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Réf DT 30: Navin l’artificier

Publié le 09 septembre 2010 par 1132nd

On a souvent vanté la gestion de l’opinion publique de Navin Ramgoolam. On dit qu’il a appris de ses erreurs. On dit qu’il a mûri, qu’il comprend désormais des subtilités de la complexité de la société mauricienne. Et, armé de conseils de plusieurs consultants en relations publiques à la sauce française, il manie habilement les mots pour se sortir de situations délicates et damer le pion à ses adversaires politiques. Mais voilà qu’à l’apogée de son parcours politique, Navin Ramgoolam se tire une balle dans les pieds. Et risque d’ouvrir des plaies qu’on tente désespéremment à guérir.

Au départ, l’affaire Choonee. Ce ministre de la Culture de la République de Maurice se débat comme un beau diable dans une vaine tentative de se défendre : il saisit un arsenal de légistes pour tenter de trouver une interprétation alternative à son discours, il saisit l’Independent Broadcasting Authority pour tenter d’intimider les rédactions audiovisuelles, il envoie des courriers mettant en garde les rédactions écrites sur des commentaires éventuels sur ses propos.

Son effort lui a quand même valu une récompense : à son retour, en niant mordicus les faits avérés – faisant preuve d’une mauvaise foi d’un politicien digne de ce nom – Navin Ramgoolam tente de convaincre la population que son ministre n’a pas failli. Vainement. Que ce n’est finalement qu’un énième complot de la presse, visant à saper son autorité et sa légitimité à la tête du pays. La presse veut mettre le pays à feu et à sang, tente-t-il de faire croire.

Groggy, le peuple mauricien tente toujours de comprendre comment un Premier ministre d’une république puisse cautionner un discours pareil, et voilà que s’amène une meute de chiens enragés. Enragés parce qu’ils se sont retenus pendant une semaine. Le maître leur a implicitement donné raison. Le maître ne dira rien s’ils déchaînent leurs crocs. Et peut-être que le maître attend qu’ils le fassent, pensent-ils probablement. Quoiqu’il en soit, ils l’ont fait.

Ils se disent représenter la communauté hindoue. Mais demandez à n’importe quel Mauricien de foi hindou, et il sera incapable de vous dire quelle masse a donné un tel mandat à ces individus aussi réactionnaires. Ils disent œuvrer pour l’harmonie sociale. Mais leur discours est parsemé de « majorité » et de « minorités ». Ils récusent les propos d’un l’article de presse expliquant les subdivisions de la communauté hindoue. Mais les noms de leurs associations comportent des termes tels que « Vaish », « Ravived », « Rajput ».

Ils disent que leur religion prône la « tolérance ». Mais ils brandissent des menaces contre la presse et…brûlent une copie de l’express dimanche.

Aussi dramatique que cela puisse être pour la République de Maurice, et si c’était exactement ce que voulait Navin Ramgoolam ? Faisant diversion, il arrive tout de même à sortir son ministre de la Culture de la mêlée, et change la configuration de l’affrontement aux yeux du public. Car il s’agit désormais de la presse contre les pyromanes. Ca lui évite de prendre des sanctions contre un ministre qu’il a choisi, ce qui serait alors synonyme qu’il se serait trompé.

En fouettant le fanatisme de ces individus et en implicitement leur conférant le mandat de s’opposer à la presse, le Premier ministre semble ne pas mesurer ses actes. Ses réussites antécédentes  à mouler la perception de la population - rendues possibles grace à l’impuissance de l’opposition - semblent lui avoir conférer un statut d’invincibilité à la tête de l’état. Néanmoins, il se serait peut-être trompé sur ce coup-ci.

Et ce ne sera d’ailleurs pas la première fois. Car il y a aussi eu cet incident. Le Bureau du Premier ministre a du se rendre compte qu’ils s’étaient trompés dans le jeu de perception. Car plusieurs mois après, comme pour effacer les faits, la vidéo diffusée en long et en large – et au ralenti – par la rédaction de la Mauritius Broadcasting Corporation a simplement été… enlevé des archives.

Toutefois, vu les proportions que prennent les événements, la population mauricienne – notamment les non-majoritaires – pourrait ne pas les oublier de si tôt.



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