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Fausses visions sur le système privé de santé américain

Publié le 21 septembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Contrairement aux idées reçues, seule une faible minorité d’Américains sont des non assurés involontaires et de longue durée, et même ceux-ci ont généralement accès à des soins gratuits. Dans les faits, les problèmes du système découlent en grande partie non pas de son caractère privé, mais plutôt de la lourde réglementation à laquelle il est soumis et de la façon dont le système d’assurance fonctionne.

Fausses visions sur le système privé de santé américain
Dans le débat qui s’est tenu autour de la réforme du système de santé américain, on a constamment évoqué le fait que 30 à 40 millions d’Américains ne seraient pas couverts par une assurance maladie et que les dépenses publiques de santé seraient inadéquates suite à l’immixtion de la logique capitaliste dans le domaine des soins de santé. Certes, le système privé de santé aux États-Unis souffre de plusieurs problèmes et est loin d’être parfait, mais les causes de ces problèmes ne sont pas celles qu’on pense.

La première critique que l’on adresse généralement au système de santé américain concerne son manque d’universalité et l’existence d’un grand nombre de « non-assurés ». Cependant, ce problème doit être mis en perspective et relativisé. Tout d’abord, les quelques 30 à 40 millions de non-assurés représentent une minorité par rapport à la population totale de 300 millions d’habitants, de 10 à 13%. C’est-à-dire que près de 90% des Américains détiennent donc une assurance maladie privée, la plupart du temps celle de leur employeur. Quant à la majorité de ceux qui n’ont pas d’assurances privées, ils dépendent des régimes publics d’assurance maladie que sont Medicare (pour les gens âgés de 65 ans et plus) et Medicaid (pour les gens à faible revenu). Ces deux régimes publics couvrent également les handicapés.

D’un autre côté, il faut tenir compte que le fait de n’être pas assuré relève souvent d’une situation temporaire souvent causée par des transitions comme des changements d’emploi ou de situation familiale. Plus du quart des non-assurés le sont pour des périodes qui durent moins d’un an. Ensuite, une bonne partie des non-assurés ont bien les moyens financiers de se payer une assurance, mais choisissent volontairement de ne pas le faire (près d’un non-assuré sur cinq est membre d’une famille gagnant 75.000 dollars ou plus par an). Par ailleurs, près de 15 millions de non-assurés étaient éligibles au Medicaid ou à des programmes couvrant les enfants, mais ne s’en étaient pas prévalus ou ne le savaient pas. Enfin, les non-assurés disposent toujours du filet de sécurité des hôpitaux publics où ils peuvent trouver des soins. À cela, il faut rappeler que la charité privée existe bel et bien, autant de la part des hôpitaux et des médecins que des individus qui supportent les organismes de charité. On estime ainsi que les deux tiers des services de santé consommés par les non-assurés ne leur coûtent rien.

La seconde grande critique émise à l’encontre du système de santé américain présente celui-ci comme totalement privé ou presque. Il est vrai que la plupart des établissements de santé sont privés – avec ou sans but lucratif – et que les régimes d’assurance maladie privés sont généralement à but lucratif. Mais parallèlement existe bel et bien aux États-Unis des régimes publics d’assurance maladie, Medicare et Medicaid et d’importants fonds publics sont également dépensés dans différents domaines comme les hôpitaux publics ou les soins aux vétérans. Les dépenses publiques de santé sont en fait, toutes proportions gardées, plus élevées aux États-Unis que dans la plupart des grands pays occidentaux. En comptabilisant les dépenses privées, les dépenses totales sont beaucoup plus élevées que partout ailleurs. Ces sommes gigantesques expliquent pourquoi les Américains ont accès aux plus récentes technologies médicales et aux traitements les plus efficaces, et ce avec des délais minimes, malgré toutes les lacunes de leur système de santé.

Contrairement à la fausse vision d’un marché de la santé américain complètement libre, celui-ci est en fait très réglementé à plusieurs niveaux, ce qui entraîne de très grandes distorsions dans l’utilisation et la fourniture de soins et explique en grande partie les difficultés qu’éprouvent des millions d’Américains à se payer des assurances privées. Les règlements édictés par les États et le gouvernement fédéral enserrent complètement le domaine de l’assurance et limitent l’offre de polices d’assurance privée moins chères et plus accessibles. Ainsi, les assurances comprennent peu de frais fixes par service reçu ou de pourcentage du coût des services à la charge de l’assuré. Les assurés ne sont donc pas incités à rechercher les meilleurs prix et provoquent ainsi une escalade des coûts de santé. Au final, l’augmentation des coûts entraîne l’augmentation des primes d’assurance et les rend inaccessibles à un plus grand nombre de personnes. D’un autre côté, le traitement fiscal rend plus favorable les polices offertes par l’employeur que celles achetées par l’assuré lui-même. Ce traitement fiscal mène à une surconsommation d’assurance de la part de ceux qui en bénéficient et contribue à gonfler les coûts dans le secteur de la santé et fait également en sorte que le marché des assurances collectives soit très développé au détriment des assurances individuelles, d’où les primes beaucoup plus élevées pour ces dernières.

En résumé et contrairement aux idées reçues qui circulent sur le système privé de santé américain, seule une faible minorité d’Américains sont des non assurés involontaires et de longue durée, et même ceux-ci ont généralement accès à des soins gratuits. Les dépenses publiques de santé sont très importantes aux États-Unis et d’importants régimes publics d’assurance maladie existent dans ce pays. Dans les faits, les problèmes du système découlent en grande partie non pas de son caractère privé, mais plutôt de la lourde réglementation à laquelle il est soumis et de la façon dont le système d’assurance fonctionne. Le traitement fiscal des assurances et la très faible participation directe des assurés aux coûts des soins sont en partie responsables du gonflement des primes d’assurance et de la présence d’une certaine proportion de personnes non assurées. Comme dans le cas du financement public des soins de santé, lorsque le payeur est une tierce partie, les coûts ont tendance à exploser.

(Key facts about Americans without health insurance ; Income, Poverty, and Health Insurance Coverage in the United States : 2003 ; Two myths about the U.S. health care system ; The Importance of Group Coverage : How Tax Policy Shaped U.S. Health Insurance.)


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