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Chien de garde de l’ultralibéralisme, Fillon aboie contre les grévistes, jappe à l’UMP et cultive sa différence

Publié le 27 septembre 2010 par Kamizole

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Riche semaine pour le futur ex-premier ministre, son départ de Matignon ne faisant plus guère de doute. Le moins que l’on en puisse dire étant que les prétendants à sa succession se bousculent parmi les barons (voleurs) du sarkozysme… Mais «la porte (est) étroite», trop sans doute pour le gros Xavier Bertrand tout lèche-cul qu’il fût qui passait son temps quand il était ministre du Travail à espionner ses petits camarades et jouer le “rapporte-paquet” à l’Elysée… François Fillon qui depuis 2007 a avalé sans broncher toutes les couleuvres servies matin, midi et soir par Nicolas Sarkozy, au point de sans doute «s’en relever la nuit» (Brigitte Fontaine pour autre chose) se pose désormais en chef de la majorité.

Plutôt envie d’ironiser à lire le titre du Monde Les nou-velles audaces de François Fillon (25 sept 2010). «De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace» ? N’est pas Danton qui veut et François Fillon n’est nullement homme de «La Montagne». De la plaine et plus sûrement du “Marais”…cage.

Comment prêter sans rire quelque audace véritable à celui-là même que ses propres amis politiques avaient affublé du sobriquet révélateur de «Courage Fillon» ! quand il fut ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité – tu parles ! – dans le gouvernement Raffarin ? Les retraités d’hier se souviennent d’ailleurs de la réforme des retraites de 2003 qui porte son nom et nous a déjà mis sur la paille… en n’ayant garde d’oublier qu’il promettait alors que cette réforme serait «la der des der»… Moyennant quoi la guerre contre les ignobles acquis sociaux reprend aujourd’hui de plus belle ! Après la saignée d’hier, il nous inflige la purge intégrale. Remèdes des Diaffoirus et Purgon de la médecine ultralibérale : le malade meurt… guéri.

  • Celui qui fut présenté stupidement comme «l’aile gauche de l’UMP» est avant tout un chien de garde de l’ultralibéralisme, représentant tout autant la droite la plus dure sinon extrême que Nicolas Sarkozy mais en plus soft, moins agité. Plus présentable et propre sur soi en vue de 2012 ?
  • Or donc, François Fillon prend ses distances avec Nicolas Sarkozy dont il dit qu’il «n’est pas son mentor»… On aura compris qu’il ne s’agissait que d’un “mariage de raison” : une «alliance» - bien dorée – «J’ai choisi de l’aider à être prési-dent de la République et je m’en félicite tous les jours»… pas sûr ! car la critique à peine voilée fuse : «il y a des gens qui pourraient être plus discrets», allusion évidente au Nicolas Sarkozy petit parvenu bling-bling et à sa propension à étaler sa vie privée, reproches récurrents de la bourgeoisie traditionnelle.

    Petit musclé des gencives, le transparent 1er ministre bombe le torse. Face à ses troupes de l’UMP réunies à Biarritz pour les journées parlementaires il tente de calmer le jeu : les bisbilles entre Xavier Bertrand et Jean-François Copé qui guigne la place du chef. Ça les occupe : le sort de la France, des Français et la révolte qui gronde contre la réforme des retraites ? A l’image de Nicolas Sarkozy dont la seule préoccupation est de se représenter en 2012 : rien à foutre ! On se doutait bien que les passionnelles ambitions person-nelles prenaient largement le pas sur le bien commun et l’intérêt général mais c’est encore mieux quand les événements en apportent la preuve flagrante..

    A l’Express, François Fillon comme carte de rechange de la majorité pour 2012, on y croit dur comme fer ! Là aussi, les mouches doivent changer d’äne… Selon Matthieu Deprieck (24 septembre 2010) UMP : à Biarritz, Fillon réaffirme son autorité. «François Fillon a rétabli l’ordre en deux ou trois formules nichées au cœur d’un discours principalement centré sur l’économie» :

    “Personne ne doit exercer son talent contre son camp” (…) Tant que je le pourrai, tant que j’aurai votre confiance, je ne laisserai rien passer qui puisse faire dire que l’esprit d’équipe et le sens de l’intérêt général n’étaient pas au rendez-vous»… Le sens de l’intérêt général ? Mon œil ! La présence, non annoncée de Fillon à ce dîner, aurait été la «surprise du chef»

