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Où étiez-vous le 11 septembre?

Publié le 10 septembre 2010 par Magda

Où étiez-vous le 11 septembre?

Où étiez-vous le 11 septembre?

Chute du Mur de Berlin / 11 septembre 2001 : quand l’Histoire s’écroule, les médias sont là

Comme le dit Mike LaMonica, un blogueur américain, « nous savons tous où nous étions ce matin-là ».

La question du « où nous étions ce matin-là » est intéressante. Le 11 septembre 2001 est entré dans l’histoire hyper-médiatique, aux côtés de la Chute du Mur de Berlin, l’un des premiers événements historiques et politiques à bénéficier d’une telle couverture journalistique dans le monde « en live ».

Le 11 septembre 2001, j’étais étudiante en école de communication, justement, et je faisais un petit boulot d’été comme vendeuse dans une bijouterie à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Une hôtesse de l’air est accourue et a glissé aux employées de la boutique : « Vous avez vu? »


Vu? Voir quoi? Je n’étais pas au courant. Un souffle d’angoisse agitait le terminal C où je travaillais. Oui, déjà, on pouvait « voir ». Je levai les yeux vers les télévisions accrochées au plafond. On y rediffusait déjà en boucle l’événement monstrueux.

A cette époque, mon petit ami était un Américain de New-York. Je sentais confusément que c’était stupide, mais j’essayai mille fois de l’appeler sur son portable. Rien ne marchait. Dans l’aéroport, des hôtesses de l’air pleuraient. Soudain, tout s’immobilisa et deux minutes de silence furent accordées aux victimes dont les corps n’étaient sans doute même pas encore froids.

Là où j’étais, donc, le 11 septembre au matin, dans un aéroport international, et qui plus est dans un terminal où les départs se font pour les États-Unis et les pays arabes, le « spectacle émotionnel » avait une force de frappe sans pareille.

Mon ami allait bien, sa famille aussi. Je regardais chez moi, le soir, en boucle, les images des avions frappant les tours, j’écoutais les hurlements des gens ayant filmé les Twin Towers avec un caméscope, les retransmissions de mystérieux appels téléphoniques passés depuis les bureaux des Tour : « I love you darling, I’m gonna die, long live America! ».

Avec le temps, ce théâtre d’émotion me met en colère. Je me demande à quel point il est acceptable d’user des émotions du public et des familles des victimes pour mettre en place des politiques douteuses et ultrasécuritaires. J’ai bien peur que les commémorations de cette année m’irritent de nouveau, comme elles m’irritent depuis 2002.

9/11 et la Chute du Mur sont des moments courts, et complètement saturés d’émotion. Leur théâtralité n’échappe à personne. La Chute du Mur est devenu le symbole quasi hippie de la réunion des peuples et de la fraternité ; 9/11 représente une horreur encore jamais atteinte jusque-là du terrorisme à grande échelle – un terrorisme riche et organisé. Un terrorisme si malignement imaginé, si puissamment construit, recherché, structuré, qu’il ressemble tout simplement à une guerre avec ses morts civiles. L’impression d’être injustement attaqué était jusque-là quasi étrangère au peuple américain, ce qui justifie ce tsunami émotionnel.

Mais ces courts instants – la Chute du Mur, le 11 septembre – ne sont qu’une infime parcelle de la réalité historique. Ces événements sont le point de mire médiatique parce qu’ils frappent fort et qu’ils sont massifs. L’Histoire, il me semble, ne se développe cependant pas comme un moteur à explosion : ce ne sont pas ces moments-là qui la déterminent. Une sensibilité exacerbée, vite oubliée après le moment crucial, fait de l’instant dit historique une icône – un Mur tombe, des gens hurlent de joie, deux tours tombent, des gens hurlent de détresse.

Oui. C’est intéressant de se souvenir où l’on était le 11 septembre ou le jour de la Chute du Mur. Mais c’est encore plus intéressant d’explorer ce qui provoque ces mouvements de l’Histoire, et de prendre un peu de distance avec le traitement médiatique qui en a été fait. Les couronnes de fleurs et le souvenir sont importants, mais ne doivent pas faire oublier que le 11 septembre reste un moment encore inexpliqué de notre histoire géopolitique. Et que nous devons garder les yeux ouverts sur ce que l’on nous fait avaler avec le goût salé des larmes.



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