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Sarkozy, les Roms, le racisme et l'Europe...

Publié le 15 septembre 2010 par Philippemeoule

(Rue 89, Pierre Haski) Dans leur nouvelle posture populiste, Nicolas Sarkozy et ses amis n'ont décidément plus peur de rien. scorpion.jpgLa réponse du président de la République à la commissaire européenne Viviane Reding, lui conseillant d'accueillir des Roms au Luxembourg, son pays d'origine, est insultante, dégradante, et tellement contraire à toute l'idée de l'Europe dont la France a été l'un des initiateurs.

La sortie du chef de l'Etat a été faite au cours d'un déjeuner avec les sénateurs mercredi, selon les témoignages de plusieurs d'entre eux, au lendemain de la violente charge de la commissaire européenne contre la France. Mais au lieu de répondre politiquement, les ténors de la majorité ont choisi de faire appel aux vieux fond nationaliste qui sommeille en chaque Français, prompt à railler son voisin, surtout s'il est plus petit que lui.

Copé dénonce les eurodéputés qui ont voté contre la France.

Selon le sénateur de Haute-Marne, Bruno Sido :

« Nicolas Sarkozy a dit que notre politique était la bonne et que c'était scandaleux -il s'en expliquera d'ailleurs demain à Bruxelles, ndlr- que l'Europe s'exprime de cette façon sur ce que fait la France.

Il a dit qu'il ne faisait qu'appliquer les règlements européens, les lois françaises et qu'il n'y avait absolument rien à reprocher à la France en la matière mais que si les Luxembourgeois voulaient les prendre les Roms, il n'y avait aucun problème. »

Viviane Reding est Luxembourgeoise, mais elle est d'abord commissaire européenne à la Justice et aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté. A ce titre, elle ne représente pas son pays, même si elle est nommée par lui.

Dans le même ordre d'idée, j'ai sursauté ce matin en entendant Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale (et futur président de la République, se dit-il en se rasant le matin), dénoncer ces eurodéputés français qui ont voté « contre la France » la semaine dernière lors du vote du Parlement européen sur les expulsions de Roms.

Ainsi donc, dans l'Union européenne du XXIe siècle, selon monsieur Copé, un élu socialiste qui s'oppose à la politique gouvernementale à Paris devrait faire front avec lui dès lors qu'il se trouve dans l'Hémicycle de Strasbourg ? Quelle vision rétrograde et incroyablement chauvine.

Daniel Cohn-Bendit, jamais avare de métaphores footballistiques, a eu raison de donner l'exemple, sur France Info, d'un carton rouge adressé à un joueur français : faudrait-il être solidaire de sa faute sur le terrain parce qu'il s'agit d'un compatriote ?

Sarkozy réagit en coq gaulois piqué au vif.

Cette vision de l'Europe est d'autant plus inquiétante qu'elle trouve un superbe terreau sur lequel prospérer dans une partie de l'opinion française.

coq.jpg
Nous en avons eu quelques exemples dans les commentaires qui ont accompagné l'article sur les déclarations de Viviane Reding. Le fait d'avoir voté « non » au référendum constitutionnel de 2005 signifie-t-il que tout ce qui vient de Bruxelles est négatif ?

Dans ce conflit, comme l'avait clairement exprimé Pascal Riché ce week-end en estimant dans un éditorial que la Commission européenne se devait d'engager une procédure contre la France dans l'affaire des Roms, Bruxelles est dans le vrai. La France de Nicolas Sarkozy a stigmatisé une communauté toute entière, comme dans cette incroyable directive des services de Brice Hortefeux, en violation de tous les engagements de la France.

En réagissant en coq gaulois piqué au vif, et en tentant de mobiliser ses troupes contre le « nain » luxembourgeois qui s'en prend à la « grande nation » française, Nicolas Sarkozy poursuit sur sa lancée de l'été. Il faut dire que sa progression de 20% parmi les sympathisants du Front national révélée par un récent sondage l'y incite.

De telles déclarations nous conduisent tout droit vers la régression mentale, alimentant tous les fantasmes et les préjugés vis-à-vis de « Bruxelles », et isolent un peu plus la France en Europe.

Bon voyage à Bruxelles jeudi, monsieur le Président. Attention à votre portefeuille, c'est plein d'étrangers.


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