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Les larmes de Nassimah

Publié le 28 septembre 2010 par Laurelen
Les larmes de Nassimah Semaine du 20 au 26 septembre 2010.
Pas mal de choses intéressantes en Une des quotidiens réunionnais cette semaine, on veut tout d’abord nous faire peur, entre « la traque du zamal est ouverte » lundi et « la pression monte » mercredi au Quotidien, tandis que le Jir nous annonce « 260 conducteurs flashés par jour » lundi, et continue avec « la France redoute les attentats » mardi. Brrr… Heureusement, le Jir nous rassure dès le mercredi, avec « alléger les cartables, c’est possible » (sans doute grâce au plan vigi-pirate qui va bientôt interdire les compas, cutter, stylos, et poursuivre par les livres et cahiers, aux feuilles si tranchantes). On est définitivement apaisés, jeudi, toujours par le Jir, quand en plein jour de grève on apprend que « les PV ne sont pas tous valables » Ouf, ça va mieux.

Il faudra donc attendre la Une du Jir de samedi pour trouver notre bonheur : « Air Austral : Robert débarque Dindar ». L’image, autant visuelle que textuelle, est excellente. « Air Austral » en petite lettres rouges centrées sous le cockpit d’un gros navion vu de face, dont les trois ailerons parfaitement symétriques séparent les photos des deux protagonistes au dessus. A gauche, celui que l’on nomme « Robert », tête de face sur un dossier cuir noir et fond de boiseries, l’air vif et le regard espiègle virant allègrement sur sa voisine de droite, nommée ici « Dindar », prise de trois quart face, l’air ahuri et vexé de celle qui ne comprend pas de ce qui lui arrive, tendant une main vers le lecteur comme pour se justifier. Reprenons donc, « Robert », c’est Didier, le politique UMP réunionnais sur la montante qui a délogé Paul de son siège qu’il tenait bien au chaud à la présidence de la Région. « Dindar », c’est Nassimah, la politique d’origine UMP aux multiples facettes (divers gauche, à droite toute, balle au centre) qui après avoir brillé de mille feux sur la jet set gouvernementale au milieu des années 2000, a entamé une longue glissade difficile à rattraper en récupérant tout de même de justesse en 2008 son siège de présidente du conseil général, qu’elle a aujourd’hui bien du mal à garder au chaud .( voir l’article du Pirate ). « Débarque », le terme est ferme, on peut s’imaginer que le président de région, carrément, vire avant l’heure la présidente du département. Gonflé. Mais on lit « Air Austral », on voit l’avion, et on comprend qu’il y a une histoire de voyage là-dedans. Robert et Dindar sont dans un avion. Quelque part au-dessus de la Namibie, un réacteur s’emballe, il faut lâcher du lest. Il n’y a pas une seconde à perdre : Robert débarque Dindar, comme il l’aurait fait d’un vulgaire bagage à main. Beau scénario, malheureusement il y a encore du texte dans cette Une. Plus bas, et en plus petit : « en accédant à la présidence de la Sematra, le patron de la Région devient désormais incontournable au sein de la compagnie. » Alors là plus rien à voir, un texte mollasson qui casse vraiment tout l’imagination de cette mise en page superbe, de ce photomontage trop habile pour être faux.

Bon, pour ceux qu’ont pas suivi, on a eu quand même un joli petit coup de putsch vendredi dernier à la pyramide inversée. Lors de la réunion du conseil d’administration de la Sematra, obscure société d’économie mixte présentée comme « principal actionnaire d’Air Austral », (et dont on n’entend pas trop souvent parler), Dindar se trouve sur place en qualité de présidente. Rien que ça. Et voilà t-y pas qu’à peine la réunion commencée, elle se voit tout simplement chiper son poste par Robert, qui n’avait jusque là que la présidence du conseil de surveillance de la compagnie. Sous le juste prétexte que la région de Robert détient 50% des parts de la Sematra, alors que le département de Dindar n’en a que 30%, et que le conseil général n’a toujours que tacitement présidé cette société. Dindar, minoritaire, n’a donc rien à dire et préfère quitter la réunion avant d’aller se plaindre aux médias. Forcément, c’est pas facile, quand on ne sait plus qui vous fait encore confiance, à quel parti on vous identifie, et qu’on a plus beaucoup de cordes à son arc. On en perd une, et ça glisse encore plus vite.

On imagine facilement le confort que peut représenter l’assise d’un tel fauteuil, on est sûrement encore mieux qu’en classe affaire, quand on est président de la Sematra. C’est pourquoi on peut se demander aussi comment que ça se fait donc que le Robert, qui a l’air d’un fin stratège, a attendu six mois après son élection à la Région pour repiquer le poste à la Dindar. Le Pirate, qui zonait en eaux troubles au bon moment, connait la réponse à cette cruelle interrogation.