    Bien dans la ligne de Christophe Barbier dont on se demande si ce laudateur impénitent de la geste sarkoïdale ne pourrait tourner casaque… présidentielle si la suite tournait trop au vinaigre pour Nicolas Sarkozy. Le titre «de l’audace et de la rigueur» paru le 15 sept 2010 sur son blog de l’Express Sarkozy – An trois pourrait parfaitement s’appliquer à François Fillon s’il ne s’agissait d’une démolition en règle du récent ouvrage de Besma Lahouri «Carla, une vie secrète»… Barbier défend «Le château», qui ne doit rien à Kafka encore que ce régime soit des plus kafkaïen.

    Libération (25 septembre) vient doucher cet excès d’optimisme A Biarritz, le pion Fillon tente de siffler la fin de la récréation : «Pas sûr que le rappel à l’ordre du Premier ministre ait été entendu alors que la rivalité entre Jean-François Copé et Xavier Bertrand a dominé les journées parlementaires UMP». C’est l’UMP dans son entier et ses chefs qui semblent être atteints de la même «maladie infantilo-sénile» que Nicolas Sarkozy dont le symptôme essentiel consiste à cette croyance – inspirée de la «mentalité magique» que se partagent les enfants, les insanes d’esprit et certains individus très marginaux – qu’il suffit de penser et dire les choses pour qu’elles se réalisassent dans la foulée : de j’ai parlé «Ya pu de problème» à «la polémique est éteinte», les exemples ne manquent nullement en Sarkozie… A chaque fois démentis par les faits qui ont le grand malheur – ou bonheur selon le point de vue auquel on se place - d’être aussi têtus que les chiffres !

  • Je ne reviendrais pas sur l’audace. Reste la rigueur. Nul doute : pour nous l’infliger, François Fillon – courageux mais jamais téméraire - ne risquera pas pour une fois de «faire flanelle» !
  • Il oppose la plus grande fermeté à la colère de la rue – il ne l’a pas ajouté mais le pense si fort : «ce n’est pas la rue qui gouverne» - et aux 3 millions de manifestants qui battirent encore le pavé le 23 septembre 2012. Peu lui chaut que presque 70 % des Français soient opposés à cette réforme des retraites : le Medef l’exige ainsi que les marchés financiers. Les seuls et vrais “donneurs d’ordre” de cette république bananière… Dont à l’évidence Sarko, Fillon, Woerth et une bonne partie de l’UMP suivent aveuglément la «feuille de route» nettement plus précise que la carte de «L’Ile au Trésor» de Stevenson. Mais les «voyous de la République» ne valent guère mieux que les pirates en général et Long John Silver en particulier !

    Au point que le titre de l’article de Jacques Dion sur Marianne2 (21 sept 2010) est à peine ironique Et si Parisot remplaçait Woerth au ministère du Travail ? : il y souligne fort justement qu’Eric Woerth n’est plus en capacité de conduire cette réforme soutenue avec fougue et passion par Laurence Parisot le même jour sur France-Inter. Rappelons que ce même mardi – décidément bien “noir” ! - Eric Woerth connut l’humiliation de voir le contenu de l’interview donnée au Parisien corrigé par l’Elysée…

    Il aura beau prétendre vouloir faire partie du prochain gouvernement, s’autorisant du soutien de Nicolas Sarkozy. Comme si celui-ci pouvait le lâcher avant que la réforme des retraites soit définitivement adoptée : le passage au Sénat à partir du 4 octobre 2010 n’aura rien du parcours de santé. Intervenant qui plus est après la journée de manifestations programmée le samedi 2 octobre pour permettre à plus de personnes d’exprimer leur rejet, et de cette réforme et de la politique suivie Nicolas Sarkozy. Sans oublier sa personnalité qui passe de moins en moins.

  • Je l’avais bien subodoré dès le début de l’affaire Bettencourt-Woerth : la magnifique batterie de “casseroles” qui pendouillent au cul d’Eric Woerth l’empêchent de rester assis à son poste de ministre
    :)
  • Faute de temps et de surcroît bien fatiguée par une semaine plus que chargée, je n’ai pas exploré tous les articles traitant du «non ferme et tranquille» opposé par François Fillon aux 3 millions de manifestants qui ont défilé le 23 septembre dans les villes de France et de Navarre.

