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La Maniwa Nen-ryû

Publié le 14 septembre 2010 par Ivan

Après la mort de Sôma Shirô Yoshimoto, mieux connu sous son nom bouddhique de Nen Ami Jion, l’école Nen ryû évolue à travers différentes branches. Ces branches sont fondées par ses disciples qui poursuivent sa diffusion. Mais ce n’est qu’en 1590 qu'un génie du nom de Higuchi Sadatsugu va véritablement sortir du lot et créer la Maniwa Nen-ryû.

L’un des disciples les plus influents parmi les 14 deshis de Nen Ami Jion était Higuchi Kaneshige. Il créa comme les autres sa propre branche, la Kaneshige Nen-ryû. Son petit-fils, Higuchi Takashige, émigra dans la région de Kôzue. Cette région est située au nord du Japon, dans les montagnes au climat rigoureux. Takashige entre au service d’un seigneur local au château de Hirai. Il laisse tomber l’école transmise par son grand-père pour étudier le Shintô-ryû, autre école de kenjutsu déjà très répandu à l’époque. C’est cette forme de kenjutsu qui sera transmise au sein de la famille.

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La conquête de la région de Kôzue par le clan Takeda, mit fin au château d’Hirai. N’ayant plus de seigneur à servir, Takashige et sa famille déménagèrent au village de Maniwa pour devenir bushi-paysan (goshi). Quatre générations plus tard, l’arrière-petit-fils de Takashige du nom de Higuchi Sadatsugu, restait fasciné par les récits familiaux sur la Nen-ryû et son ancêtre Kaneshige. Un jour, un parent éloigné du nom de Konishi Kyobei, vint le trouver et le défier en duel amical. Kyobei n’était pas très costaud et de plus, souffrait d’un problème de vue. Pourtant, Sadatsugu ne parvint pas à le mettre en échec. Intrigué par cette performance, il demanda à Kyobei comment il était arrivé à parer ses attaques et conserver une bonne maîtrise de la situation. Il lui répondit qu’il s’était fait soigner par un médecin et moine itinérant du nom de Tomomatsu Seizo Fujiwara Ujimune. Ce médecin enseignait également le kenjutsu et il avait appris ses techniques.

Bien qu’héritier de la tradition Shintô-ryû, il décide de se replonger dans les racines de son clan. Hélas, le savoir est perdu au sein de sa famille. Aussi, il décide de faire appel à ce prêtre itinérant. En fait, ce dernier est l’héritier à la septième génération de la branche Akamatsu Nen-ryû, l’une des trois branches principales de la Nen-ryû. Il fut accepté comme étudiant et ce n’est qu’après 17 ans de pratique intensive (en 1590) qu’il put rentrer chez lui. Ainsi, il put ressusciter la Nen-ryû dans sa famille, qu’il nomma d’après son village. Il commença alors à unifier toutes les techniques de la Shintô-ryû avec celles de l’école Nen-ryû, tâche qui lui prit 8 années complètes. Il montra son style à Akamatsu Gion, l’héritier familial de la Nen-ryû, qui lui donna alors l’inka de la Nen-ryû, c'est-à-dire le sceau du fondateur de l’école. En 1598, la Maniwa Nen-ryû était officiellement née.

maniwa-nen-ryu-naginata-jutsu

Son école prit de l’essor et les disciples commencèrent à affluer. Toutefois, avoir des disciples n’était pas toujours de tout repos. En 1600 ceux-ci provoquèrent un affrontement avec les élèves de la Ten-ryû, dirigé alors par Murakami Gonzaemon. La force et la réputation de Murakami le précédait, car c’était un colosse qui maniait un bokken d’1,20m, soit 20 à 30 cm de plus que la moyenne de l’époque (n’oublions pas que les japonais d’alors étaient de petite taille). Sadatsugu se prépara au duel pendant 3 jours et 3 nuits dans le sanctuaire de Yamana, dans la montagne avoisinante. La légende dit qu’il tailla un bokken en bois de Néflier du Japon (loquat), un bois dur mais relativement léger. Au troisième jour il fendit une pierre avec son bokuto. La pierre est toujours présente dans le sanctuaire. Le lendemain, il tua d’un seul coup Murakami.

