« En Europe, face à la compétition féroce puis à la crise, les égoïsmes nationaux ont pris le pas sur les initiatives de l’Union européenne. La surenchère à laquelle se livrent les différents pays dans la course aux plans d’austérité n’a d’autre objectif que d’exacerber la compétition entre eux et d’offrir « au marché » le profil le plus profitable donc susceptible de recueillir la meilleure note au détriment des voisins. Là où l’Europe prendrait tout son sens en s’unissant contre la crise, l’Union européenne n’est plus qu’un rassemblement informe d’intérêts particuliers. Ceux des différents États qui la composent, quand ce n’est pas directement ceux des banques et des entreprises multinationales qui la conseillent avec beaucoup de persuasion.
Ces plans d’austérité imposés par le FMI, en n’abordant les problèmes économiques que de manière purement comptable, ne tiennent aucun compte des populations qu’ils malmènent sans autres raisons que celles précédemment énoncées. Jean-Luc Mélenchon poursuit : « Partout où ces plans d’austérité ont été mis en œuvre, en Lettonie, en Estonie, en Hongrie, en Bulgarie, les résultats sont catastrophiques. Ils ont déjà provoqué en quelques mois, alors qu’ils n’en sont qu’à leur début, une contraction vertigineuse de l’économie dépassant les 20% pour les deux premiers pays cités. Pour la Grèce, c’est surréaliste : le plan du FMI prévoit déjà qu’en 2015, en dépit des mesures déjà prises, et compte tenu du poids croissant de la dette lié à la dégradation de sa note, la situation sera pire qu’elle n’est actuellement ».
On en revient à nouveau à la question de la répartition des richesses créées, et aux choix politiques qu’elle sous-tend. Ou, comme c’est actuellement le cas dans le système libéral et avec les plans d’austérité du FMI, on ne cherche qu’à protéger le capital et les dividendes, ou l’on décide d’un nouveau partage des richesses produites en augmentant les salaires, donc la consommation et les rentrées fiscales.
Comment faire alors pour réduire l’endettement public qui ne peut éternellement augmenter ou pour relancer la demande ? Quelles solutions apporter à la crise actuelle ? « D’abord, - dit Jean-Luc Mélenchon –, on ne se satisfaire d’une économie réduite à un exercice comptable. L’économie n’est pas une finalité, mais un moyen. Le but à atteindre c’est de vivre le mieux possible en société. Et faire cela, c’est faire de la politique ».
« Nous avons à relever deux défis majeurs en ce début de XXIème siècle. Le premier c’est celui qui nous confronte en tant qu’êtres humains aux conséquences du désastre écologique que nous avons-nous-mêmes provoqué. Pour cela, il nous faut sans attendre organiser une bifurcation du modèle économique, et sans entrer dans les détails, sur le plan des énergies, il nous faut passer des énergies fossiles : pétrole, gaz, ou dangereuses : nucléaire, aux énergies propres et renouvelables. Le second est celui de nourrir l’ensemble de la population de la planète et revoir le modèle agricole productiviste mondial qui a pour conséquence que notre pays, par exemple, pourtant très gros exportateur, ne dispose plus aujourd’hui de sa souveraineté alimentaire. On peut étendre la réflexion à d’autres domaines. Par exemple, nous Français, avons besoin d’avoir une population très éduquée, puisque que ne disposant d’aucune rente liée à une ressource naturelle, notre principale richesse est notre matière grise. Nous avons donc besoin de faire un énorme effort d’éducation, et c’est le contraire qui se fait actuellement lorsqu’on supprime des postes dans l’Éducation nationale ou qu’on réduit le nombre des chercheurs et les crédits qu’on met à leur disposition ».
Quel est aujourd’hui le constat de la situation ? « Nous sommes en présence d’un État que la Droite a mis en lambeaux. Dans de nombreux secteurs d’intérêt général, l’État a disparu. Il faut à présent reconstruire un État fort, efficace, intervenant, stratège. Depuis vingt ans, les libéraux ont entretenu l’illusion que partout où l’on pouvait remplacer l’État par des entreprises privées, le service rendu serait de meilleure qualité et moins cher. Ce qui est totalement faux. Les exemples ne manquent pas ».
Comment alors, par exemple, pourrait réagir un État confronté au marché qui lui imposerait un renchérissement du crédit par des taux prohibitifs ? « Lorsqu’on est un gouvernement responsable, on se préoccupe de défendre sa population et non les banquiers. Avec nos camarades du Front de Gauche, nous n’avons jamais imaginé faire ce que M. Georges Papandréou, Premier ministre grec, président de l’Internationale socialiste, a fait. Se plier au premier coup de semonce envoyé par Bruxelles ou par le FMI et injurier comme il l’a fait de Londres et de Berlin, sa propre population. Si le système financier nous agressait, nous répondrions coup pour coup. On n’analyserait pas cela comme étant un coup du sort. Nous ne nous laisserions pas dépouiller sans réagir d’une main de fer. Il n’est pas envisageable un seul instant que les marchés et les institutions financières aient le dernier mot contre la République française ».
Comment faire ?