    La quintessence m’en semble parfaitement exprimée dans un article du Parisien du 24 sept 2010 Retraites : de nouvelles manifestations prévues les 2 et 12 octobre où par ailleurs l’on s’étonne du choix de deux dates : le 2 octobre pour les grandes démonstrations de force (que personnellement j’appelais de tous mes vœux pour la rentrée dès le succès de la manif du 24 juin) qui devrait permettre à tous les salariés, du public comme du privé d’y participer et une «nouvelle journée massive» de grève et des manifestations, le mardi 12 octobre.

    Contrairement à l’interrogation du Parisien pour qui «la décision peut surprendre» je n’y vois pas le «Signe que l’intersyndicale se divise sur la stratégie à adopter désormais ? Synthèse des idées ? Ou preuve qu’ils ne croient plus pouvoir faire pression qu’à la marge sur le projet gouvernemental, qui sera examiné au Sénat début octobre ?»… Je n’en pense pas moins que seules des grèves reconductibles ou générales peuvent faire plier le pouvoir. Cela s’était vérifié en décembre 1995 et a contrario en 2003 quand une méga manifestation nationale à Paris – il ne fallut pas moins de 3 itinéraires différents pour éviter que la manif ne se terminât à pas d’heure ! – n’empêcha nullement l’adoption de la loi Fillon sur les retraites.

    La seule protestation de la rue, Fillon – et sans doute tous ses amis de l’UMP – s’en tamponnent le haricot. Il reste droit dans ses bottes. Petit florilège :

  • «Il faut répondre calmement à la rue parce que gouverner c’est écouter chacun, gouverner c’est respecter chacun, mais gouverner la France c’est aussi parfois savoir dire non».
  • Jusqu’à présent, Sarko, Fillon et Woerth ont été totalement autistes, ne sachant que dire «NON» pas seulement «PARFOIS» mais «TOUJOURS» aux attentes des Français en matière de justice sociale, amélioration du pouvoir d’achat des salariés et retraités, traitement du chômage autrement que par des “radiations d’office” à jet continu (j’y reviendrais tellement c’est “hénaurmément” injuste !) et toutes entreprises des “chantiers de la démolition sociale”

    Ils n’ont écouté que le Medef et les marchés financiers – sans oublier le FMI de Dominique Strauss-Kahn ! – et opposé des fins de non recevoir aux syndicats et partis politiques de l’opposition à toute tentative de dialogue. Alors, vous pensez bien que la voix des manifestants ne trouble ni leurs oreilles ni leur repos.

  • «Non, avec le président de la République nous ne retirerons pas ce projet de réforme parce qu’il est nécessaire et raisonnable (…) nous ne renoncerons pas à l’augmentation de la durée d’activité, parce que si par malheur nous le faisions, alors nos régimes de retraites s’écrouleraient sous le poids des déficits».
  • Permettez à mémé Kamizole de s’inscrire totalement en faux contre ces affirmations uniquement guidées par le credo ultralibéral qui leur tient lieu de viatique : «Litanies de Sainte Compétitivité» selon l’heureuse formule de Riccardo Petrella (Le Monde diplomatique, février 1994). Décidément pas de chance pour eux : j’ai une mémoire d’éléphante ! Comment ne pas y associer «Feu sur l’Etat-Providence» de Christian de Brie (Monde diplo de janvier 1994) opportunément sur-titré : «Perversion de la démocratie en Europe» (il s’agit bien entendu de l’ultralibérale Commission européenne) et bien entendu toujours d’actualité le magistral «Essence du néolibéralisme» de Pierre Bourdieu (mars 1998) dont le sur-titre est à lui seul résumé et programme : «Cette utopie, en voie de réalisation, d’une exploitation sans limite»

    «Le monde économique est-il vraiment, comme le veut le discours dominant, un ordre pur et parfait, déroulant implaca-blement la logique de ses conséquences prévisibles, et prompt à réprimer tous les manquements par les sanctions qu’il inflige, soit de manière automatique, soit - plus exceptionnellement - par l’intermédiaire de ses bras armés, le FMI ou l’OCDE, et des politiques qu’ils imposent : baisse du coût de la main- d’oeuvre, réduction des dépenses publiques et flexibilisation du travail ? Et s’il n’était, en réalité, que la mise en pratique d’une utopie, le néolibéralisme, ainsi convertie en programme politique, mais une utopie qui, avec l’aide de la théorie économique dont elle se réclame, parvient à se penser comme la description scientifique du réel ?».

