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Evacuation et expulsion des Roms roumains et bulgares : l’absurde stratégie de la carotte et du baton (focus Dalloz étudiant)

Publié le 10 septembre 2010 par Combatsdh

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Pour sa rentrée, Dalloz m’a demandé, en ma qualité de maître de conférences en droit public mais aussi d’ancien étudiant, de répondre aux questions suivantes sur l’évacuation des campements et le renvoi de Roms roumains et bulgares pour la rubrique “Focus sur…” du site Dalloz étudiant (désormais en accès libre).

Sur le même thème, Denis Mazeaud me fait l’honneur de l’entretien dans la dernière page de la revue Dalloz qui paraîtra dans une semaine.

Serge SLAMA

NB: ce “focus sur…” devait paraître Lundi mais pour des raisons techniques la mise en ligne sur Dalloz étudiant, en pleine rénovation, a été retardée à ce Vendredi..

Voir les focus sur d’autres collègues, désormais librement accessibles

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Focus sur…

  • Q. Quelle est la base légale utilisée pour l’arrestation et la mise en garde à vue des 979 ressortissants roumains et bulgares cet été entre le 28 juillet et le 17 août ?

On peut envisager deux scenarii :

-  Le premier, le moins fréquent s’agissant de nos Roms roumains ou bulgares, est l’interpellation sur la voie publique, à l’occasion d’un contrôle du séjour (art. L.611-1 CESEDA) ou d’un contrôle d’identité (art. 78-2 C. pr. pén.). Dans ce cas, la personne interpellée est placée en vérification d’identité puis en garde à vue et, en règle générale, s’il ne lui est reproché « que » l’irrégularité de la présence sur le territoire, on bascule d’une procédure judiciaire à une procédure administrative par la notification d’un arrêté de reconduite à la frontière (« APRF ») et, éventuellement, un placement en rétention aministrative dans l’attente du renvoi.416d3ab.1283765290.jpg

- Le second est lié à l’occupation illégale d’un terrain. D’une part, occuper sans autorisation préalable et de façon non conforme à sa destination le domaine public routier ou ses dépendances constitue une contravention de petite voirie (art.  R 116-2 C. voirie routière) - mais pas, comme nous le verrons, un trouble à l’ordre public justifiant une reconduite à la frontière.

D’autre part, depuis la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure l’article 322-4-1 du Code pénal réprime de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende « le fait de s’installer en réunion, en vue d’y établir une habitation, même temporaire », sur un terrain appartenant soit à une commune qui s’est conformée aux obligations lui incombant en vertu de la loi « Besson » (Louis - celui qui est resté socialiste) n° 2000-614 du 5 juillet 2000 (en infraction avec cette loi la moitié des communes françaises ne dispose pas d’aires d’accueil pour les  gens du voyage), soit à tout autre propriétaire. Cela pourrait amener un placement en garde à vue mais, dans la pratique, ce n’est jamais, ou presque, le cas, car cela priverait d’effectivité l’objectif visé : le renvoi immédiat des intéressés. C’est pourquoi les autorités optent pour une autre stratégie : l’aide au retour « humanitaire » (v. la 3e question).

On remarquera aussi que des Roms roumains évacués d’un terrain de Seine-Saint-Denis avaient déposé une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre des dispositions des articles 9 et 9-1 de la loi « Besson », dans leur version issue de l’amendement « Hérisson » à la loi de 2007 sur la prévention de la délinquance (art. 27 et 28). Alors même que le Conseil d’État avait jugé ces questions sérieuses, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il n’y avait pas d’atteinte aux droits et libertés constitutionnels (Cons. const. 9 juillet 2010, n° 2010-13 QPC, M. Balta et M. Opra, v. notre billet critique). Pourtant la CNCDH, la Halde, le Comité européen des droits sociaux, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance et le Comité pour l’élimination de toute forme de discrimination raciale ont critiqué le caractère discriminatoire de ce dispositif qui repose, in fine, sur un critère ethnique par la référence au « mode d’habitat traditionnel » des gens du voyage, comme l’a d’ailleurs reconnu le rapporteur public sur la décision de renvoi du Conseil d’Etat (v. CE, 28 mai 2010, AJDA 2010, p.1379, concl. Thiellay). Cela n’a pas empêché l’Elysée d’annoncer le 6 septembre 2010, à l’issue d’une « réunion de travail sur les questions de sécurité et d’immigration », que les préfets verront en la matière leurs pouvoirs renforcés. Avec ce renforcement, le Conseil constitutionnel jugera-t-il, cette fois-ci, l’équilibre entre les libertés et le maintien de l’ordre public disproportionné ?