« La première mesure à prendre est d’abolir la disposition actuelle selon laquelle pour emprunter de l’argent, l’État est obligé de s’adresser aux banques et autres organismes financiers et d’aller chercher des fonds sur le marché. Et pour cela, d’une part, la Banque centrale européenne (BCE) ne doit plus avoir comme seul et unique objectif la stabilité des prix et d’autre part, elle doit pouvoir prêter directement aux États membres. La BCE doit pouvoir prêter aux États au même taux de 1% qu’elle prête aux banques, qui elles, le proposent aux États à 3%, 4%, voir plus. Et rien que cela représente une économie de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour l’État ».
« La seconde mesure à prendre concerne la participation des banques au développement. Lors de la crise, et pour les sauver, le Gouvernement leur a prêté les fonds dont elles avaient besoin sans aucune contrepartie sinon un vague engagement moral à prêter davantage à l’économie réelle, c’est-à-dire aux entreprises. Non seulement elles n’ont rien fait de cela, gardant ces sommes pour reconstituer leurs marges, mais plus fort encore, pour la première fois depuis vingt ans, le total des encours de 2009 a diminué. Il faut donc les obliger à financer l’économie réelle. Et si elles ne cèdent pas à cette obligation, l’État, en dernier ressort, doit recourir auprès des banques à l’emprunt forcé à taux réduit, quand bien même cela ferait-il se dresser les cheveux sur la tête des libéraux. Et pour mettre cet argent à disposition de l’économie réelle, il faut disposer d’un grand pôle financier public ».
Mais comment pourrait-on changer le règlement de la BCE et obtenir pour cela l’accord des 27 pays membres de l’Union ? Cela paraît impossible. « Dans la réalité, cela peut aller très vite. Nous disposons toujours de la Banque de France et de son savoir-faire, en cas de besoin. Devrions-nous baisser les bras, soumis à un accord signé il y a dix ans – le Traité de Maastricht –, contre lequel était alors la moitié de la population ? Et au Traité de Lisbonne, copie conforme du Traité constitutionnel européen auquel les Français ont dit non ? Il faudrait réinterroger les Français et leur offrir la possibilité de renégocier un accord incompatible avec la politique en faveur de laquelle ils se seraient prononcés. Dans la construction européenne telle qu’elle a été développée, la France n’a pas été dissoute et reste par conséquent puissance souveraine avec un peuple souverain. Si donc elle était menacée par la finance internationale, elle aurait le droit de se défendre. De la même façon que, si elle était agressée militairement, elle n’irait pas demander à MM. Barroso ou Van Rompuy, ou encore à la baronne Ashton, le droit de se défendre. Si la finance internationale attaque la France, nous sommes en état de légitime défense. Et nous serions alors amenés à proposer aux pays membres de négocier le changement le statut de la BCE, et en cas de refus, de mettre la France en état de cessation de paiement de sa contribution à l’Europe puisque la France reste contributeur net, c’est-à-dire qu’elle verse plus qu’elle ne reçoit. Cela pourrait être de nature à faire réfléchir tout le monde. Pourquoi la France, bientôt le premier pays d’Europe en population, le second par sa superficie et l’un des plus riches, serait-elle forcée de se coucher devant le diktat de la finance internationale associée à l’Union européenne ? »
L’intérêt de la France est de clamer haut et fort qu’elle ne se laissera pas faire.
Mais de quels moyens disposerait le pays pour qu’un gouvernement vraiment de gauche l’engage dans les réformes dont il a été précédemment question ? Cela ne demanderait t-il des moyens financiers considérables, hors de portée ?
« La France est un pays riche, nous l’avons dit. Il suffirait que l’équilibre entre la part des richesses créées dévolue au capital et celle dévolue au travail, c’est-à-dire aux salariés, redevienne ce qu’il était il y a encore vingt ans. Il faut, en période de crise, que chaque Français contribue en regard de ses moyens, ce qui sous-tend de revoir la fiscalité telle qu’elle s’établit actuellement. Et de ne plus seulement faire porter les efforts sur le peuple, mais aussi sur les gros portefeuilles. À partir de cela, ceux qui ne sont pas contents peuvent s’en aller. Ils vont fuir la France. Que leur répondre ? Eh bien, je leur dis au-revoir ! Qu’ils s’en aillent ! La vraie richesse ce pays, elle est dans son peuple. Ce sont les conditions matérielles, réelles. Vous ne partez pas avec une usine sous le bras. Cela ne marche seulement que lorsque qu’on vous laisse déménager les machines. Mais sinon, les travailleurs et leur savoir-faire, il est là. Il ne faut pas se laisser intimider par des menaces de cet ordre. Selon M. Patrick Artus de la société Natixis, si l’on taxait aujourd’hui les revenus du capital comme on taxe le travail, ce qui n’est pas une hypothèse déraisonnable, il rentrerait environ 100 milliards d’euros par an dans les caisses de l’État. Ce sont là les 10% qu’il manque dans la répartition des richesses au détriment du travail.
Ce qui est difficile à faire passer, c’est de faire admettre aux possédants que c’est leur tour de payer. Mais cela, c’est la question du rapport de forces qui repose sur le vote des citoyens. Si les citoyens le veulent, s’ils le décident, alors, ils méritent d’avoir un gouvernement qui le fasse. S’ils votent pour un gouvernement de Front de Gauche, cela sera fait ».
Reynald Harlaut
Parti de Gauche