« le sarkozysme c’est l’art de résoudre des problèmes qu’on aurait pas eu sans le sarkozysme » – E. Todd – 21 septembre 2010
L’antisarkozysme est primaire. Imparablement. Une réaction épidermique d’une faction d’ignares qui, au-delà de toutes contingences argumentaires, exècrent un homme pour ce qu’il est. De la haine pure. De la colère brute. Celle qui fait basculer un état de droit dans la sauvagerie du règlement de compte. Revue de détails et extraits de vaticinations.
Affliction antisarkozyste
Cela a commencé au début du mois de septembre. Après l’apnée estivale, la claustrophobie grenobloise, au moment où les Français rentrés à bon port reprennent le chemin du turbin, du petit noir et du quotidien salissant jeté sur le zinc. Au moment où l’internaute reprend sa quête d’informations en flux sur un monde forcement chambardé. Imperceptiblement d’abord sur un site d’information en ligne, rue 89, point une diatribe contre les contempteurs du monde tel qu’il va. Foin de l’agonie iséroise, le président, notre président, ne serait pas pire que ses prédécesseurs. La mode s’attife de la contestation, un habillage de conventions pour le tout-venant de la pensée, un minimum pour la raison afin de participer au grand carnaval. Celui donné aux airs de l’antisarkozysme. Un tropisme que peuplent les imbéciles. Ils n’ont pas vu ou pu percevoir compte tenu d’une bassesse frontale appuyée que le Président, notre Président n’avait en réalité rien de spécial. Rien de plus, rien de moins qu’un autre. Un type élu qui fait son job presque vulgairement.
Dans les filets du net
Le cran supérieur. Mi-septembre, A. Duhamel concocte un édito dont il a l’immense secret. Une pièce tout en retenue, dont lui, l’homme media, père du journalisme déjà là au temps glorieux de l’ORTF a ciselé chaque phrase pour ériger un monument du commentaire politique. On peut y lire : “Avec N. Sarkozy, il s’agit cependant d’autre chose : le chef de l’État cristallise contre lui une véritable haine personnelle qui submerge Internet, inonde la presse quasi tout entière”. Les mots lâchés, une des cibles identifiée : Internet. A. Duhamel n’en est pas à sa première escarmouche. Les rivages lointains du web, ses peuplades farouches lui sont étrangères, ennemies. Contrées sauvages où se plaint-il le 1er octobre sur les ondes radiophoniques, il y a “des appels au meurtre visant le Président”. A Minc défriche déjà le sentier quelques semaines plus tôt en lançant “Grâce à Internet, c’est la première fois que l’on voit la société à l’état brut. Sans la mince couche de civilisation qui fait que les relations humaines restent correctes”. Les Don Quichotte moulinent à tour de bras, épée de bois au clair, pour pourfendre l’espace numérique. Incapables d’y remuer autre chose que le vide.
On s’invente alors des artefacts pour servir la riposte. Dernier avatar, la “gauchosphère”, objet virtuel dont on attend toujours la définition précise, mais surtout la composition. Sujet qui donne le tournis au gouvernement dit-on, et met en branle les “geeks” de la droite. On veut rejouer l’ordre et la vérité contre la jacquerie et le mensonge populiste. On veut surtout s’inventer une raison d’exister.
A la télévision…
Loin de la toile, c’est aussi sur les plateaux de télévision que se libère la timide parole anti antisarkozyste. J. Attali en bon sherpa présidentiel tance E. Todd. Un peu trop virulent à l’endroit de notre éminente figure nationale. L’écrivain s’indigne un brin courroucé “N’exagérez pas, vous parlez du président de la République, il y a des limites quand même !”. Accompagné par le geste d’un frénétique hochement d’A. Verdier-Molinié, économiste plutôt Thatcherienne. Le démographe l’affublera de “pensée molle”… La scène se déroule chez F. Taddeï, on y devisait de xénophobie, de relations internationales et d’image de l’hexagone. Peut-être, un peu ce qui fait la France du Président de 2010. Peut-être.
… et finalement dans la presse écrite
L’Express consacre une couverture et un dossier complet intitulé “Pourquoi il suscite la haine” (sans point d’interrogation). L’hebdomadaire connait la source de la sarkophobie. Rien de politique. Seulement les effets indésirables de l’hyperprésidentialisation. Une broutille donc, qui n’a rien à voir avec le projet qu’il incarne. On y apprend grâce à F. Louvrier, conseiller en communication de l’Elysée : “Il ne faut pas se voiler la face. Quand on dit de N. Sarkozy qu’il est proche des riches, proaméricain, et qu’on le compare à Madoff, cela réveille chez certains des relents d’antisémitisme.” Rien que ça. La nauséabonde haine aveugle extirpée du sombre passé collaborationniste. Enfin, c’est B. Hortefeux qui résumera la situation “Le président a le sentiment, justifié, d’être assiégé”.
Laisser croire à une opposition névrotique, en partie terrée sur le web comporte des avantages. En particulier pour caricaturer. À l’image de la “gauchosphère”, de l’Internet, l’antisarkozysme est un autre partenaire imaginaire qui permet de fuir une réalité indomptable.
Alors, les A. Duhamel, A. Minc, J. Attali appellent à la retenue dans la critique. Ils ne voient pas que derrière ces simulacres, il y a peut-être des citoyens, sirotant un café au zinc et commentant le monde tel qu’il va, et qui ont une idée assez claire de ce qu’est l’exercice du pouvoir. Ou peut-être aussi de ce qu’il ne doit pas être. Des citoyens qui ne pensent pas comme A. Duhamel, chroniqueur du journal Libération qui conclue sa raillerie contre les antisarkozystes ainsi : “Du coup, il (N. Sarkozy) souligne ses erreurs et il escamote ses succès au détriment de son image, de son pouvoir et de son rôle. Même si les médias, la presse et ses adversaires ne sont pas eux-mêmes en retard ni d’une croisade, ni d’une attaque ad hominem”. Le président, notre président, peut alors être rassuré. Dans ce pays des gens l’aiment encore.
Vogelsong – 2 octobre 2010 – Paris