Écouter Moïse et les Prophètes

L’Évangile de ce vingtième-sixième dimanche du temps ordinaire est l’épisode où Jésus raconte la parabole du riche et du pauvre (Luc 16, 19-31).
Le riche, le texte ne dit pas grand chose de lui, même pas son nom.
Il n'est pas dit qu'il soit spécialement méchant, au contraire, puisqu'il pensera même à sauver ses frères de l'enfer.
Simplement, il est dans son monde, dans son confort.
Il vit tellement dans son monde égoïste qu'il ne voit même pas à travers son portail, le mendiant qui a faim et qui se contenterait bien de ses restes.
Le mendiant, lui, a un nom "Lazare" qui veut dire "D.ieu aide".
D.ieu l'aide, non parce qu'il est vertueux, on n'en sait rien, mais parce qu'il est pauvre, tout simplement.
Les auditeurs de Jésus connaissaient déjà cette histoire, mais dans une version un peu différente.

C'était un conte bien connu, qui venait d'Égypte.
Les deux personnages étaient un riche plein de péchés et un pauvre plein de vertus.
Arrivés dans l'au-delà, les deux passaient sur la balance, et on pesait leurs bonnes et leurs mauvaises actions.
Les bons, qu'ils soient riches ou pauvres, étaient récompensés, et les méchants, riches ou pauvres, étaient punis. Tout était dans l'ordre.
Les rabbins, eux aussi, racontaient une histoire du même genre, elle aussi était empruntée à l'Égypte.
Le riche était un fils de publicain pécheur, le pauvre un homme très dévot.
Eux aussi passaient sur une balance qui pesait soigneusement les mérites des uns et des autres et logiquement, le dévot était reconnu plus méritant que le fils du publicain.
Jésus bouscule un peu cette logique, il ne calcule pas les mérites et les bonnes actions, car il n'est dit nulle part que Lazare soit vertueux et le riche mauvais.
Jésus constate seulement que le riche est resté riche sa vie durant, pendant que le pauvre restait pauvre, à sa porte.
Il parle de l'aveuglement, de l'indifférence qui s'est creusé entre le riche et le pauvre, simplement parce que le riche n'a jamais entrouvert son portail.
Le texte nous dit comment le riche est habillé, de pourpre et de lin dit le texte grec, traduit ici par "vêtements de luxe", mais c'est plus que cela.
La couleur pourpre qui était primitivement la couleur des vêtements royaux, était devenue la couleur des Grands prêtres parce qu'ils servent le Roi du monde.
Le lin était le tissu de la tunique du Grand prêtre.
Dans la bouche de Jésus, il y a une petite remarque à l'égard de ses auditeurs. Ils sont très pieux mais peut-être indifférents à la misère des autres.
Abraham est cité sept fois dans ce texte.
La question de Jésus est de savoir qui est vraiment fils d'Abraham.
Et il dit que si l'on écoute pas la Loi et les Prophètes, si on est indifférent à la souffrance de nos frères, on n'est pas les fils d'Abraham.
Jésus va encore plus loin.
Le pauvre aurait bien voulu manger les miettes du riche, mais c'étaient les chiens qui venaient lécher ses plaies. Or les chiens étaient des animaux impurs.
Donc même si le riche pieux avait ouvert son portail, il aurait fui cet homme impur léché par les chiens.
Jésus dit que quand on attache juste de l'importance aux mérites, que l'on veille juste à rester purs extérieurement, on oublie l'essentiel.
Cet essentiel est dit dans la Loi et les Prophètes.
Dans le livre de Yéchâya par exemple, il est dit "Les pauvres sans abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu'un nu, tu le couvriras, devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas... Si tu cèdes à l'affamé ta propre bouchée, si tu rassasies le gosier de l'humilié, ta lumière se lèvera dans les ténèbres..." (Yéchâya (Isaïe) 58, 7-8).
Pas besoin de signes extraordinaires pour nous convertir, nous avons la Loi et les Prophètes.