« Il est innocent, et comme tous les innocents, il se défend mal. » N. Sarkozy à propos d’E. Woerth
Le président de la République explose toutes les limites. Lors de son élection en 2007, la classe politique et médiatique contint les vagues de protestations. Les références en Présidents réellement inaptes manquent. Pour beaucoup la continuité de l’État représentée par son principal personnage prime sur les réticences à voir un homme inculte et visiblement instable accéder à la plus haute fonction. Ils ne sont pas à blâmer. Pensant peut-être que les responsabilités auraient raison de la nature profonde du personnage. Le soir de son élection sur la place de la Concorde il a promis qu’il ne “décevrait pas”. Un engagement tenu, et bien au-delà de ce que l’on put imaginer. Petit exemple, la gestion humaine par le pourrissement du dossier social des retraites.
E. Woerth, un supplice
Exténué, E. Woerth continue d’indisposer la République par sa présence. Le ministre du travail normalement en charge du dossier crucial des retraites englué dans l’affaire Bettencourt reste vissé à son poste. Plus de deux mois de dénégations, où devant un public médusé, une histoire suspicieuse de conflit d’intérêts entre la femme du ministre et l’une des plus grandes fortunes de France se transforme en scandale politico-financier. Un scandale où le chef de l’État est cité, avec retours d’ascenseurs, financement de parti politique et remise de breloques. Mais N. Sarkozy expose l’épouvantail Woerth. Il l’impose à tous contre leur gré. Il l’inflige à la représentation populaire, obligée de négocier avec un fantôme politique. Et dont les turpitudes noircissent des chroniques complètes. Quel crédit politique peut avoir un tel ministre dans un dossier capital comme celui des retraites ? Un allongement de la durée du travail qui concerne plusieurs millions de salariés d’aujourd’hui et de demain. Des travailleurs à qui on livre un ministre stérilisé qui ne peut bredouiller que des dénégations face à des accusations de plus en plus précises. Un ministre dont les ressources politiques se résument à deux mots : “faux, archifaux !”. Un ministre dont on dit qu’il n’est plus réellement aux manettes du dossier depuis le mois de juin. Que peut apporter un tel personnage, une telle caricature au débat politique ? Rien. C’est là, une tactique de pourrissement élevé au rang de “stratégie” politique. N. Sarkozy exhibe la carcasse d’E. Woerth. Force tout le monde à participer au spectacle, sacrifiant l’enjeu, un ministre et les travailleurs sur l’autel de l’exhibitionnisme médiatique. Une prise d’otage des attentions qui concentre les termes du débat sur un massacre en place publique.
Mélanger les immondices
Un carnage lent, analysé sous toutes les coutures, qui tiendra sa principale promesse, incommoder le plus grand nombre. Mieux qu’une diversion, il focalise les regards sur les remugles exhalants de la République. Bien épaulé en cela par une cohorte de répétiteurs capables de porter la polémique jusque dans les cloaques de la pensée. En l’occurrence, faire ressurgir les références aux années trente. Deux mois d’invectives “fascisantes”, avec en point d’orgue, le principal intéressé qui crachera “collabo” à une députée de l’opposition en plein hémicycle. On pourra aussi se poser la question du télescopage avec la question des Roms, où encore une fois, les références aux années sombres ressurgissent. Pur hasard, distorsion médiatique ? Puis, le pied de nez d’E. Besson laissant fuiter un possible mariage, avec une Marocaine à Rome, du très raide G. D’Alemanno. Encore une coïncidence phonétique. La conduite d’un pays s’avère être une affaire bien trop sérieuse, compte tenu des intérêts, pour laisser la fortune choisir les thèmes de crispation. La France sous le Sarkozysme traverse une période exceptionnelle, bien que misérable. La politique est l’art du cynisme et de l’opportunisme, le président de la République l’agrémente avec le spectacle méphitique du pourrissement.
Le sarkozysme n’est pas le fascisme, plutôt une forme très avancée de cynisme politique. Il trouve d’ailleurs pleinement sa place dans la démocratie d’opinion. Celle de la France de 2010. Incapable de trouver des contre-pouvoirs à cette nouvelle forme de guerre : larvée, intérieure, sporadique et communicationnelle. Qui vise à saturer les oppositions, et démobiliser les plus tempérés.
Et quoiqu’on en pense, l’édifice tient. Deux millions de manifestants dans la rue en septembre 2010 après trois années de laminage en règle. Inespéré pour le pouvoir, inédit pour un pays qui se targue d’égalitarisme. Deux petits millions à sacrifier 2 jours de travail pour espérer en gagner 730 autres à la fin de leur vie professionnelle, souvent bien remplie. Irrationnel. Preuve que la déliquescence des esprits a gagné beaucoup. Preuve peut être qu’une majorité bouillonne en attendant les échéances électorales. Préférant, en secret, glisser un bulletin putride dans l’urne plutôt que battre le pavé dans la fraternité.
Vogelsong – 21 septembre 2010 – Paris