Magazine Finances

Accros à la relance

Publié le 15 septembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Accros à la relanceLa relance n’a pas eu le succès escompté dans les pays qui l’ont pratiquée. La sagesse conseille de tourner la page et de revenir au respect scrupuleux des lois de l’économie, qu’il ne fait pas bon abandonner dans un contexte de concurrence mondiale.

Mais l’aveuglement conduit ceux qui mènent la politique économique à persévérer. Ainsi Barack Obama vient-il d’annoncer 150 milliards de dépenses nouvelles pour résorber le chômage, tandis que le Japon se donne un nouveau plan de relance, et qu’en Europe on s’inquiète des mesures « d’austérité budgétaire » qui vont empêcher la reprise. On est toujours dans la logique des politiques conjoncturelles inspirées par le keynésianisme, que la science économique a pourtant condamnées depuis quarante ans au moins. Mais la politique prime la science, et les dirigeants sont « accros » à la relance.

La croissance se traîne dans les pays riches

En France on parle de reprise parce que l’on table sur 1,4% de croissance sur l’année 2010, et aux Etats-Unis, après un rebond au cours des deux trimestres précédents, on n’a enregistré que 0,8% de croissance au second trimestre – comme en France d’ailleurs.

Quand on pense que l’Inde vient d’annoncer 8,8% et que la Chine est à nouveau au dessus des 10%, il vaudrait mieux admettre, comme nous l’avons montré il y a quinze jours, que la croissance est trop faible dans les pays occidentaux. Ne parlons pas des pays sinistrés du sud de l’Europe, avec parfois encore, comme en Grèce, une croissance négative ou, comme un Espagne, un chômage explosif.

Le constat conjoncturel est donc clair: la reprise n’est pas au rendez-vous ni en Europe, ni aux USA, ni au Japon, Mais quelle conclusion la classe politique de ces pays en tirent-ils ? C’est qu’il faut relancer. Leur aveuglement est sans équivalent dans l’histoire depuis le New Deal, à cela près que Roosevelt inaugurait une politique de relance jusque là peu pratiquée (il avait au moins cette excuse), tandis que les échecs des multiples plans de relance keynésienne ont été observés et analysés depuis 40 ans.

Aujourd’hui le contexte est encore plus défavorable à toute politique de relance. Drogués au keynésianisme, les gouvernements ont voulu combattre la récession par un nouveau plan de relance keynésien, budgétaire (hausse des dépenses publiques, explosion des déficits) et monétaire (baisse des taux d’intérêt). Bien entendu cela n’a pas provoqué la moindre reprise, mais cela a entrainé l’extraordinaire crise des finances publiques que nous connaissons.

Crise bancaire, crise budgétaire et crise monétaire

Cette crise s’est traduite par une explosion des déficits publics (8%, 10%, voire 12% du PIB) et donc de la dette publique (80%, 100% du PIB, voire plus). La crédibilité de la signature des Etats a été atteinte, certaines notes dégradées, tandis que, pour les pays les plus malades (Grèce en tête) les taux d’intérêt s’envolaient.

Les hommes politiques ont essayé de réagir, ils ont souvent proposé quelques réductions de dépenses publiques, mais ils ont aussi envisagé des hausses des taux d’imposition. Ils ont enfin tenté de camoufler la dette grâce à son financement monétaire, appelé pudiquement « politique monétaire non conventionnelle ». L’engrenage est fatal : on a soigné la dette privée (crise bancaire) par la dette publique (crise budgétaire) puis la dette publique par l’inondation monétaire (crise monétaire).

Résultat concret : des Etats au bord de la banqueroute. L’épisode grec n’a été qu’un signe avant coureur : la crise des finances publiques et des Etats providence drogués au keynésianisme est devant nous. Il est inutile de préciser que de reprise économique, on n’a rien vu dans la plupart des pays, et le rebond habituel qui suit une récession a été tout à fait éphémère, grâce aux politiques absurdes.

Perseverare diabolicum

Mais les bonnes fées keynésiennes ont la vie dure. Vous avez aimé la crise des finances publiques due à la précédente relance keynésienne ? Vous allez adorer la future crise provoquée par la nouvelle relance, qui, cette fois c’est sûr, va nous sortir de l’ornière.