La fin de Kaneshige Sadatsugu est assez obscure et l’on pense que, fuyant le village de Maniwa pour éviter la vendetta de la Ten-ryû, il mourut au cours de ses lointains voyages. Ce qu’il faut toutefois retenir de Sadatsugu, c’est qu’il refusa toujours de mettre son art ou lui-même au service d’un seigneur. Ses descendants firent de même et la véritable âme de la Maniwa Nen-ryû est et reste avant tout son village. L’école eut une grande réputation, et même un dojo à Edo, la capitale. Mais la terre autour du village qui a façonné les maîtres de la Maniwa.

Le maniement du sabre a toujours été la pierre angulaire de cette école. La technique de l’école va d’ailleurs influencer des écoles plus tardives mais très célèbres dont notamment Ittô-ryû, Shinkage-ryû et Yagyu-Shinkage-ryû. Mais c’est avant tout une école complète de Bujutsu. On y pratique le naginata-jutsu, le so-jotsu (la lance) et le yadome-jutsu. Toutefois les techniques de yadome-jutsu, qui est l’art d’arrêter les flèches avec un sabre, ont été introduites au 18° siècle. Par ailleurs, le fondateur de la Nen-ryû était un expert dans le maniement de la kusarigama et on lui attribue la fondation de l’école Isshin-ryû kusarigama-jutsu. Mais ce n’est pas forcément vrai. Des historiens pensent que cette école est plus tardive car ses techniques sont rassemblées et codifiées au 17° siècle. Ils penchent plutôt sur le fait que Tan Isshin serait le véritable fondateur de cette école, mais qu’il aurait étudié la Maniwa Nen-ryû auprès de Yui Shōsetsu (1605–1651). Il nomma ainsi son école de kusarigama-jutsu en hommage au fondateur de la Nen-ryû dont les écrits l’avaient profondément marqué. A noter au passage que la manipulation de la kusarigama ne fait pas partie du cursus de la Maniwa Nen-ryû.

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Le kenjutsu de la Maniwa Nen-ryû possède plusieurs particularités. La première est l’utilisation exclusive de l’odachi, c'est-à-dire le sabre long qui mesurait jusqu’à 2,50m tuska incluse, lorsqu’il s’agit de techniques à un sabre. Mais cette école comporte également l’étude du maniement des deux sabres, nitô, tout comme sa lointaine descendante, la Hyoho Niten ichi-ryû. Ces particularités sont dues à l’expérience des duels et du champ de bataille. Autre particularité est l’utilisation du fukuro shinaï (sabre de bambou) dans les assauts d’entraînement appelés kiriwara jiai. Les pratiquants se munissent d’un casque mou et rembourré et d’une énorme paire de gants pour se protéger. On ne sait pas exactement à partir de quelle époque cet équipement devint la norme à l’entraînement. Mais une chose est sûre, elle est précurseur dans l’utilisation de protections et du sabre de bambou, avec les écoles Shinkage et Yagyu Shinkage, dont les fondateurs ont été influencés (Kamiizumi Hidetsuna et Yagyu Munetoshi) par la Nen-ryû.

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(Higuchi Sadahiro, 24° soke de l'école, pratiquant le Yadome-jutsu)

Nombreux sont les critiques qui affirment que la Maniwa Nen-ryû, est un style frustre qui manque singulièrement d’élégance et pureté technique. C’est sans doute vrai, mais il ne faut pas oublier qu’elle plonge ses racines dans le passé lointain de l’histoire du Japon. Aussi cette école n’enseigne pas un kobudo, mais un kobujutsu (lire Histoire et classification des arts martiaux japonais) qui a fait ses preuves en efficacité tout au long de son existence avec de très nombreux duels et sur les champs de bataille. La Maniwa Nen-ryû est aujourd’hui sous la direction du 25ème héritier et grand maître, Higuchi Sadahito.


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