Alors que la presse française oscille entre controverses parisiano-bruxelloises, réforme des retraites, procès d’un ancien président de la République, rebonds de l’affaire Bettencourt, élucubrations sans fin sur un prochain remaniement annoncé mais toujours pas en vue, deux hebdomadaires anglo-saxons influents, l’un anglais, l’autre américain, titrent sur le président français, l’un sur son « rétrécissement » (comprendre « affaiblissement »), l’autre sur son « extrémisme ».
Le premier à tirer à boulets rouges sur notre Omniprésident est l’hebdomadaire The Economist. Libéral au sens historique du terme – économiquement à droite, plutôt « permissif » sur les questions de société (le mariage des homosexuels par exemple), il est devenu de facto la bible des soi-disant « décideurs ».
Le journal avait voté les yeux fermés Nicolas Sarkozy en 2007 - ce dernier a pour habitude de toujours prendre position pour un candidat à la veille d’élections dans des pays « majeurs » – arguant que ce dernier était le seul candidat à à présenter un programme crédible et à pouvoir réformer la France. Sur une couverture restée célèbre, l’hebdo avait même titré : « Ce dont la France a besoin », juxtaposant les deux silhouettes de Sarkozy et de Thatcher. Ce qui équivalait à une déclaration d’amour enflammée quand on connaît les positions de l’hebdomadaire.
L’amour ne dure que 3 ans, paraît-il. Cela semble être aussi vrai pour la relation entre la bible des patrons et le roitelet du bling-bling, qui reverrait d’être aussi riche qu’eux. Et l’hebdomadaire semble revenir de sa comparaison entre la Dame de Fer et l’Homme aux Talonnettes.
Ainsi, dans un numéro de début septembre, The Economist représente Sarko sous la forme d’un bicorne et de deux talonnettes, à côté d’une Carla rayonnante, toute de Dior vêtue, comme sortant d’un thé avec la Reine.
On notera le sens de la concision de nos voisins d’outre-Manche et leur humour tout « anglais ». Ici, mieux que dans un long discours, tout est dit : les dérives bonapartistes du président (le bicorne), la « réduction » de ce dernier et le sentiment que donne Sarko de ne plus « être à la hauteur », ou tout le moins tout juste à la hauteur de ses résultats déplorables dans les sondages, l’ego (le bicorne réminiscence de Bonaparte) atrophié, par rapport à ses réalisations (son corps), et enfin, Carla, notre first-Lady nationale, qui s’était mise en tête de conquérir l’Angleterre – ce que personne ne fit depuis des siècles ! – par ses tenues, son style, ses formes.
Autant dire que si la France titra que Carla avait conquis un statut de Reine, les journaux anglais furent bien moins tendres avec notre mondaine intrigante, soulignant son arrivisme et se gaussant de ses dons de caméléon, qui lui permirent de se passser, du jour au lendemain, de mangeuse d’hommes en épouse fidèle, d’égérie de la Gauche Caviar en femme d’un des présidents flirtant le plus à droite de la Ve République.
Mais de ces calomnies, The Economist n’a cure, et recentre le débat sur les réalisations politiques de son mari. Et les articles (un éditorial et un article de fond) consacrés au président sont encore plus assassins que la couverture.
La première phrase de l’éditorial est cinglante :
Il semble que les ambitions réformatrices de Nicolas Sarkozy aient fondu avec ses scores dans les sondages.
Le reste est à l’amiable :
Au mieux, M. Sarkozy est un politicien exaltant, au pire, un opportuniste sans complexe qui tourne en fonction du vent.
Avec ses contradictions, difficile de savoir ce qu’il veut réellement, pour peu qu’il le sache lui-même.
Vient enfin un tableau apocalyptique de la société française, digne des pires Cassandre sécuritaires de l’UMP, signant selon l’hebdomadaire l’échec des réformes de Sarkozy :
Aucun gouvernement français n’a voté de budget à l’équilibre depuis 30 ans. Les jeunes restent sans emploi, à cause de règles et de coûts excessifs qui freinent la création d’emplois par le secteur privé. Les banlieues, situées à la à la périphérie des villes et majoritairement peuplées d’immigrés sont minées par le chômage, la violence et un désir de revanche. Les atouts qui ont protégé la France du pire de la récession se transforment maintenant en inconvénients pour profiter pleinement de la reprise.
Sur l’image de la France plus spécifiquement, l’hebdomadaire a réitéré ses critiques dans un article intitulé : « La France contre le monde » (article original en anglais), notant les dommages collatéraux à l’image de la France qu’avaient occasionnés le virage sécuritaire et l’obsession anti-Roms de Nicolas Sarkozy cet été. Là encore, l’hebdomadaire ne mâche pas ces mots :
Cette semaine à l’Elysée, on était en mode « contrôle des dommages collatéraux », et l’on tentait de redonner du lustre à l’image du président, ternie après les violentes critiques suite à sa politique d’expulsions de Roms. Dans un discours solennel (à l’ONU), Nicolas Sarkozy a promis de faire plus pour la lutte contre le SIDA (…). Il s’est assuré d’une séance photo avec Angela Merkel après des échanges peu diplomatiques avec cette dernière à Bruxelles. Même Carla, sa femme, fut de l’offensive de charme, et joua sa partition au cours d’une interview sur CNN, en anglais.
L’article souligne ensuite la perte de prestige de la France sur la scène internationale, et les étranges priorités de Mr Sarkozy, semblant – à titre d’exemple – se préoccuper plus du sort des Roms que de la paix au Moyen-Orient.
L’article se conclut sur une sombre note, supputant que l’approche l’échéance de 2012 n’apportera certainement pas d’infléchissement de la politique sécuritaire du président, tout à sa tentative de captation de voix d’extrême-droite.
Dans la livraison à paraître la semaine prochaine, c’est Newsweek, autre hebdomadaire influent, cette fois-ci américain, qui illustre la montée de l’extrême-droite en Europe par un portrait de …Sarkozy, titrant sur « Sarkozy et la Droite dure ».
Moins subtils que nos amis anglais – privilège de la « Vieille Europe » ? Mais inquiétant sur ce que la politique de Sarkozy donne à voir de la France.
Voilà, tout est dit. Un hebdomadaire titrant sur « un président raccourci », intitulant un article « la France contre le Monde » suite à la politique d’exclusion des Roms et la violente querelle lors du sommet des 27 à Bruxelles. Et une autre couverture d’un autre magazine attribuant directement au président de la République française à la montée de l’extrême-droite en Europe…
Si Sarko n’a pas réussi à kärcheriser les banlieues (ni à tenir nombre de promesses électorales…), il est bien une chose qu’il ait réussi à kärcheriser, c’est l’image internationale de la France.
Un président rétréci, vous avez dit ? Maintenant, c’est le pays tout entier qui est rétréci, ou pour être plus clair, à la hauteur de son président.