Rocky Jones, Space Ranger

La Science Fiction et le Space Opera sont des genres littéraires que la télévision à largement pillé pendant les trente premières années de son développement et méprise depuis (à part de rares exceptions pourtant acclamées) au profit du genre « fantastique » qui lui permet sans doute d’économiser des décors et des costumes (et dans le pire des cas des effets spéciaux remplacés par des discours conceptuels).

Rocky Jones, Space Ranger est une de ces séries qui poussèrent à l’aurore de la Télévision, dont les auteurs n’avaient pas froid aux yeux et dont, comme vous en conviendrez après avoir visionné l’extrait ci-dessous, le public était forcément bon. Voilà, ce sera la seule moquerie que je m’autoriserai dans cette chronique car ce que vous venez de voir est une véritable relique qui doit être respectée comme il se doit. En effet, alors que nous avons perdu toute trace de la plupart des séries de cet age farouche où les humains se rassemblaient devant de petits écrans (30-45cm) dont la définition était encore loin des 720 lignes dont je me vante, cette série qui était filmée sur pellicule (alors que les autres étaient tournées en direct sans magnétoscope) est parvenue jusqu’à nous.

Oui, aujourd’hui si tu ne mets pas déjà cinq millions d’Euros d’effets spéciaux dans ton pilote, on ne te reçoit même pas chez TMC. Mais à l’époque où la Télévision s’inspire surtout de la radio, c’est le récit qui prime. On est dans la magie du Conte, pas encore dans la « magie des images » et pour les jeunes téléspectateurs de 1954, c’est de l’or en barre, sinon du Star Wars. Chaque épisode diffusé correspondait à un acte d’une histoire et trois « chapitres » bouclaient une histoire. Par la suite, ces histoires furent encore redécoupées dans tous les sens, pour faire des épisodes concentrés ou, au contraire, assembler des téléfilms pas chers.
Rocky Jones est donc membre des fameux Space Rangers qui patrouillent le système solaire (pour le compte des « United Worlds of the Solar System ») et sans qui notre humanité aurait depuis longtemps subi le joug de ces extraterrestres fourbes, mal intentionnés et toujours fringués comme si c’était Carnaval (et vous connaissez le proverbe : fais du bien à un martien, il te chiera dans la main). Rocky Jones, c’est le meilleur de tous et comme tous les grands capitaines il a un fier destrier, en l’occurrence un Orbit Jet immatriculé X-V2 : la berline des vaisseaux spatiaux (qui ne survivra pas à une aventure et sera gracieusement remplacé par un Silver Moon X-V3). Les traîtres, les savants fous, les pirates, les monarques susceptibles et les dictateurs chatouilleux font aussi partie de la panoplie du héros et Rocky se les prend un par un.Cleolantha d’Ophiuchus, Yarra de Medina, Zorovax de Fornax, Nizam de Regalio : ils veulent tous se faire Rocky, mais différemment selon leur genre… Et bien sûr, ils ont tous de drôles d’accents, de drôles de sourcils, des tuniques courtes ou des cols haut selon leur genre et des professeurs déments pour les aider dans leurs plans.
Rocky, c’est Crane, Richard Crane précisément qui a tourné pour la télévision jusqu’à sa mort en 1969 et qu’on a vu notamment dans The Lone Ranger ou Surfside 6. Avec lui, il n’y a que de fidèles lieutenants, d’accortes assistantes et de doctes savants (ceux qui ne sont pas devenus fous en tous cas). Scotty Beckett joue Winky le rigolo de service, Sally Mansfield est Vena la paire de cuisse de rigueur, Robert Lyden interprète Bobby le gamin sans qui il n’y aurait pas de vrai suspens et le professeur Newton c’est Maurice Cass qui décèdera durant la production et sera remplacé par Reginald Sheffield en professeur Mayberry. John Banner qui sera plus tard le Sergent Schultz de Hogan’s Heroes apparaît dans quatre épisodes. Et puis il faut saluer Monsieur Hollingsworth Morse qui réalise tous les épisodes et qui continuera sa carrière pendant encore trois décennies et réalisera des centaines d’épisodes sur des dizaines de séries.

Plusieurs compilations ou épisodes assemblés ont été édités en DVD par Timeless Media Group, Alpha Video et d’autres encore.

J.B.

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