Qui dit que la vie n’a pas de sens ? Elle fonce du présent vers l’avenir.
Elle est une flèche dont l’arc est une matrice et la cible un grand rien.
Rien, en amour, n’atteint la hauteur, le raffinement des sentiments privés d’issue.
L’Homme est encore beaucoup trop esclave de ses appétits de sexe et de pouvoir pour s’autoriser à se sentir si différencié de l’animal !
Un monde individualiste, n’est-ce pas un monde d’intolérance exacerbée ?
Tais-toi…rases les murs…si tu ne veux pas te heurter à l’intolérance !
Les gens sont doués pour commettre des actes…mais beaucoup moins pour réfléchir à leurs conséquences et – surtout – pour les assumer.
Le monde, complexe, ambigu, ne se dévoile jamais vraiment.
Il répugne souvent à se plier aux cadres que notre esprit lui applique.
Rien n’est jamais, ni dans le réel, ni dans la vie, aussi tranché, aussi borné, aussi clair que nous désirerions qu’il le soit.
Le pouvoir et le sentiment de sa propre importance rassurent toujours l’Homme.
L’esprit du poète est un esprit « égaré » dans le sens qu’il est sollicité sans cesse et comme aspiré par la profondeur des détails les plus infimes et les plus insignifiants.
Il y plonge comme un oiseau-mouche peut plonger dans un calice.
Jeunes et personnes mûres ou âgées n’ont pas le même rapport au temps. Leurs perceptions de ce dernier sont radicalement différentes.
Les jeunes ont en eux un élan, qui voudrait tout accélérer. C’est leur énergie qui les porte.
Ils piaffent, ils brûlent de faire leurs preuves, de trouver leur place dans le monde
Ils se lancent à corps perdu, à fond de train dans le flux de la vie, car ils ne ressentent pas encore son pouvoir d’usure sournoise.
Et puis un beau jour, nombres d’années plus tard, las, vannés, ils découvrent, avec stupeur, amertume, qu’ils ne sont plus jeunes, qu’ils sont fatigués et calmés, rendus plus « sages » par leur fatigue.
Leur élan vers l’avenir ouvert s’est ratatiné, comme par enchantement, sans même qu’ils s’en aperçoivent, en temps désormais compté, en perception de leur horizon final, ultime. Plus moyen, à ce stade, de s’accrocher à l’illusion d’ « éternité », de plénitude.
C’est principalement l’âge qui, je pense, donne à l’Homme la conscience d’être mortel.
Certes, il lui confère aussi l’expérience d’une certaine forme de sagesse. Mais c’est au prix de sa vigueur, de son allant, de sa force de vie.
Le « conflit » qui oppose « jeunes » et « vieux » est un conflit de perceptions.
Comme quoi la perception est, toujours, quelque chose qui vous emprisonne.
La vérité n’est jamais simple…ou bien alors, c’est qu’elle n’est jamais vraie que partiellement.
Les vieilles gens qui remâchent leur passé, cela peut nous paraître assommant.
Nous déclarons qu’elles « radotent », mais, à tout prendre, est-ce vraiment si sûr ?
Ne s’y raccrochent-elles pas parce que, désormais, pour elles, le temps manque, se hâte trop vite ? Parce que leur horloge interne ne sait plus leur parler d’avenir ?
Comme, sur une pente abrupte, quelqu’un qui chute en compagnie des éboulis se saisirait désespérément de la première racine venue ?
Peut-on jamais dire (écrire) pleinement ?
Peut-on jamais faire autre chose, en dernier ressort, que suggérer ?
Quel dommage que l’artiste soit si souvent un être dévoré par le besoin de reconnaissance personnel, si centré sur lui-même, si enclin à jouer les divas et, pour finir, tellement ombrageux à l’égard de ses pareils !
« Il faut le voir pour le croire »…mais ne faut-il pas aussi, dans une certaine mesure, le croire pour le voir ?
P.Laranco