Si vous voulez vous balader en banlieue parisienne sans attirer l’attention il ne faut surtout pas le faire en compagnie de Tito . Cet auteur illustrateur y est connu (et aimé) comme le loup blanc. Normal : cela fait plus de trente ans qu’il croque la banlieue dans ses bandes dessinées.
Si ses histoires s’y déroulent leurs thèmes sont néanmoins universels et il n’est point besoin d’y habiter pour les apprécier. Les lecteurs d’Okapi en savent quelque chose. Ils ont été plus de 750 000 à découvrir ses BD que le magazine publie tous les deux ans. A raison d’un total de 19. Faites le calcul !
On peut tout aussi bien lire la version album dont Casterman sort le vingtième opus le 22 septembre. Je l’ai découvert au festival Paysages de cinéastes de Chatenay-Malabry (92) où Tito est venu en voisin pour présenter le film le Dernier jour du reste de ta vie.
Les visiteurs du Livre sur la Place auront le même privilège puisque Tito y sera présent dès samedi. Il espère y retrouver des élèves du lycée Jeanne d’Arc de Nancy avec lesquels il a travaillé il y a quelques années. Il sait qu’ils auront grandi mais pour l’avoir vu discuter avec son lectorat je peux vous garantir que les conversations seront animées.
Tito est né en Espagne mais il est arrivé très jeune en France. Sa double culture le sensibilise à l’adolescence de manière particulière. Il sait ce que c’est que d’être tiraillé entre deux mondes même si c’est aussi une richesse.
Entre Virginie, le premier album de la série Tendre banlieue, et les Carnets de Laura, le dernier, les histoires ont évolué. La différence se voit au plan graphique. les portables se sont glissés dans les poches des personnages. Mais la difficulté de communiquer est récurente. Et ce n’est pas parce qu’on a Internet à sa disposition qu’on se parle plus facilement.
Dans ce livre il aborde avec beaucoup de doigté le délicat problème de l’alcoolisme chez les jeunes, véritable fléau auquel une majorité de parents se trouvent hélas brutalement confrontés et démunis. L’art de Tito est d’avoir composé un album qui peut tout aussi bien être lu par un ado que par un papa ou une maman.
Ses évocations de la réalité sont lucides et sensibles, à contrepied des discours misérabilistes qui marquent au fer rouge et les jeunes, et les banlieues. C’est parce qu’il y habite que Tito a choisi spontanément d’y faire vivre les garçons et les filles qui lui servent de modèles. Les immeubles, les stations de RER, les bâtiments administratifs, les rues et les centres commerciaux lui sont familiers. S’il avait habité dans la campagne il aurait probablement écrit les mêmes histoires dans un décor rural. Le numéro 7, intitulé le Cadeau, se situe tout de même en Lorraine, à Verdun …
Je vais souvent en Lorraine. J’y ai des amis. Le Livre sur la place est un salon grisant de par la richesse des amateurs de livres qui le fréquentent. Les lecteurs y font preuve d’une grande curiosité. Je me prépare déjà à être bombardé de questions.
Tito travaille actuellement à une autre BD mais en dehors de la série de Tendre banlieue qui, arrivée au vingtième numéro, peut s’offrir le luxe d’une pause.
N’allez pas croire qu’il puisse la délaisser. Il la connait mieux que beaucoup de nos politiques, en particulier la Butte rouge de Châtenay-Malabry, désormais classée au patrimoine. Elle représentait à sa construction un énorme progrès social. Cette Cité-Jardins fut la première à bénéficier d’un établissement de bains en banlieue en 1938 grâce aux efforts financiers conjoints des villes de Châtenay-Malabry, Antony, Sceaux et Verrières-le-Buisson et au talent des architectes, MM. Bassompierre, de Rutté et Sirvin.
Le fameux évier-vidoir Garchey aspirait tous les détritus ménagers directement depuis l’évier et les expédiait vers l’usine de retraitement pour chauffer l’eau de la piscine. Les ordures voyageaient par simple gravité. C’était ultra-écologique. Sauf que voilà, à cette époque, les foyers consommaient encore peu. Il y avait insuffisamment de détritus pour amener toute l’eau du grand bain à une température acceptable. Il ne suffit pas d’être précurseur, il faut être efficace. On a donc équipé le bâtiment de classiques chaudières à charbon. Quand le fuel a été plus compétitif ce furent dans ces deux énormes cuves de 10 000 litres qu’on stocka les réserves.
En 1977 l’établissement subit la conséquence du choc pétrolier, est condamné par la concurrence d’autres bassins plus modernes et ferme ses portes. Après bien des vicissitudes la piscine est devenu un pôle culturel qui depuis trois ans présente une programmation ambitieuse. Certains spectacles sont ensuite venus en tournée en Lorraine.
Je vous encourage à rencontrer Tito ce week-end. Prenez patience si vous devez attendre un peu pour repartir avec un livre dédicacé. Il ajoute à chacun un dessin original en pleine page, ce qui demande un peu de temps.
Comme Amélie Nothomb, Vanessa Caffin, Claire Castillon, Philippe Claudel et Nathalie Kuperman (dont j’ai relaté l’actualité littéraire ces jours ci sur le blog A bride abattue), Tito sera à Nancy au Salon du Livre sur la Place du 17 au 19 septembre prochains … J’y serai également et rendrai compte de la manifestation comme je l’ai fait l’an dernier.