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Recrutement de dirigeants, chasse online

Publié le 01 septembre 2010 par Duboissetb

via lenouveleconomiste.fr par Mathieu Neu

Les réseaux sociaux, une force d’appui, pas une panacée.

LinkedIn, Viadeo, Weavlink, Facebook, Jobmeeter, etc. Les réseaux sociaux professionnels investissent le quotidien des cadres et managers de tous secteurs. Ils offrent une visibilité sans précédent, permettent un contact permanent avec une foule de confrères ou collaborateurs, si bien que les entreprises scrutent désormais en détail ces plates-formes pour le recrutement. Mais ces supports sont-ils efficaces si l’on souhaite dénicher un profil de responsable véritablement adapté à son entreprise ? Malgré l’essor des réseaux sociaux, les cabinets de chasseurs de têtes et les cabinets de recrutement de dirigeants affichent de bonnes perspectives économiques. Preuve que le recrutement de hauts potentiels ne s’improvise pas encore.

3 000 sociétés françaises cherchent actuellement à recruter à travers la plateforme Viadeo. Près de 13 000 tentent de dénicher la perle rare via LinkedIn. C’est la conclusion d’une étude récente menée par le cabinet Robert Half, spécialiste du recrutement. Avec l’incroyable essor des réseaux sociaux, la course aux talents professionnels s’invite plus que jamais sur la Toile. Bon nombre de dirigeants changent leurs habitudes lorsqu’il s’agit d’étoffer les effectifs. “En ligne, ils accèdent à des candidats en poste qu’ils ne trouvent pas nécessairement par le biais d’autres réseaux”, explique Olivier Fecherolle, directeur général France de Viadeo. La plate-forme souligne que 40 % de ses inscrits se sont vu proposer au moins un entretien sans être en situation de recherche d’emploi. Qu’il s’agisse de Facebook, LinkedIn ou d’autres réseaux sociaux, ces nouveaux canaux de communication permettent d’accroître considérablement le carnet d’adresses professionnel, de retrouver d’anciens collègues et collaborateurs, de publier des informations spécifiques en matière de compétences.
“De plus, on se joue très facilement des barrières sectorielles ou nationales, le Web 2.0 étant un support international dépourvu de limites”, précise Jean-Pierre Scandella, associé gérant du cabinet de chasseurs de têtes Arrowman Executive Search. Avec les nouvelles aubaines nées de l’avènement d’Internet, les cadres dirigeants seront de plus en plus présents sur la Toile. Le marché du recrutement se mondialise davantage. Une évolution en phase avec les besoins des entreprises.
“Les profils internationaux sont toujours plus convoités. Les sociétés recherchent des managers ayant évolué sur plusieurs continents”, note Alain Deniau, managing partner au sein du cabinet Heidrick & Struggles. Les choix se penchent davantage sur des profils capables de comprendre les interdépendances, les expériences multiculturelles, les responsables qui manipulent aisément une multitude d’outils de gestion. Les cadres dirigeants redoublent ainsi d’efforts et d’imagination pour accentuer leur présence sur les réseaux sociaux professionnels, dans le but d’attirer les recruteurs. “La plupart des inscrits sur ces plates-formes actualisent régulièrement leur profil dans le but d’être remarqués”, assure Carole Bonneau-Friang, consultante senior pour le cabinet Hudson.

