Réserve d’interprétation sur le droit au recours contre l’amende forfaitaire applicable à certaines infractions routières
par Serge SLAMA
Saisi par le Conseil d’Etat (CE, 9 juillet 2010, n° 339261, Jean-Yves G.), d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 529-10 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel valide cette disposition en formulant une réserve d’interprétation visant à assurer le respect du droit à un recours juridictionnel effectif. Cette disposition, applicable à certaines infractions routières, dont les excès de vitesse, fixe les conditions de recevabilité communes à la requête en exonération contre une amende forfaitaire et à la réclamation contre une amende forfaitaire majorée, en prévoyant que le titulaire du certificat d’immatriculation de véhicule doit consigner le paiement de ces amendes. Ce faisant le législateur a, en juin 2003, assurément durci le dispositif qui avait été préalablement examiné par le Conseil (CC n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs).
Afin d’assurer le respect du droit au recours effectif et de l’article 16 de la DDHC, le Conseil constitutionnel estime donc que la décision du ministère public déclarant irrecevable la réclamation doit pouvoir être contestée devant la juridiction de proximité. Il en va de même de sa décision déclarant irrecevable une requête en exonération « lorsque cette décision a pour effet de convertir la somme consignée en paiement de l’amende forfaitaire » (cons. 7). Si la Cour de cassation avait déjà jugé que la décision d’irrecevabilité du ministère public pouvait être contestée devant le juge de proximité (Cass. crim. 29 mai 2002, n° 01-87396 ; Cass. crim. Avis du 5 mars 2007, n° 00-7000.4P), ce n’était pas le cas lorsque le requérant forme une réclamation contre une amende forfaitaire majorée. La réserve d’interprétation vise donc à couvrir les deux hypothèses d’irrecevabilité (voir les explications détaillés des Cahiers du Conseil constitutionnel, pp. 7-9). Dans une situation comparable, la Cour européenne a déjà condamné la France pour atteinte au droit d’accès à un tribunal dans une affaire datant d’avant l’institution de l’obligation de consignation (CEDH, 2ème section, 21 mai 2002, Peltier c. France, n° 32872/96).
Par ailleurs, si le Conseil constitutionnel n’a jamais statué sur la question de la consignation préalable à la saisine d’une juridiction; la Cour de Strasbourg a déjà jugé « légitime le but poursuivi par cette obligation de consignation : prévenir l’exercice de recours dilatoires et abusifs et éviter l’encombrement excessif du rôle du tribunal de police, dans le domaine de la circulation routière qui concerne l’ensemble de la population et se prête à des contestations fréquentes » (CEDH, 5ème section, déc. du 29 avril 2008, Alix Thomas c. France, n° 14279/05 ; CEDH, 5ème section, déc. du 13 novembre 2008, Monte da Fonte c France, n° 0294/06 et du 30 juin 2009, Florence Schneider c. France, n° 49852/06).
CC, n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, M. Jean-Yves G. [conformité sous réserve]