    Je n’aurais garde d’oublier Viviane Forrester qui avec un rare talent et dans une prose quasi poétique démonte avec non moins de sagacité les mécanismes de cette économie déjantée poursuivie avec la complicité des politicards dans «L’horreur économique» - prix Médicis 1996 ! - et «Une étrange dictature» (2000).

    Dans le même ordre d’idée je ne peux que vous recommander la tribune d’André Bellon - ancien député socialiste de la même promotion que Jacques Attali à l’Ecole Polytechnique – publiée dans Marianne2 le 10 juin 2010 Tous ruinés dans 10 ans, Monsieur Attali? Non, pas tous…. Avec brio, il y critique très rigoureusement l’ouvrage de Jacques Attali sur la dette de la France – qui se voulant tout à la fois «modeste, ému, technicien, conformiste, oublieux et moraliste» - parvient à un véritable tour de force «ainsi éviter la question majeure : D’où vient cette situation ? Qui détient le pouvoir ? Qui subit la collectivisation des conséquences ?».

  • Précisément, s’agissant de la «collectivisation des conséquences» n’ayons garde d’oublier l’antienne favorite de l’ultralibéralisme : «privatisation des profits, nationalisation des pertes»…
  • Les salariés, les retraités, tous les co…chons de payants, con…sommateurs, con…tribuables, les «salauds de pauvres» comme les membres des couches moyennes – largement essorées et paupérisées – «doivent payer» pour enrichir les multimilliardaires et autres «gloutocrates» de l’oligarchie économique régnante. Illustrant à merveille l’aphorisme de Montaigne : «Le profit de l’un est dommage de l’autre» sans nullement trahir Jules Renard qui écrivait que le seul tort des pauvres est d’être les plus nombreux…

  • Bien qu’ayant dû étudier l’économie à plusieurs reprises – les cours annuels et portant sur différents sujets selon les degrés sont obligatoires dans le cursus des études de droit, sans oublier le cours d’économie politique – et m’étant passionnée pour le sujet depuis 27 ans, je n’aurais pas l’outrecuidance de me prétendre économiste.
  • Mais vous ne m’enlèverez jamais la conviction profondément ancrée et fondée que «la main invisible du marché» est non seulement une FICTION THEORIQUE par laquelle Adam Smith postulait que les marchés sont autorégulateurs et que divers mécanismes intrinsèques permettraient de rétablir automati-quement l’équilibre (le krach boursier du 21 septembre 2009 nous apportant à l’envi la preuve contraire) mais surtout un DOGME à peu près aussi crédible que celui de «l’immaculée conception» de la Vierge Marie pour les catholiques.

  • Je m’excuse par avance envers ceux qui y croient dur comme fer mais, bien que croyante, je n’ai jamais pu y adhérer tellement c’est contraire aux lois naturelles !
  • Il ne saurait y avoir de «main invisible» encore que certaines décisions économiques entraînassent des effets parfois imprévus – positifs ou négatifs - mais dont on peut parfai-tement en identifier a posteriori les causes et les conséquences. Les choix économiques sont tous le fait d’êtres et de groupes humains qui se réfèrent à des partis pris. Nous vivons aujourd’hui sous la férule du néolibéralisme qui commande de sacrifier le social. Au nom du réalisme !

    «Un autre monde est possible» qui - sans sacrifier les néces-saires grands équilibres économiques au nom d’une idéologie qui serait au moins aussi pernicieuse – respecte les exigences de justice sociale, le partage équitable des ressources naturelles et des profits, le respect de l’environnement. Bref, qui remette l’homme et ses besoins au centre – «l’homme, mesure de toutes choses» selon Protagoras – et se souvienne qu’étymologiquement «économie» signifie “administration de la maison” : nous vivons aujourd’hui dans une bien curieuse demeure où les besoins essentiels des être humains ne sont plus la préoccupation centrale !

    Notre révolte actuelle contre la réforme des retraites, - sur toile de fond d’un ras-le-bol bien plus général contre la politique de Nicolas Sarkozy et sa personne - doit inaugurer ce combat pour l’avenir. Nous ne pourrons faire l’économie d’une telle réflexion aussi nécessaire que salutaire. Il en va de l’avenir de l’humanité et de la planète.


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