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Soirée du 11/09, sur ARTE, à partir de 20h 40 : sur les Incas et les Aztèques.

Par Ananda

1 – Le mystère de Macchu-Picchu

Macchu-Picchu, au cœur des Andes !

Un monument presque aussi extraordinaire que la muraille de Chine, un exploit architectural unique en son genre dont ce documentaire allemand se propose de cerner, puis d’expliquer les mystères : nous n’allons pas nous ennuyer !

Macchu-Picchu, c’est, à pas moins de 1450 m d’altitude, au Pérou, « plus de 200 constructions finement taillées dans le granite autour d’un rectangle vert d’un demi hectare », le tout alimenté en eau par « un savant réseau de rigoles et de fontaines ». Le plus remarquable est qu’il n’y existe « aucun indice écrit sur murs et parois ».

« Au point le plus élevé, une pierre finement taillée domine la cité » bâtie sur une très haute crête.

Autre fait très remarquable : les pierres de construction, blocs énormes, tiennent ensemble sans l’adjonction de mortier.

Alors, surgit une question centrale, inévitable, qui titille tous les esprits : pourquoi aller construire sur un pareil « perchoir », si « difficile d’accès » ?

La réponse vient vite : « depuis quelques temps, de nouveaux indices apparaissent ».

Le documentaire nous présente Fernando ASTETE, un spécialiste péruvien qui s’est fait fort de « donner un sens à cet héritage », et qui nous livre quelques indications concernant la civilisation bâtisseuse de Macchu-Picchu, celle des Incas.

Autochtones de la Cordillère des Andes, les Incas, qui ne « souffraient assurément pas du vertige », construisirent « 16 000 km de réseau routier » à travers la très haute montagne.

Rien que ceci en dit long sur leurs qualités d’ « excellents ingénieurs et bâtisseurs » qui, ne l’oublions pas, de surcroit, œuvraient sans roue, ni fer, ni écriture.

Les Incas possédaient cependant un « outil de calcul » et de mesure, les « cordelettes kipu ».

A part cela, que savons-nous de ce brillant peuple ?

Hors ceux des Espagnols, hélas, nous ne disposons que de « peu de témoignages sûrs »

A noter, pourtant, l’importante source d’information d’origine autochtone que constituent les dessins réalisés peu de temps après la conquête espagnole par Guaman POMA, qui mettent en scène « empereurs, agriculteurs » et retracent les conquêtes. Ces conquêtes amenèrent les Incas à constituer « l’un des plus vastes empires de l’humanité ». L’agriculture inca savait parfaitement mettre à profit les nombreuses « pentes escarpées », qu’elle vouait à des cultures en terrasses. Nous apprenons, avec une certaine surprise, que les surfaces cultivées de leur temps étaient « supérieures aux surfaces cultivées du Pérou actuel ».

Et pourtant l’Empire Inca n’aura pas duré plus d’un siècle ! Les origines de sa chute sont à trouver dans la maladie (épidémies décimatrices), la guerre civile et, bien sûr, les Conquistadors.

D’après la chronique, la dernière de leurs cités fut VILCABAMBA , qui ne « tomba » qu’au terme de trente ans de défense acharnée.

Ce fut en 1911 que l’Américain BINGHAM se lança dans la quête de cette cité, dont on avait oublié l’emplacement et qui, de ce fait, était devenue une sorte de légende (la mystérieuse « cité perdue »). Il crut la découvrir lorsqu’il découvrit d’extraordinaires ruines qu’il baptisa, d’après le nom que les locaux leur attribuaient, MACCHU-PICCHU, puis explora. De cette exploration, il ramena de nombreux ossements, qui donnèrent lieu à examens. Les conclusions ? « 80 % des personnes enfouies étaient des femmes » ( soit un ratio de 4 pour 1).

Bingham, du coup, se demanda s’il n’était pas tombé sur « l’assemblée sacrée des Vierges du Soleil » : il s’agissait là de sortes de « vestales » au service de l’Empereur Inca que l’on choisissait dès l’âge de 8 ans parce qu’elles étaient « les plus jolies filles ».

Il s’avéra par la suite que Bingham « se trompait complètement ».

La présence de Vierges du Soleil plaidait pour un lieu sacré. Or, « les Espagnols profanaient systématiquement les lieux sacrés Inca » et les ossements de Bingham avaient été retrouvés dûment enterrés ; tout cela n’était pas compatible.

