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Fête de famille

Publié le 22 septembre 2010 par Toulouseweb
Fête de familleAirbus est toujours capable de faire vibrer Toulouse.
La mondialisation, les maničres de faire apatrides de la maison-mčre EADS, Power 8+, l’irrésistible progression de la langue anglaise, n’ont pas eu raison de la passion de Toulouse pour l’aéronautique. Une passion intéressée, certes, pour des raisons économiques et sociales évidentes, mais une passion quand męme.
Il y a 5 ans, les uns et les autres avaient pu vérifier la vitalité de cet intéręt ŕ l’occasion du premier vol de l’A380, événement hautement symbolique, clef de voűte de la construction d’une grande maison européenne capable de rivaliser avec Boeing. Mais il s’agissait d’un aboutissement avant tout technique, sans précédent en męme temps que spectaculaire.
Dans un registre différent, Airbus vient d’accueillir trčs exactement 145.000 visiteurs au cours d’un ŤFamily Dayť français plein d’enseignements. Toutes les prévisions ont été dépassées, en effet, les salariés et leurs familles, leurs amis, d’innombrables curieux, portés par un męme intéręt, se pressant dans les différents usines, ŕ Blagnac, Saint-Martin-du-Touch, Colomiers, et en ville (unité de Saint-Eloi) oů fonctionne le centre d’excellence mâts et nacelles. Saint-Eloi a le privilčge de constituer l’héritage d’un passé lointain dans la mesure oů, ŕ l’origine, il s’agissait de l’usine d’Emile Dewoitine. S’y ajoute, bien sűr, de l’autre côté de la rocade, le sičge social, ŤCentral Entityť en eurosprechen airbusien, tentaculaire.
Airbus occupe 16.000 personnes dans le Grand Toulouse et donne aussi du travail ŕ de nombreux sous-traitants et fournisseurs. C’est lŕ, autour des pistes de Blagnac, que bat le cœur aérospatial de l’agglomération, avec le solide apport d’ATR, Latécočre, Thales, Goodrich et beaucoup d’autres. Les bâtiments les plus anciens ont vu passer le gros quadrimoteur Armagnac, les élégantes Caravelle, l’extraordinaire Concorde puis, ŕ partir de l’A300B (premier vol en 1972), les membres successifs de la gamme Airbus. Laquelle va bientôt s’enrichir d’un nouveau venu d’importance, le long-courrier A350XWB. Qui plus est, on voit aussi ŕ Blagnac l’A400M militaire dont les trois premiers exemplaires se partagent entre Séville et la Ville rose.
Contrairement ŕ ce que prétendent quelques mauvais esprits, le Toulouse aéronautique n’a pas perdu son âme et ne souffre pas d’une forme subtile de dépersonnalisation, laquelle serait elle-męme liée ŕ la délicate intégration des ex-partenaires pour mieux façonner une entreprise une et indivisible. Cette évolution, entamée il y a 10 ans, est pourtant indispensable et le fiasco industriel initial de l’A380 l’a brutalement rappelé. En revanche, il ne sera jamais possible de demander aux équipes toulousaines de fonctionner comme si elles étaient allemandes, et inversement. Les Anglais, les Espagnols, ont eux aussi leur culture professionnelle propre. Et on en dira certainement autant, plus tard, des Américains de Mobile, en Alabama, qui travailleront sur la chaîne d’assemblage des KC-45A destinés ŕ l’USAF et produiront les cargos civils A330-200F. Cela en admettant que le Pentagone ait l’audace et le courage de choisir le ravitailleur que lui propose EADS.
Reste ŕ réussir la quadrature du cercle : permettre ŕ Airbus de devenir davantage européen et mondial sans renier pour autant ses valeurs originelles. Quels que soient les propos officiels, ce défi n’est pas encore relevé. Ou il l’est imparfaitement, pour cause de nationalisme économique latent, de méfiances, de jalousies. Détail révélateur, ŤAirbus Franceť n’existe plus, un tel vocable n’étant plus admis dans la mesure oů il faisait référence ŕ une notion territoriale relevant désormais du passé. Un passé qu’il faudrait gommer, heureusement sans le renier, parce que l’avenir se construit sur des bases quasiment apatrides. Cette transformation industrielle est tout ŕ la fois étonnante, passionnante et inquiétante en męme temps qu’elle suppose, pour tenter de devenir sympathique, l’invention d’une nouvelle maničre de dire les choses. Non pas en eurosprechen, volapük du XXIe sičcle, mais en s’efforçant de créer un sentiment d’appartenance encore ŕ définir. Il relčve tout ŕ la fois de la construction européenne et de la psychologie des foules.
Airbus devrait prendre le temps d’y réfléchir. D’autant qu’il se dit que ses salariés, ŕ Toulouse et ailleurs, ne sont pas tout ŕ fait heureux. Ils ont pris plaisir, semble-t-il, ŕ se retrouver tout au long d’un Family Day. Mais il reste beaucoup ŕ faire pour mener ŕ bien une tâche ingrate, qui plus est sans précédent d’importance comparable, la construction d’un Airbus profondément multinational et fier de l’ętre.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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