Le recours aux réseaux
se justifie de plus en plus

“L’influence de ces réseaux sociaux dans le domaine du recrutement a jusque-là sans doute été sous-estimée, reconnaît Alain Deniau. Il y a quelques années encore, beaucoup de chasseurs de têtes négligeaient ce phénomène et se disaient que les seniors, qui sont majoritairement la population à laquelle ils s’intéressent, ne correspondaient pas à la génération la plus sensibilisée à Internet et aux réseaux sociaux. En s’intéressant à ce phénomène dès sa naissance, nous avons constaté que le nombre de dirigeants de plus de 50 ans inscrits grandissait proportionnellement au succès des réseaux.”
Signe des rapprochements étroits qui s’opèrent entre ces plates-formes et les professionnels du recrutement, l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) a choisi de se joindre à LinkedIn afin de permettre aux 1,2 million de visiteurs uniques, 600 000 membres et 40 000 entreprises adhérentes, d’accéder aux fonctionnalités du réseau. Tout employeur peut ainsi entrer facilement en contact avec les quelque 20 millions de profils disponibles sur LinkedIn.
A partir d’une offre d’emploi diffusée par l’Apec, les membres travaillant dans l’entreprise ciblée ou le secteur d’activité concerné sont identifiés instantanément. Un vivier d’informations essentiel pour les entreprises et recruteurs. Weavlink, autre plate-forme professionnelle comptant plus de 15 000 inscrits, propose de mettre en relation les entreprises avec des étudiants issus de grandes écoles qui se destinent principalement à occuper des postes de cadres ou dirigeants exécutifs.
“Les informations publiées sur un réseau social sont souvent plus pertinentes que celles d’un simple CV”, souligne Simon Majoulet, consultant pour le cabinet Heidrick & Struggles. “Les profils forment des cartes de visite interactives, plus régulièrement mis à jour, et présentent les travaux réalisés de manière plus détaillée.” A cela s’ajoutent les liens visibles avec certains collaborateurs et d’autres contenus extérieurs, ce qui renseigne parfois très précisément sur les idées, le passif, la réputation et les aspirations du candidat.
Soucieux d’optimiser les démarches de recrutement, une activité particulièrement chronophage, de nouveaux acteurs imaginent des solutions novatrices pour profiter au mieux des opportunités du Web 2.0. Jobmeeter se distingue ainsi par une idée originale : les entreprises qui cherchent à recruter proposent de rétribuer la personne qui leur fournit le candidat qu’elles retiendront. Une manière décrite comme économique et efficace pour trouver la perle rare. Pour bon nombre de chefs d’entreprise, les opportunités nées d’Internet représentent autant de prestations de moins à payer à un consultant pour recruter l’employé idoine. Pour une recherche de cadres dirigeants dont le salaire s’élève à 150 000 euros annuels au minimum, un chasseur de têtes se rémunère généralement au tiers de ce montant. La part atteint même 40 % s’il s’agit d’une mission internationale. Un coût qui préoccupe les entreprises, en recherche croissante d’expertise gratuite ou de taux préférentiels.

Cabinet de recrutement et
chasseurs de têtes sont au beau fixe

Pour Jean-Pierre Scandella, c’est toutefois une dépense dont il est difficile de se séparer : “La chasse de têtes est un service spécifique important synonyme de forte valeur ajoutée. Nos recrutements ne concernent pas des profils standardisés. Il s’agit de dirigeants dont l’action aura un impact significatif sur le chiffre d’affaires et les stratégies futures.” Avec les coûts moindres qu’ils engendrent, les démarches de recrutement via Internet continueront à se développer. Entre un cabinet de chasse de têtes et l’usage du Web, le budget consacré à un recrutement passe en moyenne de 20 000 euros à 500 euros. De plus en plus, on n’accepte de verser des honoraires à un spécialiste qu’en dernier recours, lorsque les profils recherchés s’avèrent introuvables, ou si l’embauche doit avoir lieu dans un temps record.
Dans ces conditions, on pourrait croire que le business de ces intermédiaires n’a plus d’avenir. Loin s’en faut. Les chasseurs de têtes comme Egon Zehnder ou les cabinets de recrutement comme Robert Walters ont encore de beaux jours devant eux. “Non seulement leurs jours ne sont pas comptés, mais leur part de marché en France est en constante augmentation. Le fait de recourir à ce type de professionnels du recrutement est même de plus en plus fréquent”, se réjouit Alain Deniau. L’association internationale des cabinets de conseil au recrutement de dirigeants (AESC) fait part de signes très positifs. Au premier trimestre 2010, elle enregistre une croissance de 30 % en termes de nombre de nouveaux mandats de recherche et de 22 % en termes de revenus, par rapport au premier trimestre de l’année précédente. Ces données en hausse concernent tous les secteurs d’activité, notamment la finance (+ 39 %) et en nouvelles technologies (+ 37 %).
Le moral des Spencer Stuart, Russell Reynolds, CTPartners et autres leaders de la chasse de têtes est donc au beau fixe. L’étude prospective pour 2010 de l’AESC évaluait à 56 % la proportion de consultants ayant une opinion positive quant au dynamisme de leur secteur, alors qu’ils n’étaient que 9 % un an plus tôt. “Ce faible pourcentage s’expliquait par la crise. Il ne s’agissait en aucun cas d’une tendance de fond, précise Jean-Pierre Scandella. L’essor des réseaux sociaux ne suscite aucune crainte au sein de la profession.”