  • Quel est le dispositif législatif mis en œuvre pour l’expulsion des ressortissants européens du territoire national français ?

Depuis que les Roms roumains et bulgares sont des citoyens de l’Union européenne (1er janvier 2007), il est devenu difficile de les éloigner du territoire français. En effet, ils bénéficient de la liberté de circulation (art. 45 TFUE ; art. 45 Charte des droits fondamentaux) que seuls des motifs liés à l’ordre public peut restreindre. Par suite, le droit français prévoit que le préfet peut prononcer un arrêté de reconduite à leur encontre qu’en cas de menace pour l’ordre public et, s’agissant des ressortissants roumains et bulgares qui n’ont pas automatiquement accès au marché de l’emploi pendant la période transitoire instaurée par la France pour sept ans, en cas de travail sans autorisation (art. L. 511-1, II 8° CESEDA ; dans un avis critiquable le Conseil d’État a estimé que ces dispositions sont bien applicables aux citoyens européens : CE 26 novembre 2008, Silidor, n°315441).

Par ailleurs, au-delà d’un délai de 3 mois, le citoyen de l’Union européenne doit justifier d’une activité ou de ressources et qu’il constitue pas « une charge déraisonnable pour le système d’assurance sociale » pour bénéficier d’un droit au séjour (art. L. 121-1 CESEDA). À défaut, la préfecture peut prendre une obligation de quitter le territoire français (art. L. 511-1). Mais l’intéressé dispose alors d’un délai d’un mois pour organiser son départ et/ou pour contester, par un recours suspensif, l’« OQTF » devant le tribunal administratif. Dès lors on comprend qu’à l’occasion de l’évacuation de campements de Roms, la préfecture n’opte pas pour cette solution. Dès 2007, le ministère de l’Immigration a « inventé », en dehors de tout cadre légal, un autre stratagème : l’aide au retour « humanitaire ».

  • Quel est le fondement juridique de l’« aide au retour humanitaire » ?

arh_formulaire_internet-2.1284111001.jpg Il n’existe aucun fondement légal. La seule base juridique est constituée de circulaires. L’aide au retour humanitaire se distingue de l’aide au retour « volontaire » qui existe depuis le milieu des années 1970, est prévue par les textes légaux et n’a jamais bien fonctionné (2 900 bénéficiaires en 2009).

En décembre 2006, une circulaire a prévu la possibilité d’allouer aux citoyens de l’Union européenne l’aide au retour « humanitaire » (circulaire interministérielle n°DPM/ACI3/2006/522 du 7 décembre 2006). Ce n’était qu’un dispositif embryonnaire (548 personnes en 2006, 757 du 1er janvier 2007 au 31 août 2007). Mais pour réaliser les « objectifs chiffrés » de 25 000 reconduites de « sans-papiers », le ministère de l’Immigration a mis en œuvre un procédé consistant, lors d’évacuation de campements de Roms, à assurer la présence d’agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (la « carotte ») et des forces de l’ordre (le « bâton ») pour, littéralement, « forcer la main » de ces citoyens européens (v. ce billet de 2008).

Ainsi, même si depuis le « discours de Grenoble » du 30 juillet 2010 le renvoi de Roms s’est accéléré, le phénomène existe depuis plusieurs années. Avant l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne le 1er janvier 2007, les ressortissants de ces pays représentaient déjà le quart des 25 000 reconduites exécutées depuis la métropole (6 300 en 2006).  Depuis près de 30 000 d’entre eux ont été renvoyés : plus de 9 000 ont fait l’objet d’une ARH en 2008 (8 240 Roumains et 938 Bulgares) ; plus de 11 000 en 2009 (10 177 Roumains et 863 Bulgares). En 2010, 84 % des 8 000 Roms qui ont déjà quitté la France ont relevé de ce dispositif !

