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Le Maître de L'oubli - Michel Arbatz

Publié le 19 septembre 2010 par Ruminances

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Le très talentueux Michel Arbatz est un tendre. Son dernier livre a été publié en octobre 2008 dans l’excellente maison d’éditions ‘Le temps qu’il fait’ sous le titre : ‘Le maître de l’oubli’. Et ce maître est son père, de 35 ans son aîné. Il en fait le portrait au travers d’un long dialogue imaginaire avec lui, car – dans le triste naufrage de la grande vieillesse – ce père, qu’il a si longtemps quitté, est devenu non seulement solitaire mais surtout ‘taiseux’. Ceci lorsque son fils, enfin, revient vers lui, se dévoue à lui… Et, à défaut de lui faire raconter son itinéraire de militant communiste, le reconstitue… et surtout le compare au sien, de militant communiste : deux générations bien différentes, celle des années 45 à 69, puis celle des années 65 à 85, la première pro-soviétique, la seconde pro-chinoise, puis vite libertaire… Mais, attention, ce n’est là que prétexte, via de bien savoureuses anecdotes de vie, à méditer :

« Il te reste l’humour, le ton, quelques proverbes. Ne pas aborder les questions pratiques, le cours administratif des choses qui soulève en toi la haine accumulée par les années de pauvreté. Un semblant de sagesse, donc, qui nous convient, dans le moment, à tous les deux. (…) La mémoire se retire comme la mer, laissant de grandes mares entre les bancs de sable où se reflète un passé minéral, toujours plus elliptique, plus compacté, plus allusif. Tu te comprends toi-même à demi-mot, une seule expression couvre un chapitre entier de ton existence. »

J’ai écouté Michel Arbatz vers 1978 à Saint-Brieuc et à Guingamp… comme chanteur, talentueux. Nous avions chacun ‘viré la cuti’ du maoïsme mais ne nous connaissions pas. J’étais dans le public de la fête du ‘Canard de Nantes à Brest’, dont il était l’un des invités. Ce courageux journal régional ‘post-68’ se lançait ainsi avec succès (… et sombra après la victoire de Mitterrand aux Présidentielles, racheté par le PS pour devenir une feuille de choux illisible, passons !).

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J’y avais acheté deux disques 33 t. de Michel… et c’est avec eux en main, que j’ai vraiment fait connaissance, en mars 2009, d’Arbatz : à l’occasion de la sortie de ce livre, il animait une ‘soirée bavarde’ à la belle librairie nazairienne ‘La Voix au Chapitre’. Il fut ravi de revoir ces vieilles pochettes (‘Je ne les ai plus moi-même !’) et de m’entendre fredonner ‘Abiyoyo’, refrain d’une de ses chansons, qui faisait rire ma fille Anna après sa classe de maternelle… et continue de la faire rire lorsqu’elle me rend visite aujourd’hui !

J’appris surtout, dans cette soirée bavarde, que Michel Arbatz avait vécu à Saint-Nazaire des années militantes très tumultueuses, dont son livre parle avec un humour décapant (en s’adressant toujours à son père… et comparant leurs langues de bois !). Et j’appris aussi que nous avions amis communs de son âge(60)ou du mien(70), ici, où Michel a laissé de si bons souvenirs !… Mieux, Michel s’est mis à chanter et à jouer de la guitare à Saint-Nazaire, ce qui lui permettra de ‘continuer le combat’, en artiste engagé… de père en fils ! Car voici ce qu’il écrit à ce sujet :

« Le matin, il t’arrive de te lever très tôt, vers cinq heures, après une nuit d’insomnie et tu chantes, de cette voix encore timbrée et pas tremblante, qui est le baromètre de ton moral, arpentant en pantoufles et de ton pas fêlé l’appartement. Leurs chants sont plus beaux que les hommes, et plus longue est leur vie, dit Nazim Hikmet. Je n’aime pas les chants que tu chantes, mais ils ont la vie longue, et il me plaît que tu chantes encore. Tous ces hymnes martiaux de ‘la sociale’, ces marches remplies d’ennemis du prolétariat, de revanche, de victoires, de lâches et de tyrans. Et ceci dès le matin, au petit jour : ta vieille voisine proteste. ‘C’est une conne, dis-tu, elle ne comprend rien à l’art’(…) Chanter a été ton viatique. »

Il est impossible de résumer les péripéties rocambolesques, chevaleresques, et du fils et du père, qui se font échos émouvants, jusque dans leurs errements à la Don Quichotte. Et d’ailleurs, le père a vibré en 36 à la guerre d’Espagne… puis le fils a milité avec Félix, un vieil espagnol rescapé de cette horreur : ce sont des pages truculentes, qu’il faudrait citer en entier, comme les pages sur le passé de l’ouvrier communiste que fut son père, juif tunisien… un temps tenté par ‘les kibboutz de gauche’ d’Israël, avant de devenir, à Paris, ‘un dur du PCF’… Y compris à Prague  après la répression soviétique de 68. Là, son fils facétieux l’imagine croisant l’ex-héros communiste, Zatopek, déchu de sa célébrité de champion pour avoir critiqué cette répression… et devenu célébré éboueur du coin !

Michel évoque avec éloquence son éducation prolétarienne à Saint-Nazaire par de vieux militants qui furent auteurs de très dures grèves locales de 1955. Transmission de la vraie culture ouvrière. Tout comme ici s’est fait plus tard l’éducation prolétarienne par les récits de grèves nazairiennes sauvages de 1967, préfiguration de Mai-68.

Parmi ces contacts si divers, Michel évoque même, avec ironie, un certain Gaby Cohn-Bendit, le frère aîné de Dany : il l’appelle Gaby Belle-Icône !

Voilà : ce récit fourmille tant que je peux en faire 5 ou 6 articles… Autant vous inviter à le découvrir in extenso !

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