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Francois Hollande: « On ne peut en rester au constat de la République abîmée, il faut nous projeter dans la France de 2012″

Publié le 19 septembre 2010 par Dornbusch

Une excellente interview de François Hollande dans le Monde de dimanche

Le paysage politique est marqué par une crise de la droite. L’analysez-vous comme une crise conjoncturelle ou structurelle ?

Il y a un épuisement de la présidence Sarkozy. Après trois ans d’annonces fortes, de réformes plus ou moins bâclées, de déplacements incessants, je constate que les résultats ne sont pas au rendez-vous, que le pays a perdu confiance, et que la méthode elle-même est chaotique, voire incohérente. S’ajoute à ce désordre une crise de système comme si l’Etat n’était plus maîtrisé, comme si l’hypercentralisation et la personnalisation du pouvoir ne parvenaient plus à prendre en compte la complexité des problèmes rencontrés, d’où une perpétuelle fuite en avant avec l’ouverture de conflits sur la scène intérieure mais aussi européenne ! C’est bien plus qu’une crise de la droite, c’est une crise institutionnelle.

Les institutions ne sont pas menacées !

L’omniprésidence qui caractérisait Nicolas Sarkozy au début de son quinquennat est devenue une « ovniprésidence », extraconstitutionnelle, extralégale, extravagante. La succession des événements récents montre que le régime est devenu celui de l’irresponsabilité : une circulaire qui stigmatise les Roms et dont nul ne se souvient de l’avoir vue ; une intervention du contre-espionnage à l’encontre d’un conseiller de la garde des sceaux pour chercher les sources d’un journaliste sans qu’il soit possible de savoir qui l’a diligentée et quel en est le fondement légal ; une Assemblée nationale dont le président ne respecte pas son propre règlement ; une réforme des retraites qui ne laisse jamais place à la négociation, quelle que soit l’ampleur des manifestations. Et je n’évoque pas la situation ubuesque du ministre du travail qui ne sait plus s’il doit parler du dossier dont il a la charge ou des suspicions dont il est chargé dans le cadre d’une enquête judiciaire !

Ce climat est-il favorable à la gauche ou nourrit-il le populisme ?

L’affaiblissement de l’Etat, les blessures infligées à la République, l’abaissement du Parlement, les affaires ne sont jamais bons pour la démocratie. Si la gauche escomptait retrouver le pouvoir grâce à ce climat, ce serait dans les pires conditions. La décomposition de la majorité nous oblige à élever le niveau et à préparer plus vite que nous ne l’avions prévu l’alternative. Il ne faut plus seulement dénoncer, ajouter ad nauseam des arguments à l’antisarkozysme, il faut ouvrir un autre chemin, offrir un espoir au pays, bref, lui redonner de la fierté.

Vous croyez que c’est la fin du sarkozysme ?

Non, la droite saura faire prévaloir ses intérêts. Nicolas Sarkozy en est le chef sans doute contesté mais incontournable. Je sais sur quel thème il fera campagne : il prétendra qu’il peut « protéger » les Français des étrangers, des voyous, de la gauche, de l’Europe et même de la mondialisation. Il essayera de jouer sur l’expérience que sa présidence du G20 est supposée imager et tentera de faire passer son impopularité pour une preuve de courage. C’est pourquoi nous devons montrer de la crédibilité et de l’autorité dans l’affirmation d’un changement possible.

Le PS n’est pas crédible ?

Je dis que l’on ne peut pas en rester au constat de la déliquescence, de la République abîmée, de la dérive des institutions, il faut nous projeter dans la France de 2012, reprendre le récit de la République depuis deux siècles. Elle a su surmonter des épreuves bien plus grandes que celles d’aujourd’hui. Elle doit relever le défi de la mondialisation et du capitalisme financier qui ne vont pas disparaître par enchantement au prétexte que la droite aura été battue. Il y aura des efforts considérables à faire. Nous n’y parviendrons qu’en rassemblant la France sur l’avenir de sa jeunesse.

Pourquoi la République revient-elle en force dans le discours de la gauche ?

La République, c’est à la fois le progrès et l’égalité. Un progrès, pas seulement économique, social, mais humain, écologique et qui affirme la nécessité d’une production de richesses, de biens, de services. Aujourd’hui, la possibilité même du progrès est en cause. Il faut la réhabiliter. L’autre vecteur, c’est l’égalité, là se situe la confrontation idéologique et intellectuelle avec la droite. L’égalité, c’est finalement ce qui a manqué à la présidence Sarkozy, dans tous ces choix – fiscalité, éducation, retraites. Il faut donc revenir au récit de la République pour retrouver le rêve français, celui qui donne à chaque génération la perspective de vivre mieux que la précédente.

Ce discours n’est-il pas celui de la gauche qui promet tout ?

J’ai depuis plusieurs mois livré ma vérité : nous sommes dans un nouveau monde dont nous ne sommes plus le coeur. L’Europe n’est pas celle que nous avions imaginée au lendemain de la guerre. Les marchés sortent renforcés de la crise. Or notre pays est vulnérable et affiche les déficits les plus élevés parmi les pays développés, avec une dette publique qui, au terme de la présidence Sarkozy, sera voisine de 90 % du produit intérieur brut.

Donc il faudra faire des choix, hiérarchiser nos dépenses et nos recettes. Au printemps 2011, ce n’est plus la synthèse des synthèses que le PS devra proposer mais l’ordre des priorités, la cohérence d’ensemble de son projet. Nous ne pourrons pas répondre « plus de fonctionnaires » à toute demande sociale.


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