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De la rentrée littéraire, "Orphée décapité" de Anne Malherbe

Publié le 04 octobre 2010 par Isaac_paris

Cette rentrée littéraire 2010 ressemble follement aux précédentes. Plus de 700 romans et plus de 200 nouvelles sont publiés. Des stars de l'édition comme Houellebecq ou Amélie Nothomb assurent leur fonction de blockbusters des ventes.
Alors ? Alors pour de la fraîcheur, on se tourne vers une maison d'édition qui renait de ses cendres : les nouvelles éditions Scala. Celle-ci crée l'évènement dans le milieu de l'art en proposant à des grands noms de la presse, du milieu universitaire et du monde des curateurs de publier des fictions autour d'un grand artiste et de l'idée de la vie dans son atelier.
Voilà bien un bien singulier concept me direz-vous !
Pour pimenter le tout, les nouvelles éditions Scala ont demandé à Nadeige Laneyrie-Dagen de diriger cette collection. Pour les boétiens, Madame Dagen enseigne l'histoire à l'Ecole Normale Supérieure. Elle a publié l'un des succès de l'année 2009 avec ses "Détails vus au Louvre" aux éditions de La Martinière. Bref, ça envoie du bois. Madame la directrice de collection a donc sélectionné trois auteurs pour les premières publications qui sont en vente dans toutes les bonnes librairies depuis le 30 Septembre.
Pierre Wat, Anne Malherbe et Philippe Dagen (il aurait pas eu un piston ?).
Pierre Wat, professeur d'histoire de l'art à Paris-1 est un spécialiste du romantisme et auteur d'un Turner très remarqué. Il publie ici "Les Nymphéa, la nuit" mettant en scène Monet.
Philippe Dagen, professeur d'histoire de l'art à Paris-1 est un ogre. Figure hyper respectée (et crainte) de la scène intellectuelle parisienne, le monsieur tient la rubrique du Monde depuis plus de vingt ans. Boum. Il publie ici "L'australien" autour de Gauguin.
Et la benjamine, Anne Malherbe. Normalienne, curatrice remarquée, elle collabore depuis plus de 4 ans à artpress, la très respectée revue dirigée par Catherine Millet. Anne Malherbe est directrice de collection auprès de la maison d'édition Ides et Callendes et est l'auteur de plusieurs monographies et essais.
Orphée décapité, donc. Premier récit romanesque de la demoiselle. Qui nous plonge au coeur du Paris du second empire. Un récit qui met en scène Gustave Moreau, aux prises avec la création de son Orphée, aux prises avec la modernité naissante, aux prises avec lui-même et avec deux femmes qui trouvent dans son atelier un magnifique champ de bataille. Le livre est très réussi. suspendu hors du temps, hors des modes. La Malherbe se joue des conventions, des habitudes des lecteurs du XXIe siècle et en amoureuse de Gracq, de Proust et de la belle langue, elle balance une prose en apesanteur. Magnifique écrin à une intrique tout en retenue. Une intrigue qu'on pourrait croire désuète mais qui est véneineuse à souhait et légère à légère à la fois.
Et la jeune auteure s'empare du récit pour faire partager son amour de Paris, en nous prenant par la main et en guidant le lecteur à Belleville, aux Jardins des plantes, dans la nouvelle Athènes. Un Paris en pleine mutation, comme l'art de cette seconde moitiée du XIXe siècle. Et l'auteure ne se prive d'ailleurs pas d'émailler son récit de réflexions passionnantes sur ces mutations et sur le sens de celles-ci.
Bref, c'est beau. C'est cultivé. C'est intelligent. C'est psychanalitique. Une Arthur Schnitzler version 2010.
nm.

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