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Sarko, Viviane et les roms

Publié le 15 septembre 2010 par Edgar @edgarpoe

Sarkozy a un don pour se placer au centre de toutes les tensions.

Ses expulsions de roms l'ont opposé d'abord à la gauche et maintenant à la Commission européenne.

Je n'ai jamais rien écrit ici à ce sujet, quelques idées en vrac :

1. Ces expulsions sont ignobles. Utiliser des hommes, femmes et enfants pour se donner un air d'efficacité sécuritaire relève du même machiavélisme que celui qui avait poussé Mitterrand à offrir la proportionnelle au FN. S'il y a des problèmes ponctuels avec des roms (mendicité, occupation illégale de terrains), rien n'oblige, sinon la volonté de faire un coup médiatique, à procéder à des expulsions groupées.

2. Toute la planète sait maintenant que Sarko est un démagogue fébrile. Depuis le pape jusqu'à Viviane Reding, la condamnation est unanime.

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3. Les protestations morales contre Sarkozy sont légitimes et bienvenues. Les français eux-mêmes n'ont pas été les derniers à protester contre leur président. Quelques pitres ont même envisagé de démissionner, avant de se raviser.

4. Viviane Reding, commissaire européenne, a déplacé les protestations du point de vue moral à un cadre juridique. Elle a publié un long communiqué, dans lequel elle écrit notamment : "J'ai été personnellement choquée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un Etat membre uniquement parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la seconde guerre mondiale."

Il y a ici une double confusion. Si elle s'exprime en tant que ministre de l'Union, il est délicat qu'elle commence à faire état de ses sentiments personnels pour réclamer l'application du droit. Surtout avec des arguments assimilant Sarkozy à Hitler. Par ailleurs, Viviane se moque du monde plusieurs fois.

Elle écrit notamment que l'"Union [...] existe, non pas par la force, mais à travers le respect des règles de droit adoptées par tous les Etats membres". L'Union existe dans sa forme actuelle malgré la volonté de plusieurs peuples, et en France probablement contre l'esprit  sinon la lettre de la Constitution - le Congrès français n'ayant pas autorité pour défaire par un vote la décision d'un référendum.

Deuxième moquerie de Viviane : elle n'évoque en rien les turpitudes de l'Union dans sa propre politique de défense des frontières (lire "comment l'Union européenne enferme ses voisins", du réseau Migreurop). Ce qu'elle réclame à Sarkozy, c'est de laisser faire Bruxelles, dans la discrétion. Les pro-europe ne sont pas plus humanistes que Sarko. Noël Mamère n'était ainsi pas loin du même cynisme ce matin sur Inter, lui qui expliquait qu'il était choqué qu'on expulse des européens. Comme si expulser des arabes étrangers sur des critères ethniques eusse été parfaitement acceptable !

5. On découvre que l'Union européenne a des pouvoirs. Un long article de Slate explique ainsi à Pierre Lellouche que la France c'est fini. Trois extraits :

- "Soyons clair: le peuple français n'est gardien de rien du tout, n'étant pas forcément très objectif sur l'interprétation des lois. Il se contente de ratifier les traités, d'élire ses représentants au Parlement européen, ainsi que d'envoyer son chef d'État au Conseil européen." ;

- "il va quand même falloir que Pierre Lellouche se mette à lire les différents articles des Traités [...] et comprenne ce que «transfert» de compétences signifie. Au hasard: article 4 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui attribue une compétence partagée entre l'Union européenne les États membres concernant le domaine de «l'espace de liberté, de sécurité et de justice», ce qui correspond justement au débat autour des expulsions des Roms. Remarque: il existe même des compétences exclusives de l'UE comme la pêche ou l'union douanière (voir article 3 du TFUE)
Donc pas tant souveraine que ça la France."

- "le droit communautaire prime sur le droit national". C'est vieux mais c'est de plus en plus vrai.

L'affaire des roms laisse donc les français découvrir que, sur chaque jour plus de sujets, le pouvoir français n'est rien, et que Bruxelles est tout. Jusqu'à Jean Quatremer qui en est un peu retourné, même si finalement la seule chose qu'il arrive à reprocher à Viviane c'est... de s'être exprimée en anglais.

6. En réalité, cette conclusion - Bruxelles a la quasi-totalité des pouvoirs réels - devrait être une prémisse. Car en effet, si Sarkozy fait reposer sur les épaules des roms les malheurs de la France, c'est bien parce qu'il n'a aucun autre levier à sa disposition. Le roi est toujours nu, mais celui-ci l'est particulièrement : il ne gère ni sa monnaie, ni son taux de change, ni sa politique commerciale et bientôt son budget devra être validé à Bruxelles. C'est donc pour cela uniquement qu'il se tourne vers des gesticulations sécuritaires inutiles. Mais même cela lui sera bientôt (heureusement) interdit.

7. Sarkozy doit être ravi. Sans rien renier au fond de son allégeance à Bruxelles (les retraites seront bien rabotées), il surfe sur le mécontentement français à l'égard de l'Union depuis 2005. Et les socialistes seraient bien en peine d'expliquer que eux aussi, même élus en 2012, seraient condamnés à la gesticulation.


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