Là-dessus, le scientifique américain John VERANO reprit l’examen des mêmes restes, il y a quelques années : beaucoup plus « pointues » et rigoureuses (compte tenu de l’époque), ses analyses démontrèrent que, parmi les dépouilles, on comptait en fait la même proportion de femmes que d’hommes, auxquels venaient par-dessus le marché s’ajouter des restes d’enfants.

EATON (le savant qui avait effectué, pour le compte de Bingham, la première analyse) « ne connaissait que les squelettes européens et africains », au dimorphisme sexuel  plus grand que celui des peuples des Andes.

Ainsi, la cité de Bingham ne pouvait être Vilcabamba.

A quoi avait-on donc affaire ?

Aujourd’hui encore, le mystère semble rester difficile à dissiper.

Les spécialistes péruviens ASTETE et Eva TORRES se sont lancés dans une « récolte d’indices » dont la cible est le village de PATAYACTA, proche de la cité monumentale.

A l’époque inca, Patayacta pratiquait une « agriculture à grande échelle », et l’on soupçonne maintenant que c’est ce village qui abritait les « maçons, ouvriers agricoles et agriculteurs qui ont probablement construit la cité ». Les archéologues s’arrêtent sur une « stèle funéraire » : « dans la pénombre, un crâne humain ». Eva TORRES s’enfonce et avance dans la « cavité exiguë »…et c’est alors qu’elle effectue une « découverte remarquable » : neuf squelettes, avec « beaucoup d’os portant des marques de fractures ». Les savants supputent : « ces personnes travaillaient peut-être dans une carrière ». A l’analyse de ces os en laboratoire, on remarque des trous percés dans des crânes, qui sont, à coup sûr, des « résultats de trépanations » (opérations pratiquées, chez les Incas, avec un « taux élevé de succès »). Ces crânes présentent tous une « fracture de l’os frontal très violente, qui indique l’usage d’une arme ». Cet « usage d’un objet contondant » amène une révélation : il ne s’agit pas là de squelettes d’ouvriers, mais de squelettes de guerriers.

Pour en revenir à la cité de Macchu-Picchu en elle-même, il ne faut pas perdre de vue qu’elle « est dominée par des temples ». Or on sait aussi que les Incas révéraient les empereurs comme des dieux.

Pour nous convaincre, on nous fait faire un petit détour par CUZCO et par sa procession du Corpus Christi : les Indiens y promènent les statues des saints catholiques avec exactement la même ferveur et la même conviction qu’ils employaient à porter, il y a plus de 500 ans, les momies de leurs empereurs-dieux. « Macchu-Picchu , nous dit-on, est probablement une cité impériale ».

La construction de ce colossal édifice « a pris au moins cinquante ans ».

On la doit, sans aucun doute possible, à PACHACUTEC (« Celui qui réforme le Monde »).

PACHACUTEC  fut le conquérant créateur de l’Empire Inca. Nous le connaissons essentiellement par les écrits du Père COBO, qui datent de la fin du XVIe siècle : ils le décrivent comme un grand bâtisseur de « temples somptueux, de palais magnifiques, de forteresses imprenables ». Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il ait « ordonné la construction de Macchu-Picchu ».

Cette construction fut un véritable défi architectural. D’après un paléo-hydrologue, il fallait compter avec deux problèmes majeurs : celui des « pluies torrentielles » et celui des « deux lignes de fracture sismique ». Il y avait cependant des atouts, que les Incas mirent à profit : « la proximité d’une source » plus haut dans la montagne, et celle d’une « réserve de granite, dans une carrière sur la ligne de crête ».

On nous explique alors toutes les phases de la construction : avant de commencer à bâtir, « les ingénieurs ont consolidé la montagne en construisant des terrasses ».

« Les terrasses sont fondamentales, elles drainaient les eaux de pluie », dans une région qui, rappelons-le encore, est soumise à « 1930 mm de pluviométrie par an ». On nous montre combien ce système de drainage pouvait être « sophistiqué » : au niveau des terrasses, l’eau était « absorbée par trois couches différentes », ce qui avait aussi pour résultat de limiter l’érosion.

Sur la crête, on avait également affaire à un système des plus « astucieux » : « des centaines de canalisations » couraient à travers la cité, « depuis les parties les plus élevées jusqu’à la place centrale ».

« Les strates de drainage sous-terraines » atteignent trois mètres de profondeur, et, d’ailleurs, « plus de 60 % des structures de Macchu-Picchu sont enfouies et servent à stabiliser l’ensemble ».

La ville en elle-même compte « seize fontaines aux formes remarquables » et « un canal incliné » pouvant charrier « de 23 à 114 litres d’eau à la minute » et, par conséquent, répondre au « besoin d’une population de 100 personnes ».

