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Le Chili prend de la bouteille

Publié le 28 juillet 2010 par Anthony Quindroit @chilietcarnets

Si l’on évoque les vins étrangers, les premiers noms qui viennent à la bouche sont « Californien » ou « Australien ». Peut-être moins connus, les vins Chiliens se taillent tout de même une belle réputation chez les amateurs de vins.

Une récente étude met d’ailleurs en évidence un étonnant paradoxe : alors que la France a connu un repli de 5,6% (en volume) de ses exportations de vins en 2009, le Chili a connu une hausse. Plus de 37%, passant de quelque 213,7 millions de litres à 294…

Un site complet est d’ailleurs dédié à ces bouteilles du Nouveau Monde. Son nom ? Vinsduchili.com. Et, comme l’indique l’adresse, il n’y est question que de bouteilles arrivant tout droit de l’autre côté du globe.

Le Chili prend de la bouteille

Le site propose exclusivement des vins produits au Chili

A l’origine de ce projet Marc Ben Chemoul et Martin Genot, deux habitués du e-business déjà à l’origine d’un site spécialisé sur le vin… israélien !

Pour les vins chiliens, le duo s’est associé à Jérôme Gagnez. Véritable passionné, ce sommelier réputé – passé notamment par le traiteur Dalloyau et créateur, en 2004, de la société Vers le vin, une entreprise de conseils et d’organisation d’événements oenologiques. C’est d’ailleurs par ce biais qu’il va avoir envie d’aller encore plus loin dans la découverte des vins étrangers. Pour Chili et carnets, il revient sur la création de ce site spécialisé et dévoile les particularités des vins made in Chile.

D’abord, quel est votre parcours ?

Le Chili prend de la bouteille

Jérôme Gagnez (photo DR)

Jérôme Gagnez :  » Pour résumer, la passion du vin c’est de famille. J’ai toujours voulu en faire mon métier. En 2004, j’ai créé ma société pour organiser de l’événementiel sur le thème du vin dans les entreprises. J’ai donc dû continuer à enrichir mes connaissances et j’ai dégusté de plus en plus de vins étrangers. Sud-Africains, Portugais, Italiens, Chiliens… Parallèlement, j’ai fait la connaissance de Marc qui venait de se lancer dans les vins casher. Il avait envie de créer quelque chose d’assez pointu autour des vins étrangers. Il avait l’expertise du commerce en ligne et moi les connaissances oenologiques. »

Quelles sont les particularités du vin chilien ?

« La grande particularité est liée à la géographie de ce pays. A toutes les extrémités, il y a les frontières naturelles que sont le Pacifique et les Andes. Cela a permis de protéger les vignes du phylloxéra [un puceron et, par extension la maladie qu’il donne à la vigne, qui a ravagé bon nombre de vignes depuis sa découverte au XIXe siècle, NDLR]. Aujourd’hui, au Chili, on trouve encore des vignobles francs de pied. D’origine. Cela donne une expression plus pure, plus intense. Les vignobles sont aussi pour la plupart en altitude et bénéficient de l’influence de l’océan : cela donne des raisins moins chauds, moins généreux mais plus fins avec de meilleurs équilibres. Quand il fait trop chaud, comme dans les plaines arides du sud d’Israël, on arrive vite à un déséquilibre. Au Chili, la fraîcheur des nuits d’altitude ralentit cela. »

Il y a quand même un lien avec les vins français, non ?

« Il y a un tronc commun pour tous les pays du Nouveau Monde : tous les vignobles sont nés de la colonisation européenne. Au Chili, c’est à la fin du XVIe siècle : les catholiques apportent d’abord du vin pour leurs messes puis des vignes. Au XIXe siècle, la révolution industrielle crée de nouvelles classes sociales, aisées et européanisées. On crée des vignobles parce que c’est raffiné. On fait alors venir des cépages d’Europe, notamment français. Comme le carmenere, un cépage d’origine bordelaise quasi-totalement disparu en France. On trouve aussi le país, mais il sert plus pour la production de Pisco. Mais l’influence française est forte. »

Le Chili prend de la bouteille

Le carmenere existe toujours au Chili ou la vigne a été protégée du phylloxéra

Quand le vin chilien a-t-il intéressé l’Europe ?

« Ca s’est accéléré après la chute de Pinochet. Les investisseurs étrangers se sont penchés sur les vignes et ont débarqué. Le Baron Philippe de Rothschild, les frères Lurton, Michel Laroche… Il y avait le climat, le sol. Et une paix royale ! »

Comment se comporte le consommateur de vin au Chili ?

« Là-bas, cela fonctionne par « marque ». On achète un Concha y Toro ou un Casillero del Diablo – des sous divisions de Philippe de Rothschild… Il y aussi Loma Larga, une toute petite maison de qualité. Ou Villard, qui est minuscule. C’est un français d’ailleurs qui en est à l’origine. »

Et comment aborde-t-on le vin ?

« La façon d’envisager le vin est différente. En France, jamais on ne dira « Levure fermentée » ou « X315″ ou « B25″.  Au Chili, on le dit. La viticulture y est plus chimique. C’est quand même beaucoup plus vrai chez les gros producteurs. Le Clos Ouvert par exemple est minuscule et ne fait que du naturel… »

Cela change véritablement le vin ?

« Le goût est la résultante de tout cela. Les vins vont être plus intenses, plus expressifs. Il y a une finesse aromatique et une fraîcheur dans les vins chiliens par rapport aux autres vins du Nouveau monde. »

Qu’en est-il des prix ?

« Un des vins les plus chers, c’est l’Almaviva. 150, 160 euros la bouteille. C’est chez Rothschild. On ne l’a pas encore sur le site. Il y a l’effet marque mais, pour moi, en tant que sommelier, ça ne les vaut pas. Autant prendre une bouteille dans les coups de coeur à une vingtaine d’euros. »

Quelles sont les bouteilles à découvrir en priorité ?

« Une très belle bouteille de chez Villard, c’est l’Equis, un Cabernet Sauvignon. Ou l’Antiyal, avec une très grosse proportion de carmenere. Et ça c’est très très naturel. Il faut compter une cinquantaine d’euros. »

Le Chili prend de la bouteille

L'Antiyal, un coup de coeur de Jérôme Gagnez (photo avec l'autorisation du site vinsduchili.com)

Le marché chilien a-t-il encore un potentiel de développement ?

« Il a encore un potentiel de croissance. Il y a de la surface exploitable et on arrive à faire du rentable…Surtout dans la vallée de Casablanca [à l’ouest de Santiago, NDLR]. »

Et son impact en France ?

« On reste assez chauvin. Le vin chilien intéresse les amateurs. Par les consommateurs moyens. En France, on reste la référence sur le haut de gamme. Au Chili, comme ailleurs. »

Question pratique, comment sont sélectionnés les vins chiliens ?

« Pour vinsduchili, nous nous sommes rapprochés des principaux importateurs qui nous ont proposé 250 échantillons. Là-dessus, j’en ai retenu quatre-vingt six dont vingt blancs et un rosé. Je rédige ensuite les textes pour présenter les vins, avec des recherches précises sur leurs origines. Je me suis aussi beaucoup documenté sur les maisons et sur l’histoire. C’est un site de niche, il faut être pointu. »


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