Les limites des réseaux sociaux
Pour Alain Deniau, la bonne santé du secteur montre que “la chasse est un métier nécessitant une expertise particulière et qui ne s’improvise pas”. Il ajoute qu’en ligne, “il est très facile de se faire une mauvaise idée d’un candidat”. Selon une enquête réalisée par l’agence de communication Eurocom Worldwide, un tiers des recruteurs ont déjà renoncé à une embauche alors qu’une première étude en ligne des profils concernés les avait convaincus. Les candidats qui ressortent le plus facilement ne sont pas forcément les plus intéressants. Carole Bonneau-Friang met en garde contre l’habileté de certains membres de réseaux sociaux à manipuler la Toile pour attirer les recruteurs : “Grâce à la publication d’articles, à la participation à toutes sortes de forums, leur profil devient une référence récurrente. Mais ils ne s’illustrent pas forcément en raison de leurs compétences.”
Jean-Pierre Scandella précise que “la profusion d’information issue de l’essor des réseaux sociaux ne facilite pas nécessairement les choses. La surinformation n’augmente pas la qualité de l’information. Les profils particuliers de managers susceptibles de convenir à une entreprise donnée sont toujours aussi rares et recherchés”. Pour Alain Deniau également, l’intérêt de ces nouveaux réseaux reste limité : “Lorsqu’on cherche un directeur commercial sur LinkedIn, on peut trouver 2 000 réponses. C’est parfaitement inexploitable pour un DRH. Un réseau social donne une image parcellaire du marché, mais ne vous aidera pas du tout à valider l’information. Il permet une sélection potentielle de noms, mais n’équivaut en aucun cas au travail d’analyse que fournit un chasseur de têtes.” Ces plates-formes se présentent ainsi comme un canal d’information parmi d’autres, utilisable dans un premier temps. Ensuite, l’essentiel du travail reste à faire.
Autres éléments essentiels que les réseaux sociaux ne fournissent pas : les caractéristiques humaines, les traits de personnalité. Lorsqu’il s’agit de pourvoir un poste de cadre dirigeant, l’homme prime souvent sur la fonction. La capacité à intervenir de manière transversale, dans une organisation particulière, ne se mesure pas à travers une publication en ligne. “La personnalité, par exemple, est une notion que l’on ne peut pas cerner sur un réseau social. Une interactivité réelle et efficace, pour apprécier les caractéristiques du candidat à leur juste valeur, n’est possible qu’à travers l’expertise du chasseur de têtes”, confirme Alain Deniau. La pertinence des réseaux sociaux est d’autant plus remise en cause que les attentes des entreprises quant aux profils de leurs cadres supérieurs évoluent. Les informations en ligne décrivent en détail leurs compétences, leur expérience, mais la capacité à s’immerger dans une culture est plus difficile à apprécier.
Par ailleurs, même si elles sont désormais très fournies, les plates-formes professionnelles ne répertorient pas l’intégralité des profils existants, surtout quand on s’intéresse à des activités de niche, à des domaines peu mis en avant. Une étude du spécialiste du recrutement Monster révèle que l’offre d’emploi consultable en ligne est la plus importante dans des types de professions particuliers comme le marketing, la publicité, l’informatique, les télécommunications. Il en va de même pour les informations professionnelles des employés évoluant dans ces domaines. “Les cadres quinquagénaires de grandes entreprises qui travaillent de manière classique dans la pure tradition française se retrouvent rarement sur ces sites. Dans la plupart des cas, ce type de profils ne sera pas présent dans les résultats de recherche en ligne, surtout si le secteur d’activité en question est éloigné des nouvelles technologies”, décrit Simon Majoulet. D’autres cadres choisissent délibérément de ne pas intégrer ces plates-formes. “En France, devenir membre d’un tel réseau reste parfois encore mal vu. La démarche peut être considérée comme trop opportuniste”, souligne Jean-Pierre Scandella. Bon nombre d’employés de qualité très compétents n’ont donc aucune visibilité sur la Toile.
“Au-delà de l’identification d’un profil, notre métier se mesure surtout par notre capacité de conviction à l’égard du candidat et du client, notre capacité à rapprocher les deux parties en mettant en évidence des intérêts communs incontournables”, distingue Simon Majoulet, illustrant le fossé existant entre les possibilités des réseaux sociaux et l’expertise apportée par un chasseur de têtes. Mais si les entreprises de chasse n’ont pas à craindre l’essor de Viadeo ou LinkedIn, les petits cabinets de recrutement se retrouvent exposés à une nouvelle concurrence. “Ces structures, appelées parfois des brokers de CV, sont en danger, car leur métier repose uniquement sur la sélection de candidats potentiels”, précise Alain Deniau.