Pour ce qui est de la roche constituant les murs, c’est encore plus extraordinaire : les Incas, en effet, la « martelaient directement, avec une pierre », après quoi ils la « polissaient, avec des pierres plus petites ». Suivaient le roulage, sur des rondins, le hissage sur la muraille en cours d’édification, l’abrasage puis le polissage. « La finition, nous précise-t-on, était effectuée sur le site ».

Il faut avouer qu’on reste pantois devant une semblable maîtrise technique.

Quel savoir-faire et quelle ingéniosité ces artisans et ingénieurs devaient-ils déployer !

Il y a fort à parier qu’ils le faisaient pour des « raisons religieuses ».

Toujours selon le Père COBO, les Incas avaient pour dieux le soleil, l’eau, la terre, les montagnes. Ils avaient pour habitude de leur sacrifier des enfants. Ainsi, en 1999, l’alpiniste Yohann REYNHARDT tomba-t-il nez à nez avec des momies d’enfants sacrifiées au dieu des montagnes, que l’on nous montre. Impressionnant !

Les Incas cherchaient à être physiquement proches de leurs entités divines qui, nous l’avons vu, étaient également naturelles. Cette proximité physique équivalait, pour eux, à une sorte de connexion. Dans une telle optique, il y a gros à parier que Macchu-Picchu était déjà, pour eux, « exceptionnel ».

S’il était relié aux « paysages sacrés », c’était à plusieurs titres :

-« l’eau y était omniprésente »

-« les roches taillées y imitaient la forme des montagnes »

-la pierre la plus élevée du site (INTI WATANA) se situe « au centre des lignes reliant les quatre montagnes divines couvertes de glace et, par la même occasion, les quatre points cardinaux ».

La résidence de l’empereur, pour sa part, se trouvait « à proximité des principaux temples et de la fontaine la plus haute, celle qui donnait l’eau la plus pure ».

John Verano nous en apprend plus sur l’analyse qu’il a faite des ossements trouvés par Bingham dans la forteresse de Macchu-Picchu : il n’y a, nous dit-il tout d’abord, chez ces gens, « nulle trace de blessure violente ». Par ailleurs, s’il s’agit « d’inhumations très simples », tout indique, selon ses dires, qu’on n’est pas en présence d’ouvriers, mais, plutôt, d’une « sorte de classe moyenne ». Les os comportent peu de traces d’arthrose, ce qui est l’indice d’une existence exempte de « tâches pénibles ». L’analyse isotopique révèle un « taux élevé de carbone 13, signature du maïs, mets réservé à la noblesse » et cultivé sur les terrasses, guère très bon pour la dentition car favorisant les caries, lesquelles sont justement très présentes sur les dents de ces individus. Tous ces éléments orientent les conclusions du chercheur : ces 177 personnes étaient vraisemblablement des « serviteurs du domaine impérial », et leur grand nombre l’inclinerait à penser que « Macchu-Picchu était probablement une retraite, un lieu de détente de Pachacutec ».

Mais alors, que penser des « blessures graves de Patayacta ?

A quoi associer la présence de guerriers en un pareil lieu ?

Peut-être ne pourrons-nous jamais le savoir avec précision.

Ou peut-être encore faut-il en revenir à la grandiosité de la construction et du site.

Un savant renchérit : « les Incas étaient très doués pour la guerre psychologique ».

Et si Macchu-Picchu était , en dernier ressort, « un des symboles suprêmes de leur puissance, un moyen d’impressionner », de démontrer leur supériorité, tant religieuse que militaire ?

Ce type de démonstration – d’ordre mégalomaniaque - est courant dans toutes les histoires des grands empires (Egypte, Chine…).

En 1471, à sa mort, Pachacutec-le-Grand fut momifié, selon un processus que nous connaissons mal, et qui est peut-être une technique d’alternance d’exposition au gel et au grand soleil utilisée encore de nos jours par les Quechuas, descendants des Incas, pour conserver la viande de lama.

Les dessins de Guaman Poma, à ce sujet, sont explicites : chez les Incas, les momies avaient un rôle de première importance ; dotées de serviteurs, elles étaient vénérées et soignées de façon scrupuleuse par leur PANACA (groupe comprenant la famille, puis les descendants).

Cinquante ans après la disparition de son créateur, le puissant Empire s’effondrait, sous l’effet de la variole et de la guerre civile.

De sorte que « les Espagnols n’ont peut-être jamais entendu parler de Macchu-Picchu » et ne l’ont donc pas détruite.

« Grande chance pour l’archéologie ».

P.Laranco.


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