La difficulté est que ces citoyens européens sont en droit de revenir immédiatement. Du coup, il est possible qu’ils touchent à plusieurs reprises l’aide au retour. C’est la raison pour laquelle le législateur a autorisé en 2007 (art. L.611-3 CESEDA) la création d’un traitement de données servant à identifier les bénéficiaires et à établir des statistiques (OSCAR : « Outil de statistique et de contrôle de l’aide au retour »). Toutefois, pour lutter contre cette « fraude », que le gouvernement a lui-même provoquée, le décret créant, sur avis défavorable de la CNIL, le cousin d’ELOI et de GREGOIRE prévoit non seulement la numérisation « biométrique » du visage et des dix doigts des bénéficiaires mais aussi de leurs enfants d’au moins 12 ans. Ces données, qui peuvent être croisées avec d’autres fichiers, sont conservées 5 ans (Décr. n° 2009-1310 du 26 octobre 2009). Ces modalités ont suscité l’inquiétude des associations comme la Ligue des droits de l’homme, le Gisti et IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire) qui ont saisi le Conseil d’État fin 2009. Éric Besson ayant annoncé la mise en œuvre de la partie biométrique en octobre 2010, elles ont demandé que l’instruction de l’affaire soit accélérée (la décision devrait être rendue en novembre 2010). Le ministre a clairement mentionné que le fichier avait pour objectif d’empêcher les aller retours de Roms c’est-à-dire d’entraver la liberté de circulation de citoyen de l’Union européenne, ce qui est contraire aux traités et à la charte des droits fondamentaux.

Evolution et répartition des aides au retour 2005-2009

2005

2006

2007

2008

2009

Aide au retour volontaire

53

1.978

2.040

2.227

2.913

Aide au retour humanitaire

361

397

2.898

10.191

(dont 9 178 Roumains ou Bulgares)

 

12.323

(dont 11 040 Roumains ou Bulgares)

Source : ANAEM/ OFII

  • Quel peut-être l’étendue du contrôle du juge administratif en cas de recours pour excès de pouvoir contre l’un de ses actes ?

On se retrouve exactement dans la même procédure que pour les étrangers des pays tiers devant le juge administratif (v. art. L. 512-1 et s. CESEDA). Néanmoins, les citoyens de l’Union européenne peuvent, comme on l’a dit, plus difficilement faire l’objet d’une mesure d’éloignement puisque les motifs en sont limités (v. l’annulation de la circulaire du 22 décembre 2006 relative aux modalités d’admission au séjour et d’éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007 : CE 19 mai 2008, SOS Racisme, LDH et a., n° 301813, aux Tables du Lebon).

Pour prendre un arrêté préfectoral de reconduite sur un trouble à l’ordre public, il faut respecter les exigences de l‘article 27 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, à savoir l’existence « d’une menace réelle, actuelle, et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société », le principe de proportionnalité et fonder la décision « exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné » et non sur des considérations générales ou économiques. La directive précise que « l’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. ». C’est sûrement la raison pour laquelle Éric Besson propose d’inscrire dans le « code des étrangers » que la mendicité agressive constituerait désormais un motif de reconduite à la frontière. Le seul fait que cela soit un délit ne suffit pas à fonder la mesure de reconduite [voir complément infra].

Quant à l’évacuation des terrains, il a déjà été jugé que la simple occupation illégale, en l’absence de circonstances particulières et même s’il est fait état d’atteintes à la salubrité publique, « ne suffit pas à elle seule à caractériser l’existence d’une menace à l’ordre public » (CAA Versailles 15 juillet 2009, Préfet du Val d’Oise, n°08VE03042). C’est le motif qui a conduit le juge de la reconduite à la frontière du tribunal administrata-lille.1284111361.jpgtif de Lille à censurer, sur requête d’un avocat lillois, Me Clément (v. son site internet Débase et ce billet), 11 « APRF » pris à l’encontre de familles de Roms roumains qui occupaient des terrains appartenant à la communauté urbaine de Lille derrière l’école d’architecture à Villeneuve d’Ascq (v. sur le site du TA de Lille la motivation des décisions du 27 et 31 août 2010 et l’un des ces jugements). L’Elysée a annoncé le 6 septembre deux autres motifs : « l’absence durable de moyen de subsistance », qui paraît difficile à caractériser dans les trois premiers mois, et « l’abus du droit » à la libre circulation, qui est envisagé par la directive mais avec un encadrement important au niveau des garanties procédurales [voir infra le complèment sur les amendements à la loi Besson].

 

  • Existe-t-il un texte ou un principe opposable interdisant le déplacement en masse de populations par les autorités administratives nationales sur le territoire de l’Union européenne ?

