Si vous êtes des lecteurs réguliers de mon blog (ce que j'espère !), vous savez combien je suis amoureux de ce pays, de cette incroyable ville qu'est Rio et de la vie que nous menons ici. Je me rends néanmoins compte qu'il m'arrive parfois d'être trop laudatif, et de perdre le sens de la mesure : dans le fond, et vous le savez aussi, tout n'est pas rose au Brésil, loin de là, et notre vieille France a encore de beaux atouts à faire valoir face à la fougue et l'irrationalité brésilienne. Pour en revenir au post du jour, l'une des grandes faiblesses du Brésil d'aujourd'hui, à mon sens, c'est l'incroyable vacuité des débats politiques dans cette campagne présidentielle : alors que nous ne sommes plus qu'à 6 malheureuses semaines du vote décisif (le 3 octobre prochain), les principaux candidats en lice (Dilma Roussef pour le PT de Lula, José Serra pour le PSDB, Marina Silva pour le PV) passent leur temps à se chamailler sur ce qui n'a pas été fait plutôt que de présenter leurs projets et programmes. Cela a été particulièrement criant lors du premier débat télévisé en date du 5 août dernier sur Band, où les seuls moments forts et notables ont été les différentes passes d'armes entre les candidats, Serra attaquant Dilma sur les insuffisances du gouvernement actuel en matière de santé et d'infrastructures routières, Dilma attaquant Serra sur...le bilan du gouvernement FHC (le président avant Lula, entre 1994 et 2002 !), Marina attaquant Dilma sur les failles en matière écologique de la présidence Lula, etc, etc...Mais de proposition constructive, de vision programmatique, de projection dans le futur...aucune ! Et ce ne sont pas les 12 petites minutes accordées la semaine dernière par le Jornal Nacional de Globo (et ses 60 millions de téléspectateurs !) à chaque candidat qui ont permis d'en savoir plus sur les intentions des uns et des autres s'ils venaient à être élus ! Le plus malheureux dans tout cela, c'est peut-être l'audience pitoyable recueillie par le débat : 5 points d'audience seulement, alors qu'en face la demi-finale retour de la Copa Libertadores São Paulo-Internacional (2 équipes brésiliennes !) recueillait quasiment...40 points d'audience !
Bref, j'attends avec impatience (!) le prochain débat télévisé et espère un peu plus de fond dans le contenu de celui-ci. Rien n'est moins sûr, et ce d'autant plus que les stratégies des opposants à Dilma devraient tendre vers plus d'agressivité (et moins de fond...) au vu des derniers résultats du sondage Datafolha, paru ce samedi 14 août, et qui voit la candidate du PT creuser (irrémédiablement ?) l'écart face à ses challengers, en particulier face à José Serra : Dilma grimpe ainsi à 41% d'intentions de vote (+5 points par rapport à l'enquête de juillet !), alors que José "le looser" (rappelons qu'il avait été largement battu par Lula en 2002...) chute de 4 points, à seulement 33% d'intentions de vote aujourd'hui -Marina restant très stable à 10%. Les courbes se croisent donc pour la première fois (cf infographie ci-dessous) et on a peur pour Serra que cela ne soit irrémédiable : Dilma n'a cessé de grimper au fur et à mesure que sa notoriété progressait et que son identification à Lula se consolidait (qui trône avec encore 77% de popularité au sommet des dirigeants les plus aimés au monde), quand Serra et son style compassé et tristounet ne semble plus avoir de réserves de vote. A telle enseigne que certains commencent déjà à parler de Serra au passé ("Serra a commis trop d'erreurs...il est un faible candidat..." a déclaré le porte-parole du PT au Sénat, Cândido Vaccarezza). Les tucanos (le toucan est l'emblème du PSDB) mettent bien en avant le fait que Dilma a profité de l'appel d'air du JN de Globo (elle a effectivement été interviewée entre les deux jours du terrain de l'enquête Datafolha), mais il n'en reste pas moins que la tendance est inquiétante pour l'opposition...qui risque d'y rester (à l'opposition) si son candidat ne réagit pas rapidement et ne démontre pas autre chose que cette espèce de torpeur bienveillante (il se garde bien d'attaquer Lula, compliqué de se dresser face au commandeur de la nation !) qui est sa marque de fabrique dans cette campagne...