Réjean Tremblay, le grand journaliste sportif du Québec, vient d’écrire dans sa dernière chronique un article percutant en faveur du financement public pour la construction d’un nouvel amphithéâtre à Québec capable de loger un nouveau club professionnel de hockey sur glace. Une affaire de 400 millions $.
Tremblay cite les projets des dernières années qui ont reçu du financement public en tout ou en grande partie : salle de l’orchestre symphonique de Montréal, quartier des spectacles de Montréal, Grand Prix du Canada, stade de tennis Uniprix de Montréal, stade Saputo du club de soccer « Impact de Montréal », stade Molson du club de football « les Alouettes de Montréal », centre « Georges Vézina » de Chicoutimi, amphithéâtre de Shawinigan, salles de spectacles en projet partout au Québec, et encore. Il rappelle aussi que dans le domaine culturel, les investissements publics ont été importants pour le financement de la presque totalité des films canadiens, d’émissions de télévision pour les grandes séries, de l’orchestre symphonique de Montréal, de Radio-Canada, de Télé-Québec, de festivals de toutes sortes et encore.
Il est vrai que la liste est impressionnante, mais que serait-il arrivé si les gouvernements canadien et québécois, n’avaient pas été là pour le financement de tous ces projets et de toutes ces activités. Plusieurs auraient été réalisés autrement et d’autres n’auraient pas vu le jour.
Le malheur généré par cette généreuse distribution de fonds, que nos gouvernements ont dû emprunter, a été d’accroître, surtout au Québec, les déficits annuels qui ne cessent d’alimenter une dette déjà trop lourde à porter et devenue dangereusement inacceptable.
En somme, ce que dit Réjean Tremblay est : « vous avez donnez à tout le monde alors donnez à Québec pour son amphithéâtre de 400 millions ». Mais est-ce logique dans les circonstances actuelles. Non. Ce chaînon ne doit-il pas être brisé ? Oui. Ce n’est pas parce que c’est Québec puisque j’exprime cette idée depuis plusieurs années, mais à cause de la situation financière qui empire d’année en année et de l’héritage que nous allons laisser à nos successeurs qui sera pour eux du genre à être refusé.
Québec a payé 250,000 $ pour l’étude de Ernst & Young afin d’avoir en main un document démontrant la rentabilité du projet. Ce montant est scandaleux. D’autant plus que la conclusion est ridicule : l’amphithéâtre sera rentable si les gouvernements payent tous les coûts pour sa réalisation (400M$) et assurent par la suite, annuellement, des octrois pour rembourser tous les frais d’entretien et de réparation, et cela ad vitam aeternam. Comment alors un tel bâtiment gratuit ne peut-il pas être rentable pour la ville de Québec avec une équipe professionnelle de hockey ?
Il est certain que la ville de Québec saura bénéficier de ce bel amphithéâtre tout neuf, gratuit et à fonctions multiples, capable de présenter des activités sportives, culturelles, sociales. Ce sera bon pour elle. Mais est-ce raisonnable ? Et les autres villes avec leurs bâtiments de même nature, ne viendront-elles pas demander aussi le remboursement de leurs frais ? Ne faut-il pas profiter de ce cas pour arrêter la spirale d’octrois d’argent public ? Ce serait sûrement un bel exemple, frappant.
La province de Québec n’est pas différente des USA, de la France ou de l’Allemagne. Partout, « les élections sont locales ». La base même du système démocratique pour les politiciens est de répondre à toutes les demandes, aussi ahurissantes soient-elles, en oubliant que ce qui compte vraiment est l’aspect global du rôle de l’État dans la vie économique d’une nation.
Je comprends que notre pays et notre province lancent de grands projets d’infrastructure, particulièrement en période de crise économique, comme les réseaux d’autoroutes, les canaux, le développement de chemins de fer, les hôpitaux, les universités, les aéroports et les projets de même nature qui tous donnent une nouvelle dimension au développement économique, culturel et social de notre société. Mais je suis contre tous les petits projets, même de 400M$ qui n’ont aucune importance stratégique pour notre nation.
Le vrai problème qui nous confronte aujourd’hui est la révision de tous les programmes sociaux et de santé qui sont absolument nécessaires mais qui sont devenus insolvables. C’est là qu’il faut agir pour les protéger et assurer que notre population sera bien traitée.
Une autre exagération coûteuse est la politique canadienne d’augmenter de façon illimitée le budget de la défense. Nous dépensons actuellement des argents, que nous ne devrions pas et que nous n’avons pas, pour nous équiper pour des guerres comme celle où nous sommes, actuellement et inutilement, en Afghanistan. Nous n’avions rien à faire là, pas plus qu’en Irak où nous ne sommes pas allés. De jeunes canadiens y sont morts, pour rien. C’est une douloureuse honte pour le peuple canadien qui ne semble pas être partagée par les politiciens qui ont pris cette folle, mortelle et ruineuse décision.
Notre pays devrait devenir la Suisse de l’Amérique et laisser les Américains faire les guerres qu’ils veulent sans qu’ils nous impliquent et nous obligent à engager des dépenses énormes qui minent nos ressources. Nous avons besoin de tout l’argent que l’on a pour assurer le bien-être futur de tous les Canadiens.
Il est temps d’établir un début de bon sens dans la politique fiscale de notre pays et du Québec. Il faut vivre selon nos moyens.
Dire non au projet de financement public à 100% d’un nouvel amphithéâtre à Québec pourrait signifier le début d’une nouvelle attitude réaliste de la part de nos hommes et nos femmes politiques.
Claude Dupras