Oui les expulsions collectives d’étrangers sont prohibées par l’article 4 du Protocole n° 4 à la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 19 § 1er de la Charte des droits fondamentaux (v. CEDH 5 février 2002, Conka c. Belgique, n° 51564/99). Le ministère de l’Immigration se défend de procéder à de telles expulsions envers les Roms en affirmant que « chaque décision est prise après examen particulier de chaque situation individuelle, sous le contrôle du juge ». Mais, dans la réalité, on l’a vu, le système est entièrement biaisé puisque 85 % des Roms sont renvoyés par le système d’aide au retour « humanitaire » qui échappe presque entièrement au droit. Formellement, l’intéressé sollicite l’aide en signant des formulaires. Et, dans la mesure où il doit monter immédiatement dans un bus puis un avion (25 vols depuis début 2010), il n’a pas l’occasion de saisir le tribunal administratif. Au demeurant, contrairement à la reconduite à la frontière ou l’OQTF, la saisine du juge ne serait pas suspensive.

Objectifs chiffrés et reconduites effectuées (chiffres pour la métropole)

Objectif fixé

Mesures d’éloignement exécutées

Dont retours forcés

(APRF OQTF)

Dont retours aidés (Anaem/ OFII)

Taux de réalisation global

Taux de réalisation hors retours aidés

2003

Nd

12.482

12.482

2004

16.843

15.659

15.659

70,3%

70,3%

2005

23.000

19.849

19.849

86,3%

86,3%

2006

25.000

23.843

22.415

1.428

95,4%

89,7%

2007

25.000

23.196

19.885

3.311

92,8%

79,5%

2008

25.000

29.796

19.724

10.072

119,2%

78,9%

Source : Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

voir aussi “Besson: 75% des décisions de reconduite à la frontière ne sont pas exécutées “, AFP, 8 septembre 2010

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Pour un juriste, le plus accablant, au-delà du coût humain et financier de ces procédures (mais il y a sûrement un bénéfice politique !), c’est que ce renvoi de 10 000 Roms roumains et bulgares citoyens européens par an ne sert pas à pas grand-chose puisque comme tout citoyen européen ils sont en droit de revenir dès le lendemain [voir complément infra sur l’utilisation de la notion d’ “abus de droit”]. Dans l’absolu, ils pourraient même se contenter pour exécuter l’arrêté de reconduite de franchir n’importe quelle frontière, par exemple pour les Roms lillois la frontière belge à 20km, de le faire constater dans un commissariat et ensuite revenir en toute légalité sur le territoire français dans la même journée !

[voir le communiqué de l’ADDE - sur une idée de Me Clément : “Un petit pas pour le Rom, un grand pas pour l’absurdité“]

Au demeurant, le Parlement européen critique ces mesures et la Commission européenne a ouvert une procédure à l’encontre de la France. Il lui appartiendra de déterminer si la France viole le droit communautaire, notamment si ces renvois peuvent être assimilés à des renvois forcés et collectifs. Elle était saisie d’une plainte d’association depuis 2008.

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Le questionnaire de Désiré Dallozr-danelle-olivaw.1284016437.jpg

  • D. D. : Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
  • D. D. : Quel est votre héros de fiction préféré ? Pourquoi ?
  • D. D. : Quel est votre droit de l’homme préféré ? Pourquoi ?

voir les réponses ici ainsi que les références des textes cités sur Dalloz étudiant

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  • voir aussi sur le même thème cet entretien au journal de 22h Expulsion de Roms pour mendicité : «Contraire au droit de l’Union européenne», Public Sénat, Le 01.09.2010 à 12:56

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Complément:

RECONDUITE A LA FRONTIERE DE CITOYEN DE L’UE : ORDRE PUBLIC ET INFRACTIONS

N° 9 (01 09 2010)
IMMIGRATION, INTÉGRATION et NATIONALITÉ (n° 2400)
AMENDEMENT
présenté par le gouvernement

ARTICLE 49

Au II de l’article 49 du projet de loi, remplacer le premier alinéa de l’article L. 533-1 par les dispositions suivantes :
« Art. L. 533-1. - L’autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière :
« 1° Si son comportement a constitué une menace pour l’ordre public ;
« 2° Si l’étranger est passible de poursuites pénales sur le fondement des articles du code pénal cités au premier alinéa de l’article L. 313-5 du présent code, ainsi que des articles 311-3, 311-4 (1°, 4° à 6°, 8°) et 322-4-1 du code pénal ;
« 3° Si l’étranger a méconnu les dispositions de l’article L. 5221-5 du code du travail.
« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas à l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois ans. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement étend à l’étranger présent depuis plus de trois mois sur le territoire, la possibilité de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière si son comportement a menacé l’ordre public ou s’il a exercé une activité salariée sans autorisation alors qu’il y était soumis. Ce chef de reconduite, prévu aujourd’hui au 8° du II de l’article L. 511-1 réformé dans son ensemble, a été repris par le projet de loi dans un nouvel article L. 533-1. Aux termes de l’article
L. 213-1, l’étranger qui fait l’objet d’une telle mesure peut se voir refuser l’accès au territoire français pour une durée d’un an, portée à trois ans par l’article 49 du projet de loi.
Sans définir la menace à l’ordre public qui sera appréciée au cas par cas par l’autorité administrative sous le contrôle du juge, l’amendement oriente cette appréciation par une liste complémentaire mais distincte, à vocation illustrative, d’infractions pénales susceptibles, notamment de la caractériser. La rédaction adoptée pour le 2° fait écho à la rédaction de l’article L. 513-15 du CESEDA, énumérant les différentes infractions pouvant justifier, lorsque l’étranger titulaire d’un titre de séjour est passible de poursuites sur ces chefs, un retrait de titre : le trafic de stupéfiants (article 222-39), la traite d’êtres humains (article 225-4-1 à 225-4-4 et 225-4-7), le proxénétisme (article 225-5 à 225- 11), l’exploitation de la mendicité (article 225-12-5 à 225-12-7), le vol dans un transport collectif (article 311-4 7°) et la demande de fonds sous contrainte (article 313-12-1).
Sont énumérés également les infractions de vols avec circonstances aggravantes (article 311-4, l°, 4° à 6° et 8°) ainsi que d’occupation illégale d’un terrain public ou privé (article 322-4-1).

Aucune règle, même de droit européen, n’assure aux étrangers un droit de caractère général et absolu au maintien de leur séjour sur le territoire français lorsque leur comportement menace l’ordre public. Cet amendement ouvre à l’autorité administrative la possibilité, qui n’existe pas dans le droit en vigueur, de reconduire des étrangers qui exercent depuis moins de trois années un droit au séjour sur le territoire français et dont le comportement sans justifier une mesure d’expulsion, révèle le caractère artificiel de l’intégration résultant du droit au séjour sur le territoire français récemment acquis ou exercé.
Est maintenue sans changement la possibilité de procéder à la reconduite des ressortissants étrangers exerçant une activité professionnelle sans être titulaire d’une autorisation de travail, lorsqu’ils y sont soumis.
Compte tenu enfin du principe de proportionnalité, la prise de cette mesure ne sera possible que dans un délai de 3 ans maximum à compter de l’entrée en France ; au-delà, la voie à suivre est celle de l’expulsion (préfectorale ou ministérielle).

Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004

CHAPITRE VI

LIMITATION DU DROIT D’ENTRÉE ET DU DROIT DE SÉJOUR POUR DES RAISONS D’ORDRE PUBLIC, DE SÉCURITÉ PUBLIQUE OU DE SANTÉ PUBLIQUE

Article 27

Principes généraux

1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.

ABUS DE DROIT

N° 11 (01 09 2010)
IMMIGRATION, INTÉGRATION et NATIONALITÉ (n° 2400)
AMENDEMENT
présenté par le gouvernement

ARTICLE 25

Dans l’article 25 du projet de loi, remplacer le premier alinéa de l’article L. 511-3-1 par les trois alinéas suivants :
« Art. L. 511-3-1. - L’autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou de la Confédération Suisse, ou un membre de sa famille, à quitter le territoire français lorsqu’elle constate :
« 1° Qu’il ne justifie plus d’aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ;
« 2° Ou que son séjour est constitutif d’un abus de droit. Constitue notamment un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour supérieur à trois mois ne sont pas remplies.
Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale et notamment du dispositif d’hébergement d’urgence prévu par l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’amendement modifie l’article 25 du projet de loi relatif aux conditions prévues pour la prise d’une mesure d’éloignement (obligation de quitter le territoire) à l’encontre d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à 1′accord sur l’espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille. Il élargit la possibilité de prendre une telle mesure, que le séjour date de moins de 3 mois (nouveauté) ou de plus de trois mois (état du droit actuel).
Ainsi, le 1° se borne à ajouter par rapport au projet de loi qu’une obligation de quitter le territoire français peut être prononcée lorsque l’intéresse ne justifie plus d’aucun droit au séjour tel que prévu par l’article L. 121-4-1, cet article étant lui-même ajouté par amendement (article additionnel avant l’article 17). Il s’agit donc d’une disposition de coordination avec cet autre amendement.
Le 2° prévoit qu’une mesure d’éloignement peut être prise lorsque le séjour de l’étranger est constitutif d’un abus de droit. Cette disposition transpose l’article 35 de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement qui autorise les États membres, souligné par son considérant 28, à adopter les mesures nécessaires pour se préserver de l’abus de droit et de la fraude.
Il illustre la notion d’abus de droit, que l’on peut définir comme un comportement artificiel adopté dans le seul but d’obtenir le droit de séjourner librement, par des exemples tels que le fait de renouveler des séjours d’une durée inférieure à trois mois lorsque les conditions permettant un séjour d’une durée supérieure ne sont pas réalisées, ou encore la volonté de profiter du système d’assistance sociale.


CHARGE DERAISONNABLE

N° 10 (01 09 2010)
IMMIGRATION, INTÉGRATION et NATIONALITÉ (n° 2400)
AMENDEMENT
présenté par le gouvernement
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L’ARTICLE 17

Au début du chapitre III du titre II, avant l’article 17, insérer l’article suivant :
Après l’article L. 121-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 121-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-4-1 - Tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale, notamment l’assurance maladie, l’aide sociale et les prestations publiques à caractère social telles que l’hébergement d’urgence, les citoyens de l’Union européenne, les ressortissants d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de leur famille tels que définis aux 4° et 5° de l’article L. 121-1, ont le droit de séjourner en France pour une durée inférieure ou égale à trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l’entrée sur le territoire français. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’article L. 121-4-1 nouveau précise les conditions du droit au séjour de moins de trois mois de l’étranger ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen ou de la Confédération suisse et des membres de leur famille, quelle que soit leur nationalité. Conformément aux dispositions de l’article 14, 1, de la directive 2004-38-CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ce droit au séjour est maintenu tant que les intéressés ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français.

Ce droit au séjour était depuis 2006 inscrit dans la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (article R. 121-3). Il est cohérent de l’inscrire dans la partie législative du code, de même que l’article L. 121-1 relatif au droit au séjour de plus de trois mois.
Cet amendement est en lien avec un autre amendement modifiant l’article L. 511-3-1 du même code, créé par l’article 25 du projet de loi. Il s’agit d’autoriser l’autorité administrative à prononcer une obligation de quitter le territoire français à l’encontre du citoyen de l’Union européenne ou du membre de sa famille qui ne justifie plus d’aucun droit au séjour en application de l’article L. 121-4-1.

ANNEXE
Conditions d’appréciation du caractère déraisonnable de la charge pour le système d’assistance
sociale

Proposition de disposition : réglementaires
Il n’existe pas de dispositions réglementaires relatives aux conditions d’appréciation du caractère déraisonnable de la charge pour le système d’assistance sociale pour le séjour d’une durée inférieure à trois mois.
L’article R. 121-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est relatif notamment au caractère suffisant des ressources et à la charge que peut constituer le ressortissant mentionné à l’article L. 121-1 du même code s’agissant d’un séjour d’une durée supérieure à trois mois.
En symétrie, des dispositions pourraient être créées afin de faciliter l’évaluation du caractère déraisonnable de la charge pour le système d’assistance sociale mentionné par le nouvel article L. 121-4-1.
Ces dispositions pourraient s’insérer dans un article R. 121-3 du même code ainsi rédigé :
« Art. R. 121-3. - Le caractère déraisonnable de la charge pour le système d’assistance sociale au sens de l’article L. 121-4-1 est évalué en prenant notamment en compte le montant et la durée des prestations sociales non contributives qui ont été accordées, ainsi que la durée du séjour. [La circonstance que l’intéressé occupe sans droit ni titre un immeuble est également prise en compte.] »
Cette rédaction est proche de celle retenue par l’article R. 121-4 du CESEDA et s’inspire du considérant 16 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. [L’occupation sans droit ni titre d’un immeuble révèle le risque de la nécessité d’un hébergement d’urgence.]

Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004

Article 35

Abus de droit

Les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d’abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance. Toute mesure de cette nature est proportionnée et soumise aux garanties procédurales prévues aux articles 30 et 31.


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