Magazine Voyages
Sans rapport aucun avec l’actualité (vous pensez...), ce délicieux passage d’Elisabeth Jacquet, in « Dans ma maison (Notre catalogue) », paru chez Melville (Editions Léo Scheer) : « Elle aimait visiter les musées, traverser les châteaux où les rois et les reines avaient vécu. Elle aimait voir les costumes, taffetas et dentelles, grands manteaux de soie mauve, blanches étoles, les meubles, les salons, mais surtout les chambres reconstituées, avec les lits toujours chargés de gros édredons rouge et or, les coiffeuses, les boudoirs aussi, où les reines entourées d'amies, bruissantes dans leurs étoffes, goûtaient à petites gorgées un thé doux fumant encore dans des tasses de porcelaine si fines qu'elles menaçaient parfois d'éclater comme sous l'effet d'un sortilège, ou bien se confiaient à leur suivante, leurs visages poudrés, leur mouche noire délicatement posée en haut d'une pommette, au-dessus de leurs lèvres ourlées, leur belles coiffures blanches, et par la fenêtre on voyait toujours de magnifiques jardins à travers lesquels les rois et les reines se promenaient, laissant tomber des mouchoirs légers comme les ailes des papillons, des mots doux, et dans les allées de buissons, des princes et des chevaliers s'agenouillaient devant des marquises, embrassaient leurs mains, ou bien leurs cous et leurs décolletés, leurs gorges qui palpitaient dans les corsets trop serrés, et leurs rires se mêlaient au pépiement des oiseaux et revenaient jusqu'à elle, lui causant une sensation délicieuse à laquelle se mêlait pourtant le léger pincement d'une anxiété troublée, alors elle se demandait qui faisait l'Histoire, si c'était l'ensemble des humains que représentaient quelques personnes, ou seulement quelques personnes et alors le reste des humains était oublié. »