Chacun y va de sa proposition. Au Japon, le gouvernement a annoncé un nouveau plan de relance en débloquant (un hors d’œuvre) 8,5 milliards d’euros supplémentaires « pour stimuler l’activité économique ». Mais, « si nécessaire, le gouvernement aura recours à une rallonge budgétaire », excellente idée dans un des pays les plus endettés du monde. Aux Etats-Unis, Barack Obama demande au Congrès une rallonge budgétaire de 150 milliards de dollars : 50 milliards pour des grands travaux d’infrastructure, 100 milliards pour des crédits d’impôts mis en place par l’administration Bush et appelés à disparaître cette année. C’est évidemment peu de choses par rapport à la première grande relance : le « stimulus » a coûté 640 milliards de dollars. Mais « heureusement » la FED a repris sa politique monétaire non conventionnelle (rachat de dette publique, en clair monétisation de la dette), Ben Bernanke précise que la Fed s’alarme de l’essoufflement de la reprise, ce qui annonce pour bientôt (les « économistes » politiquement corrects ont préparé le terrain) de nouvelles mesures de relance monétaire, alors que le taux de base de la Fed est pratiquement déjà nul. Bientôt un taux d’intérêt négatif : gagner de l’argent en empruntant ! Et le déficit budgétaire reste colossal (presque la moitié du total du budget).

En Europe, les bonnes âmes sont là pour rappeler que « l’austérité » va empêcher la reprise. En clair, qu’il faut poursuivre la fuite en avant des déficits. Car on ose appeler austérité une situation comme celle de la France, avec un déficit public égal à 8% du PIB et une dette publique qui a largement dépassé les 80% du PIB ! La plupart de nos voisins ne font guère mieux, et chacun a bien oublié que les traités européens limitaient le déficit à 3% et que la Commission avait naguère appelé à réduire les déficits à zéro. Quant à la Banque Centrale Européenne, elle a suivi de loin la tendance américaine à la baisse des taux et si sa politique n’est pas aussi laxiste, c’est uniquement en raison de la résistance allemande.

Relance ou recul de l’Etat ?

Les accros du keynésienne n’ont pas compris que si la banqueroute nous menace, c’est à cause des politiques de relance et si la croissance se traîne, c’est en raison de ces politiques conjoncturelles inadaptées.

Il y a des pays émergents qui ont 8 ou 10% de croissance. Ont-ils eu des plans de relance ? L’Allemagne, qui semble s’en sortir nettement mieux (rappelons que le rythme annuel de croissance au second trimestre a été de 8,8%), doit-elle cette reprise à quelque extraordinaire politique de relance ?

Les chiffres sont là : l’Allemagne a le plus faible déficit des grands pays européens : actuellement 3,5% du PIB ; elle a le plus fort taux de croissance du PIB. Etonnant, non ? Cela n’a pas fait réfléchir un seul adepte de la secte keynésienne.

Que fait Angela Merkel ? Elle vient de faire voter 80 milliards d’euros d’économies d’ici 2014, dont 11 pour 2011 (de la baisse des dépenses sociales à celle des dépenses militaires). Le déficit budgétaire va donc tomber en dessous des 3% et l’Allemagne reviendra bientôt à l‘équilibre budgétaire, inscrit désormais d’ailleurs dans sa constitution.

Les Allemands sont-il aveugles ou ont-ils compris que relancer la relance ne servait qu’à aggraver la crise ? En revanche ils pensent sincèrement que la reprise viendra du recul de l’Etat, de la baisse des dépenses publiques, de la compétitivité, de l’ouverture extérieure et donc des exportations, dopées par la reprise mondiale.

Faut-il avoir la cruauté de rappeler aux Français que le chômage allemand vient de reculer pour le quatorzième mois d’affilée, cela avec la relance budgétaire la plus faible d’Europe ! Mais les Allemands ne sont pas seuls ; le ministre des finances polonais avait affirmé qu’aucun « pays n’aurait dû adopter un programme de relance ».

Nous, nous avons une croissance qui se traîne et un chômage qui continue à progresser. Mais nous avons aussi « la Sécu que le monde entier nous envie », 656 000 fonctionnaires de plus en dix ans (car le recul infinitésimal du nombre de fonctionnaires d‘Etat a été contrebalancé par une création près de 20 fois plus forte de fonctionnaires locaux). N’oublions pas aussi les dépenses publiques les plus élevées d’Europe, les prélèvements obligatoires les plus lourds, et une réglementation paralysante. Le déficit ne nous a pas sauvés, il nous a plombés.

Mais pour les hommes de l’Etat il est plus facile de distribuer gratuitement de l’argent (qui n’existe pas), que de dire : travaillez, prenez de la peine, devenez libres et responsables.

Article repris avec l’aimable autorisation de Jacques Garello depuis la Nouvelle Lettre.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Copeau 583999 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines