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Ils ont décidé de laisser les autres travailler pour eux

Publié le 28 septembre 2010 par H16

Débordé par l’activité politique foisonnante du pays, il devient difficile de trouver une cible tant les poulets qui courent sans tête au milieu du champ de tir se font nombreux et bruyants. Et soudain, en pleine confusion, alors que chaque volée de plombs emporte avec elle une douzaine d’imbéciles élus, un magnifique spécimen de profiteur morose apparaît. Et c’est une véritable pépite d’adulescence navrante que nous offre ainsi les Inrocks, voyageant d’un pas décidé vers les nouvelles steppes d’une conformité socialoïde à la fois molle et rock’n'roll. Si si, c’est possible.

L’article proposé par le palpitant mensuel qui parlait jadis de musique narre en effet l’histoire un peu troublante de ces explorateurs de l’altersociété, ceux qui ont, sciemment, choisi de ne pas travailler.

Je suis tombé sur cet article attiré par le titre : « Ils ont décidé de ne plus travailler », voilà qui semble intéressant, non ? Dans cette période où on nous répète que travailler plus permet de payer plus d’impôts avec le sourire, toute échappatoire aux vigoureuses chignoles fiscales que le gouvernement nous applique tous les jours avec soin est bonne à prendre… Eh oui : de prime abord, choisir de ne pas travailler est une option rarement envisagée : il faut bien manger, et tout le monde n’hérite pas d’un riche oncle d’Amérique ou ne touche pas le Loto.

Me doutant rapidement que l’article n’évoquerai pas les rentiers et autres millionnaires satisfaits d’enchaîner nuits de folies sur fêtes mondaines à Ibiza, je pensais qu’on aborderai l’intéressante aventure tentée par ces personnes qui s’investissent totalement dans une passion et décident, tentant le tout pour le tout, d’en vivre d’une façon ou d’une autre.

Allais-je découvrir le prochain Van Gogh, le prochain peintre de génie qui allait se lancer dans une nouvelle approche de la matière, de la couleur, tenter de déstroutourer l’intemporal ? (Je rappelle que nous sommes ici dans les Inrocks, et y parler peinture n’est pas rigoureusement impossible.) Allait-on me décrire par le menu les petits trucs qui permettent à chacun de se lancer dans l’aventure ?

Bah non.

L'Ennui

En fait, si. Mais l’aventure est plutôt celle avec un petit ‘a’, tout petit, à peine plus gros que le point du ‘i’ de ennui. Car ce que nous propose l’article, c’est l’autre versant du non-travail : la glande totale et assumée, le rien chimiquement pur, de longues séances à écouter une horloge bretonne battre les secondes dans une cuisine un peu sombre, à la table recouverte d’une grosse toile cirée au motif vichy terriblement tendance.

On nous relate le non-travail et les non-aventures de Grégoire qui a heurté de plein fouet la maturité pour rebondir d’où il venait, c’est-à-dire une espèce d’adolescence molle fait de bricolages bizarres dans des après-midis pluvieux d’un mercredi sans téloche.

C’est totalement assumé, puisqu’un ouvrage – évidemment lourdement sponsorisé par les Inrocks – va paraître bientôt sur ce sujet, ouvrage dont le titre lui-même (« Libre, seul et assoupi« ) évoque cette torpeur languissante où la lourdeur des paupières …

mouaaah
excusez-moi, je baille

est devenue l’état naturel dans lequel sont plongés les tenants de ce super-mouvement plein de peps, de vie et d’avenir dans ce joli pays franchouille.

Le raisonnement est grossièrement le suivant : puisqu’il est (plus ou moins) difficile de trouver un emploi, puisque l’État maman nous cocoonise courageusement à violents coups de ouate sociale, et qu’en plus de ça, d’aides en subventions, de RSA en exemptions de taxes, on peut arriver à survivre plusieurs années logé et nourri dans cette non-action frénétique, autant s’en donner à cœur-joie… ou disons, autant le faire carrément, à fond, à fond, à fond, total trip, sans oublier tout de même de récupérer les sucrettes du café, faut pas gâcher.

Procrastination

Apologie de la procrastination, de la mollesse et du nihilisme reposant entièrement sur le travail des autres pour absolument et passionnément ne rien faire, tant l’ouvrage que l’article montrent fort bien qu’effectivement, dans un monde pré-communiste où la misère sera généreusement partagée entre tous, on peut fort bien vivre au crochet de tout le monde, assumer, et ne pas s’en sentir plus malheureux que ça.

Notez qu’il s’agit ici tout au plus de ne pas être malheureux, et non de viser le bonheur; difficile, en effet, de se sentir à la fois épanoui et motivé quand on carbure aux biscottes et qu’on mesure chaque effort au millimètre près. C’est ainsi qu’on en vient à se fixer des buts extrêmement modestes, à la mesure de l’énergie dont on dispose : exemple concret d’une décroissance joyeuse, on sent que ce mode de vie va connaître un succès foudroyant.

Et l’acceptation revendiquée bruyamment de cette non-existence sera fort utile pour les socialistes de droite et les socialistes de gauche qui nous gouvernent et qui, eux, n’ont pas tout à fait les mêmes contraintes (les biscottes, cela fait longtemps qu’ils n’en font plus acheter par leur coursier, ou alors, seulement pour le caviar) : il est bien plus facile de tondre des moutons lorsque ceux-ci sont calmes et dociles. On comprend dès lors pourquoi, consciemment ou non, les sbires de l’Etat font absolument tout pour aider ceux qui ne travaillent pas ; si la situation devenait intenable, la révolution ne serait pas loin : si le système communiste a pu tenir aussi longtemps, c’est essentiellement parce que la pauvreté était assez bien distribuée, les élites et apparatchiks suffisamment loin du peuple pour éviter de leur jeter à la face le faste et l’oppulence dans lesquels ils vivaient.

En outre, tout fut fait pour que, justement, les pauvres restent pauvres, mais pas trop : rien de pire qu’un ventre vide, qui conduit à toutes les extrémités. Alors qu’un ventre au trois-quart vide, c’est toujours une opportunité de se réjouir de l’avoir au quart plein, et le bonheur minuscule de se dire qu’en plus, on ne le doit à personne. Ou presque, puisqu’évidemment, tout ceci ne fonctionne que tant que des pigeons continuent à payer pour tout les autres.

Et lorsque le nombre de profiteurs, un beau matin, devient trop lourd à supporter par les pigeons …

Le pays est foutu.


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