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Cachotteries ministérielles

Publié le 21 septembre 2010 par Monthubert

Ainsi donc, la rentrée universitaire se ferait sous les auspices d’une « université offensive », selon les mots de Valérie Pécresse. En arrivant au labo ce matin, je suis passé comme à chaque fois devant les salles de TD pour les L1, des préfabriqués qui, quand je suis arrivé à l’université Paul Sabatier en 1998, faisaient déjà honte. Toujours les mêmes rideaux déchirés. Puis j’ai reçu un courrier électronique au sujet de la crise budgétaire qui secoue notre université, avec un déficit budgétaire de plus de 6 millions, qui entraîne des mesures importantes de réduction du dispositif pédagogique. Enfin, la Dépêche du Midi nous informe que 1000 étudiants d’une cité universitaire ont subi une grosse coupure d’électricité depuis samedi soir. Pour les étudiants, la quête du logement est un casse-tête : ils peuvent tenter d’obtenir une place en Cité U, mais les places sont rares et les cités U souvent en mauvais état, conduisant même certains étudiants étrangers à les quitter. Ou bien ils cherchent dans la parc locatif privé, avec des prix qu’ils ne peuvent souvent pas se permettre de payer.

Nous sommes à mille lieues de l’auto-satisfecit de Valérie Pécresse. Non, et c’est un drame, les universités n’ont pas reçu les sommes mirifiques qu’elle proclame. Non, la dépense par étudiant n’a pas augmenté de 2 000 euros par personne et par an depuis qu’elle est ministre. Qui peut croire une chose pareille ? Il suffit de travailler dans une université pour constater que si des choses ont changé, c’est surtout dans le climat devenu pesant, en raison de la politique désastreuse menée par Sarkozy et Pécresse.

Mais on ne peut en rester à des constats locaux. Il nous manque une vision globale. Des chiffres fiables, établis dans la transparence, permettant de répondre à plusieurs questions essentielles.

La première : où en sommes-nous en ce qui concerne la poursuite d’études des bacheliers ? J’ai tiré la sonnette d’alarme, il y a un an, en fonction des premières estimations de la rentrée universitaire, car le phénomène de baisse du taux de poursuite d’études que nous vivons depuis quelques années est inquiétant. Il s’agit bien d’un phénomène indépendant des variations démographiques : il s’agit de savoir, pour 100 bacheliers, combien poursuivent des études d’ans l’enseignement supérieur. Il y a un an, les documents ministériels m’ont permis de calculer que ce taux repartait à la baisse, ce qui a été confirmé grâce à la sortie du document Repères et références statistiques 2010

Cachotteries ministérielles

Mais cette année, les données permettant de faire le calcul du taux de poursuite d’études ont été savamment cachées. Valérie Pécresse a-t-elle peur de nous exposer la réalité ? Car la réalité, ce n’est pas ce qu’elle proclame, avec une « augmentation de 1,6% » des effectifs universitaires… qui oublie de signaler que la « mastérisation » de la formation des enseignants entraîne mécaniquement une augmentation des effectifs universitaires en Master. C’est d’ailleurs ce qu’on observe quand on laisse de côté le discours pour se plonger dans le document, bien que très incomplet, diffusé lors de la conférence de presse de rentrée : en licence, l’augmentation se limite à 0,1%, soit 800 étudiants. Et qu’en est-il pour l’ensemble des premières années du supérieur ? Aucun chiffre, mais une phrase qui donne des pistes :

« La rentrée 2010 dans l’enseignement supérieur : une diminution du nombre de bacheliers et du nombre
d’inscrits  en  première  année  d’études  supérieures  comparé  à  2009″ (p. 5 du document)

On peut en conclure qu’au mieux, le taux de poursuite d’études progresserait d’un point par rapport à 2009, et resterait donc bien au-dessous du taux que nous connaissions jusqu’en 2005.

Deuxième question : comment Valérie Pécresse peut-elle affirmer que la dépense intérieure d’éducation pour un étudiant d’université a augmenté de 19% depuis 2006, soit près de 2000€, alors que nous ne pouvons pas constater d’améliorations de ce niveau pour l’encadrement pédagogique ? Intègre-t-elle dans cette dépense des sommes comme celles du Plan Campus, qui sont virtuelles pour le moment et ne correspondent pas à des dépenses réelles et immédiates de l’Etat mais à des engagements de loyers sur 25 ans ?

Enfin, comment compte-elle financer la demi-mesure que représente le demi-mois supplémentaire octroyé aux boursiers (alors que la promesse était d’un mois entier) alors qu’il n’y a pas eu de collectif budgétaire ? Dit autrement, quels sont les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche qui vont diminuer pour financer cette promesse ?

Cela fait longtemps maintenant que le PS déplore le manque de transparence du ministère. Comme le faisait remarquer de manière très juste Emmanuel Davidenkoff dans l’intro de son billet du 15 septembre sur France Info,

« A ce niveau là, ce n’est pas une simple coïncidence : après 15 ans de relative transparence sur ses évaluations, l’Education nationale a changé de politique ».

Le gouvernement devrait pourtant se méfier : à force de cachotteries, ce sont de gros mensonges qui finissent par éclater à la figure. On peut toujours enchaîner les inaugurations et les beaux discours, la réalité ne s’en nourrit pas. Et nous non plus.

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