Une petite appréhension nous saisit en arrivant enfin à Calcutta : nous voici dans la ville où les gens vivent dans des bidonvilles et meurent sur les trottoirs. Déjà, dans la gare, je scrute l’enchevêtrement des corps allongés sur le sol, recroquevillés dans la position du fœtus, les enfants qui dorment la bouche ouverte, serrés contre leur mère ; sont-ils vivants ? Respirent-ils ? Parmi tous ces démunis qui habitent la gare, il doit bien y avoir un mort ?Le taxi qui nous emmène passe au-dessus de bidonvilles. Je ferme la vitre pour me protéger de la puanteur qui monte d’un bourbier où vivent des milliers de miséreux.Nous trouvons notre havre de paix sur Sudder Street, à l'hôtel Fairlawn, juste en face de l’Armée du Salut dont les dortoirs accueillent de nombreux routards fauchés.
Le Fairlawn, complètement enfoui sous la végétation de son jardin, est une maison coloniale tenue par un vieux couple d’Anglais qui a préféré rester en Inde après l’indépendance. Nous voyons souvent leur vieille bonne indienne promener en laisse leur caniche blanc, et le rafraîchir de son éventail !Colonnade verte, ventilos au plafond, murs décorés de photos de la Royal Family, d’articles de presse, de plans de ville ; pension complète obligatoire comprenant le five o’clock tea, horaires stricts, serveurs en habits, gants blancs troués et turbans jaunes. Le rétro s’avère très agréable au Fairlawn.Et je ne vous parle pas de la chambre avec ses vieux livres, ses animaux en porcelaine ébréchée, ses rideaux à petites fleurs et ses meubles de cinquante ans qui ont déjà connu plusieurs couches de peinture.
Nous consacrons notre première visite à l’Indian Museum, au milieu de la foule du dimanche. Malgré les explications du guichetier, la salle des miniatures mogholes est introuvable, mais il nous reste les bronzes, les bouddhas ainsi que le spectacle des centaines de familles indiennes qui viennent arpenter les salles du musée au pas de course.C’est la Promenade des Anglais !
Buste et maison de Tagore