Toile et chasseurs,
des étapes différentes

Réseaux sociaux, chasseurs de têtes, cabinet de recrutement… Comment savoir quelle démarche est adaptée à ses besoins d’embauche ? Des sociétés de conseil en management spécialisées dans les relations humaines et sociales, comme Innovence, constituent un vivier d’informations très utiles pour les dirigeants. L’objectif de ces cabinets est d’aider les patrons à prendre le recul nécessaire pour s’entourer des meilleurs interlocuteurs à long terme, à gagner du temps et de l’efficacité dans les méthodes de recrutement. La participation à “DéciDRH”, ou à d’autres événements annuels analogues consacrés aux problématiques de ressources humaines, est un autre point d’accroche destiné à éclaircir les directeurs. Pour des besoins spécifiques, le recours à des chasseurs de têtes spécialisés se présente comme une solution pertinente. Maesina dans le commerce et le marketing, Singer & Hamilton ou Nicholas Angell dans la finance, figurent parmi les incontournables de leurs domaines.
Afin de répondre au mieux aux coûts que représente un recrutement, certaines entreprises privilégient les cabinets qui acceptent un paiement au résultat, uniquement au moment de l’embauche. “On a ainsi une garantie sur l’utilité de la prestation”, indique Jean-Pierre Scandella. Il ajoute qu’en faisant appel à un chasseur de têtes, le recours aux données des réseaux sociaux n’est pas du tout mis de côté : “Il ne s’agit pas d’un choix entre deux options. Les informations en ligne sont largement prises en compte par les professionnels, car désormais tous les cabinets les utilisent dans leur phase de recherche de profils.” Internet devient ainsi un excellent allié pour les spécialistes du recrutement. “Par le passé, les recherches se faisaient par téléphone. Actuellement, les moteurs en ligne et les réseaux sociaux fournissent une foule d’informations qui constituent une bonne base de travail”, confie Alain Deniau.
En fonction des missions et de la rareté des profils, on identifie dans un premier temps plusieurs dizaines de potentiels. C’est au cours de cette phase que les réseaux sociaux ont leur importance. Outre les outils LinkedIn ou Viadeo, les chasseurs de têtes épluchent les annuaires de grandes écoles, les interviews dans la presse spécialisée, les listes des participants aux colloques professionnels. Après un recoupement d’informations et une série d’entretiens téléphoniques permettant de valider le montant de la rémunération, la mobilité géographique, ou le niveau des langues pratiquées, il reste généralement trois à quatre candidats à présenter au client. Jean-Pierre Scandella explique que “toutes les innovations en matière de nouvelles technologies qui améliorent les recherches et la communication ne sont pas un danger. Bien au contraire. C’est une valeur ajoutée, une opportunité, qui rend nos prestations plus pertinentes et moins coûteuses. Nous utilisons ces outils comme un complément à nos solutions classiques”. Bon nombre de consultants du cabinet Heidrick & Struggles sont inscrits sur LinkedIn. “C’est un excellent moyen d’être au cœur des réseaux, de comprendre ce qui s’y passe, de savoir les manier”, reprend Simon Majoulet. Les recruteurs et chasseurs de têtes sont ainsi les premiers clients des job-boards – ces sites Internet d’offres et de demandes d’emploi mis à jour en temps réel – et des réseaux sociaux.
Pour Jean-Pierre Scandella, cette évolution est également une aubaine en raison du nouveau contexte qui se dessine pour les professionnels du recrutement : “Désormais, on ne confond plus le métier de chasseur de têtes avec le seul fait de trouver des CV. Faire correspondre des compétences avec un environnement, une culture, une taille de structure spécifique demande un vrai savoir-faire que le réseau social ne parvient bien sûr pas à faire. C’est donc l’occasion de redéfinir notre métier, de nous faire connaître différemment, et de procéder à un tri entre les différentes catégories de professionnels du recrutement.”


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