctable, que toutes ses "réformes" sont inévitables, incontournables, et que le "peuple" (qui s'était "levé" pour élire notre petit grand bonhomme, vous vous souvenez?) est derrière lui, et donc contre les "nantis" bénéficiaires des régimes spéciaux, mais aussi contre les immigrés, contre plein de gens, en somme.

Le conflit sur les régimes spéciaux sera, de toute façon, l'un des moments charnières de ce mandat. Nous sommes riches en moments charnières ces temps-ci, car je reste persuadé que le divorce présidentiel en était un autre. Mais passons, on pourra y revenir. Cette grève, dont la défaite devait être le symbole des victoires sarkozystes futures (lisez Planète-UMP (merci Dagrouik) si vous ne me croyez pas), n'a fait qu'éroder un peu plus la popularité du Président, et quelle qu'en soit l'issue, ne signifierait pas la fin du pouvoir syndical. Loin de là.

La notion d'un grand consensus autour de Sarkozy continue à être l'un des socles de sa crédibilité. Depuis quelques mois, nous avons eu de nombreuses occasions de critiquer la complaisance des médias, aussi bien ceux, privés, dont les propriétaires sont des proches de Sarkozy, ou ceux de l'Etat qui, à quelques vaillantes exceptions près, tendent à relayer les analyses UMP plutôt que de s'essayer à l'esprit critique. Mais sans aller jusqu'à dénoncer un complot, ou une manipulation directe de la presse par l'Elysée (sans, bien entendu, l'exclure), la presse semble imbibée de ce consensus, comme s'il était impossible, impensable, ridicule de ne pas participer à la grande admiration générale de Sarkozy, et d'estimer que tout le monde, hormis quelques hulerberlus, partage ce sentiment. Sarkozy, dès son éléction, est devenu l'incarnation d'un esprit du temps.

Les grèves des cheminots et des étudiants ont ouvert quelques brèches (voir ce papier chez Libé et même celui-ci au Monde) : les deux groupes commencent à considérer les médias comme étant dans le camp de leur ennemi. L'éditorialiste anonyme du Monde réplique, avec la mauvaise foi qui est devenue sa signature :

[...] le président de la République qui vient d'être élu et la majorité parlementaire qui le soutient ont présenté aux électeurs des engagements prévoyant explicitement cette réforme. Non seulement elle n'a pas été occultée pendant la campagne, mais elle a au contraire été mise en avant comme l'une des mesures symboliques du programme économique et social proposé par le candidat et par son parti. Les citoyens, qui n'ont pas changé d'avis en six mois, approuvent donc, dans leur majorité, l'alignement de la durée de cotisation des agents des entreprises publiques sur celle des fonctionnaires et des salariés du privé.

En un mot, c'est la ligne du Parti : avec toute sa légitimité démocratique, les fameux 53%, Sarkozy peut faire ce qu'il veut. C'est bien la Ve République, non? Tu votes, et si tu perds, alors tu te la ferme pendant cinq ans! Ceux qui sortent de cette vision des choses, eh bien, les journalistes ont du mal à en parler. C'est normal, paraît-il.

En revanche, donner à tous ceux qui sont concernés des possibilités égales d'exposer leurs arguments est délicat. C'est le cas type d'une situation où les journalistes ne font que des mécontents.

(Il pousse le bouchon jusqu'à cette perle:

Les usagers, qui subissent la grève, ont le sentiment que ce n'est ni assez dit ni assez montré.

Pas assez dit! Pas assez montré! Il débarque d'où, ce grand anonyme? Les témoignages de "galère" sont devenus l'occupation principale de l'ensemble des médias.)

Etonnamment, le grand quotidien véspéral en est au point où il doit défendre, explicitement, le parti pris des médias. Ce ne peut être qu'un signe encourageant.

Nous ne sommes pas près d'être débarrassés du mythe du grand consensus derrière Sarkozy. Il n'est pas sûr, cependant, qu'il reste intact si longtemps.


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