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Gauche et droite pour 2012

Publié le 09 septembre 2010 par Argoul

Nous ne sommes qu’en 2010 et 2012 est loin. Certains prédisent que ce sera la fin du monde ; ce sera en tout cas la fin du quinquennat actuel de Nicolas Sarkozy et la remise en jeu du pouvoir présidentiel. A écouter les commentateurs média, c’est plié : la gauche est favorite. A entendre le parti Socialiste devant ses militants ou dans la presse, pas de problème : il y a unité, parti en ordre, candidats compétents et programme sérieux en préparation.

Sauf que les socialistes sont toujours contents d’eux, et constamment étonnés lorsqu’ils perdent. Parce qu’il existe encore un Président pour deux ans, qu’il est habile et que sa stratégie voit loin, nul ne peut prévoir qui remportera l’Elysée en 2012. Mais une chose est sûre : rien n’est joué !

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Côté PS, à force de se congratuler entre soi, de célébrer l’unité de façade retrouvée, de lire les sondages qui donne une avance, on est déjà installé au pouvoir, dans la tête. Redoutable bonheur que celui de croire qu’il suffit d’être là pour l’emporter ! La Présidence n’est pas une rente qui revient au privilège d’être né avec de bonnes intentions, mais une bataille où gagne le plus adroit. L’opinion est en attente à gauche : mais de quel programme au PS ? Problèmes des socialistes : ils sont trop confortables dans les médias, trop illusionnés de sondages, trop limités à l’anti-sarkozysme primaire. Cela plaît aux militants, cela ne séduit pas les électeurs. Car le parti a beau se croire comme toujours l’avant-garde éclairée du peuple, c’est bel et bien le peuple tout entier qui le désigne, et pas une frange étroite de militants. Le PS est certes fort de ses gros bataillons de professeurs dont l’éducation est la fonction, fort de sa majorité de fonctionnaires qui savent toujours mieux que les assujettis ce qui est bon pour eux, fort de ses cheminots hardis à défendre leurs zacquis sans souci de qui prend le train ou des gaz à effet de serre que chaque grève provoque à l’envi. Mais le PS n’est pas la France, il n’en est qu’une composante. Plaire aux militants ne suffit pas pour plaire aux Français.
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A ce titre, les primaires socialistes vont être redoutables. Elles obligent à la surenchère gauchiste pour rallier les convaincus bien au-delà du parti, qui vont voter pour un candidat. La position de Martine Aubry est délicate : après avoir prôné le rassemblement et – dit-on – un pacte de non-agression avec Dominique Strauss-Kahn, que décidera-t-elle s’il présente sa candidature ? Va-t-elle aller contre lui ? Avec un programme forcément décalé vers les promesses « de gauche », donc hors du réalisme qui fait la force de DSK ? S’il ne se présente pas comme candidat, resteront Ségolène Royal et François Hollande. Contre la première, Martine Aubry pourra se poser comme une personnalité moins imprévisible, plus collective mais, contre le second, comment pourra-t-elle se démarquer de l’équilibre « sérieux » de ses propositions – sauf à l’éliminer par un « ticket » ? Mais si la candidature est décidée d’en haut, à quoi servent les primaires ? A éliminer seulement Ségolène Royal ?

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Juste avant la campagne présidentielle, puisque les primaires sont prévues fin 2011, cette surenchère probable de promesses, de gauchisme et de divisions devrait servir Nicolas Sarkozy. C’est probablement sa tactique que de recréer un vrai clivage droite-gauche. On voit bien le centre (Bayrou), et même les écologistes réalistes (Cohn-Bendit), réduits au statut de spectateurs entre PS et UMP. Ce pourquoi être populaire n’importe pas à Nicolas Sarkozy à ce stade de sa présidence. Il veut montrer qu’il réussit à réformer, qu’il surfe sur la crise, malgré les mécontentements catégoriels. Sa tactique sera de se poser en protecteur, face aux incertitudes économiques qui dépassent les Etats. Il vise à la fois la classe populaire et la classe moyenne. La première avec les thèmes de la sécurité et de l’immigration, la seconde avec les impôts et la dépense publique.

Que racontent donc les socialistes sur ces préoccupations ? Qu’il faut ouvrir les frontières ? aider toute la misère du monde ? créer toujours plus d’emplois publics “dé-bordés”, de postes où l’on fait “l’éloge de la paresse” ? embaucher plus de profs (alors qu’on en aligne 850 000 pour 12 millions d’élèves – soit, en bonne arithmétique scolaire, 14 élèves par enseignant) ? augmenter tous les impôts (faire payer les riches ne suffisant pas aux ambitions) ? taxer les entreprises au détriment de l’emploi ? augmenter la distribution - donc les charges sociales ? Il est probable que Nicolas Sarkozy compte jouer sur ces repoussoirs pour l’emporter au concours de beauté 2012, puisque le quinquennat – ce que n’avait pas prévu la gauche – pousse non à une présidence arbitre mais à une présidence engagée. Quasi sans contrepouvoirs : rançon du quinquennat VOULU par la gauche.

Dans ce contexte, explique Jérôme Jaffré, la remontée du Front national sert les desseins de droitisation de Nicolas Sarkozy. Le FN empêcherait les classes populaire et moyenne déclassée de se tourner vers la gauche au premier tour. Pourquoi pas ? Notons cependant que cela affaiblit l’UMP et divise les droites, que le candidat 2007 avait su habilement rassembler. On ne peut plus dire aujourd’hui avec l’ironie de Staline à propos du Pape : « le PS, combien de divisions ? » Les divisions sont mises en veilleuses – pour l’instant – au PS. Mais elles émergent à droite.

La plus grande faiblesse de Nicolas Sarkozy, par ailleurs très habile, sont les affaires. Son amour moins de l’argent que des riches (après tout, réduire le déficit c’est savoir produire de l’argent). La richesse le fascine et, en temps de crise où chacun regarde avec envie le peu de plus que lui qu’a son voisin, les frasques des patrons évadés fiscaux, des ministres dépensiers en cigares, du fils ambitieux et du trésorier-néanmoins-ministre font taches dans le paysage. Les Français sont férus d’égalité plus que de liberté, ce pourquoi ils ont eu cette « passion » du communisme que Marc Lazar a bien analysée dans un livre. Travailler plus pour gagner plus, oui, mais pas tricher aux dépends de la princesse pour s’enrichir tout en demandant des sacrifices aux autres. Là est peut-être le talon d’Achille de cette stratégie présidentielle. Eric Woerth sert pour l’instant de fusible, les média ne parlent que de lui – et pas de Nicolas Sarkozy. Mais pour combien de temps ?


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