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Comme on y va

Par Balder

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Il reste des traces de la nuit dernière, des fragments de choses amassés dans un panier que Coover n'aurait pas laisser sur le bord de la route. Comme on y va, sans direction particulière, avec juste vrillé à la boussole, une tangente vers le nord, un caillou posé dans le bruit de l'écume, quelques rayons abrégés dans le ventre d'un ciel profond et bas. Vous pensez à cette photo, où l'on aimerait que William Gibson lève la tête sous les câbles de Chinatown. Il ne le fera pas parce que la route-rue est encore trop étroite pour y voir quoi que ce soit. Il ne ferait qu'alourdir de trop l'opacité et l'opacité doit rester cette parcelle fragile de l'inconnu qui nous maintient en marche, toujours en marche pour découvrir cet endroit qui se dédouble. Celui que l'on porte  et celui vers lequel on va. Comme on y va, en marchant, en riant, en chantant, en pleurant, en écrivant peu importe, il est là, il respire et aspire, vortex irisé, champ magnétique offert aux instincts reptiliens. Depuis lequel, follicule ouvert, fructifiant l'incendie de nos découvertes, nous repeuplons le monde de nos ellipses par de nouveaux enchantements. En regardant droit dans les yeux de la vieille Europe, parmi les premiers signes, les échanges secrets avec la multitude, la réciprocité d'un catalogue séculaire alignant ses outils, sur la planche des possibles. Une dune vous observe et vous invite à vous perdre dans le chemin de ses grains à l'identité fuyante et liquide entre les doigts de pierres levées en cercle, tendus de craie grasse aux accents de charbon. L'informe est a portée de vue. Sous les tuteurs d'un enclos griffant de vieux bois la terre artificielle, humus de granit et de laitue de mer, se prolonge une histoire qu'il faut faire avancer. Chemiser encore quelques coquilles, enrober les naufrages d'essences inexplorées, remonter dents de scie les montagnes cuisantes et leurs robes d'aciers. Comme on y va, c'est pas pour rien, mais bel et bien pour quelque chose. Au début c'est pareil à des traces que l'on aurait gravées dans le temps d'avant, sous l'asile d'une autre peau et que l'on cherche à force de reviviscence à retrouver sur les versants microcosmes d'un exil en brindilles. Palper du coin de l'oeil la douceur insolite d'une nymphe en chemin qui balade son zénith dans un carrosse de paille, les yeux polis par la réverbération de l'insolite. Nouvelle scène d'un décor aux images sans cesse réinventer, par la couleur des petites choses, et l'infalsifiable lumière des petits riens. D'un air de déjà vu aux attraits convulsifs de l'irrationnel s'évade en contrepoints la perspective nébuleuse du ventre d'une muraille, habillé de cristaux de dentelles découpés en plein ciel. Comme on y va, vêtu de nos énigmes, on en revient enjoué par de nouvelles questions, dérobant leurs ouvrages aux abstractions célestes, piquantes de la rengaine des insuffisances langagières elles dévient doucement du chemin de l'interprétation pour parfaire leurs mystères dans l'absorption des sens. Défiant quiconque d'être apte à traduire par des mots la brume de leurs contours, laissant place à ce vide fait de tout les possibles, pareil à une demie Véronique figeant le monde dans l'écrin d'un instant où l'oeil en apparence, crut y voir. Les pieds avancent ouverts et sensibles aux battements de cils des paupières terrestres, courant derrière le vieux monde pour en retenir les ruisseaux, arpentant les dédales mégalithiques dans un drakkar intemporel, comme on y va, avec à la bouche déjà, l'envie perméable d'y revenir, on y retourne sans attendre, armant de vide un nouveau curragh, taillant des rames dans l'abandon. Comme on y va sans y prendre garde pour qu'il arrive enfin, quelque chose.

Balder


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