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L’évangile selon la Redoute

Publié le 10 septembre 2010 par Laurelen
L’évangile selon la Redoute Ce matin au courrier, j’ai ramassé le catalogue de la Redoute. Alors en revenant de la boite aux lettres, je me faisais un plaisir d’avance de l’ouvrir devant mes marmailles, de leur montrer les pages de jouets de la fin, les voyant déjà rêver devant les photos en couleurs des poupées, camions de pompier et autres trains électriques de leur rêves, jusqu’au sapin de noël et son papa plein de paquets cadeaux systématiquement situé dans les dernières pages… Mais à la fin du catalogue, j’ai découvert la rubrique Linge de maison, auraient-ils déplacé la rubrique Jouets ?

Mais non, merde, ni au début, ni au milieu, ni à la fin, pas un jouet en vue dans tout ce putain de catalogue… J’ai fait part de ma déception à mes enfants, mais ils s’en foutaient un peu… Tu parles. Le petit dernier, à six ans, sait déjà depuis un an taper « jeux de moto gratuit » sur google. Le monde s’est écroulé sous mes pieds. J’ai réalisé que ça devait faire des décennies que je n’avais pas ouvert un catalogue de la Redoute. Il traine par ci par là, comme une vieille habitude, ma femme le feuillette et me sollicite parfois pour le choix d’une fringue ou d’un drap, mais je n’y touche plus depuis longtemps. Pourtant, quelle bible renouvelée ce fut tous les ans dans ma première jeunesse, que j’croyais que c’était encore hier… Dès qu’il apparaissait dans notre coin paumé du fin fond de la Haute-Marne, je me jetais sur les cent dernières pages et passait des heures à dévorer les photos de Goldorak, des voitures télécommandées, des circuits électriques, des vaisseaux spatiaux en légo, jeux de société, etc… à m’en faire des cauchemars, de septembre à Noël. Dans mon imaginaire, ce livre était en relation directe avec les lutins du père Noël, j’avais le droit de commander un ou deux jouet parmi des milliers, et j’ai même réussi deux ou trois fois à économiser mon argent de poche pour commander l’inatteignable à mes propres frais. Que d’émotions, de joies intenses, de voyages intersidéraux, d’attentes tremblantes et d’angoisses terribles j’ai vécu !

Fini de jouer aujourd’hui. Le catalogue, c’est 500 pages de linge de femme, 150 linge enfant, 150 linge homme et 100 linge de maison (j’arrondis). Fini la place au rêve. Tu parles. Les marmailles reçoivent mille catalogues de pubs de magasins divers bourrés de jouets à l’approche des fêtes, alors ils les regardent, et ils rêvent un peu, mais c’est volatile, y’a plus rien d’unique. Ils sont assaillis de pubs sur toutes les chaînes et sur tous les sites possibles. La communication, l’internet, c’est fantastique mais dans un sens ça nous a tué les textes sacrés, les encyclopédies inviolables, telles que, par exemple, le catalogue de la Redoute. D’ailleurs la redoute elle est pas con, et elle l’a compris bien avant moi. Un petit tour rapide sur son site, elle te propose en fait aujourd’hui dix mille fois plus de came qu’il y a trente ans. Tout l’électroménager, la hi fi, les meubles, déco, soins, etc, et bien entendu les jouets magnifiques de tes rêves, encore dix mille fois plus de choix. C’est simplement devenu un site de vente comme les autres, sauf qu’il se targue d’être le N° 1 des sites habillement et maison. Je crois que si j’avais eu une version papier de ce site il y a trente ans, je ne serais plus de ce monde, je me serais sans doute immolé par le feu avant l’âge de dix ans.

Bon, c’est un coup de vieux parmi d’autres, on vit encore une époque formidable quoiqu’on en dise, les petits rêvent encore à des choses formidables, et les grands aussi, quand ils s’en donnent le temps. Mais ça me donne quand même l’impression que malgré nous, on impose aux marmailles de rêver plus vite et un peu moins fort, et forcément ils suivent. Vu ce que propose encore notre vieux catalogue, je me demande s’il existe, selon la légende, encore un pré-ado perdu dans la nature qui se paluche sur les pages lingerie fine… Là aussi, au vu de ce que propose en deux clics nombre de sites, ils risquent de rêver plus vite et moins fort… Mais nous abordons là un autre sujet brûlant qui sera développé ultérieurement. Laissez-moi, ce soir, caresser le fin et fragile papier glacé de mon enfance, son odeur n’a presque pas changée, et moi non plus je crois, laissez moi rêver un peu, je ferme les yeux, c’est super important, il faut que je calcule combien de semaines d’argent de poche je dois économiser, en étant raisonnable sur les bonbecs, pour me commander la montre à quartz chronomètre et compte à rebours de la page 587.


Arthur

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