Un soir, peu de temps avant le vendredi noir de Nassimah, Didier se fait déposer à l’aéroport de Gillot. Il va prendre le vol Air Austral pour Paris, où il va retrouver avec Jacqueline Farreyol, sa suppléante en tant que député mais également la présidente de l’IRT (Ile de la Réunion Tourisme), les présidents d’associations réunionnaises de métropole. Il leur dira combien il les aime et combien il compte les aider vu qu’en retour il compte franchement sur eux pour faire une pub d’enfer à la Réunion. Il leur promettra de revenir souvent (pour ça il faut beaucoup de billets d’avions…) les visiter dans les régions, et de leur offrir des locaux et des moyens décents*. Après la conférence, un bal y est donné sur une péniche en compagnie d’une tripotée de personnalités de métropole issues de la Réunion. Le but est clair : se servir des associations réunionnaises pour développer le tourisme à moindre frais, tout en se montrant le plus possible dans des cocktails mondains, et gagner des voix autant en métropole qu’à la Réunion. Foi de pirate, l’idée est très bien trouvée. Il s’en lèche les babines d’avance, et s’avance d’ailleurs avec son chariot à bagages vers l’entrée de l’aéroport.
Surgie de l’ombre, une forme noire de petite taille, toute de burqa vêtue, se précipite et lui agrippe le bras : « emmène-moi avec toi, Didier, je t’en supplie ! »
Il sursaute, s’agite. « Mais qui êtes vous, qu’est-ce que vous me voulez ?
- chut, c’est moi, Nassimah, je…
- Nassimah ? C’est vrai, c’est toi ? Mais qu’est-ce que c’est que cet accoutrement ? Tu veux rejoindre la liste à Besancenot?
- Non, mais j’en peux plus qu’on me siffle dans la rue, j’en prends plein la tête en ce moment, s’il te plaît, emmène-moi à Paris, j’ai besoin de voir Nicolas !
- Nicolas, que…
- Oui, Sarkozy, il faut absolument que tu m’aides à le rencontrer !
- Mais qu’est-ce que tu racontes, je ne vais pas voir le président ! Tu peux bien y aller toute seule, et puis là où je vais tu n’es pas invitée.
- Justement je veux y aller avec toi. Ils me connaissent dans les associations, tu sais, je pourrais t’aider, j’ai besoin qu’ils me voient, sous un nouvel angle tu comprends, et puis avec toi ce sera différent, ce sera…
- Hors de question, je n’ai aucunement besoin de ton aide, surtout pas dans cette tenue…
- Qu’est-ce que tu crois, que je vais passer la douane comme ça ? Dès que tu me dis oui je me découvre. Allez, emmène moi, j’ai réservé une suite au Crillon, je ferais tout ce que tu veux… Et puis… j’ai les moyens de remonter la pente : je sais qui est le père de l’enfant de Rachida Dati !
- Ah ah ! Tu débarques, ma pauvre, personne ne te croira ! Ah ! tiens, bonsoir Jacqueline ! »
En effet, Jacqueline Farreyol vient d’arriver devant les portes de l’aéroport. Elle fait une bise appuyée à Robert. Et puis louche bizarrement vers la femme voilée. « C’est qui celle là ?
- C’est Nassimah, elle pète les plombs…
- Nassimah ! Tu l’as invitée ?
- Non, je ne suis pas invitée, et pour cause, c’est à ta place que je devrais être, tu n’as rien à faire ici espèce de… (ici la décence ne nous permet pas de divulguer les paroles de Nassimah… à la fin, elle tient la main de Didier, elle est à genoux) Allez, je t’en prie, Didier, laisse-moi te suppléer !
- Bon maintenant ça suffit, viens Jacqueline on y va, (il se dirige vers l’enregistrement) et toi, si tu veux aller à Paris, paye toi un billet comme tout le monde !
- C’est ça, ouais, allez-y, nous on se voit vendredi pour la Sematra, et à propos de billets tu vas voir ce que tu vas voir !
- Ah ! la Sematra, j’avais oublié ! (il revient un instant vers elle), ben justement, tu vas voir la Sematra, j’ai bien fait de reculer la réunion du conseil, tiens, ça me donne des idées… (il s’approche d’elle) Tu sais ce qui n’ira jamais avec toi Nassimah ? C’est qu’il y aura toujours un gros navion entre nous. »

Fin de l’épisode

[Arthur]


*voir comment zinfos en a fait la pub et comment le pirate en a douté (ici)


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