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« Je veux contribuer à l'insurrection des consciences dont l'Occident a besoin »

Publié le 04 octobre 2010 par Tanjaawi

Jean Ziegler est un révolté. Rapporteur spécial auprès des Nations Unies pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, aujourd’hui membre du comité consultatif du Conseil des Droits de l’Homme, il vient de publier « La Haine de l’occident ». Un essai qui analyse les revendications des pays du Sud, fatigués d’être dominés et exploités par les pays du Nord. Avec son franc-parler habituel, Jean Ziegler invite à une remise en question radicale de ce qu’il nomme « l’obscurantisme néolibéral ».

Pour Jean Ziegler, auteur de « La Haine de l’occident », publié en octobre 2008 chez Albin Michel, c’est la mémoire blessée des pays du Sud qui alimente leur ressentiment vis à vis des pays du Nord. Alimentée par une histoire faîte de dominations successives (la conquête, l’esclavage et le commerce triangulaire, le colonialisme ), cette haine de l’Occident est renforcée par le système capitaliste actuel. Dans l’entretien en images qui suit, Jean Ziegler évoque de nouvelles perspectives pour les pays du Sud : une résurgence mémorielle qui se transforme en force sociale et politique, des changements politiques profonds en Amérique Latine, des alliances nouvelles entre pays du Sud, l’émergence et le renforcement d’une société civile internationale.

Basta ! : Vous parlez dans votre ouvrage de la schizophrénie de l’Occident. L’Union Européenne défend par exemple le droit à l’alimentation tout en organisant par ailleurs le dumping des produits agricoles par ses subventions à l’exportation. La crise que nous connaissons actuellement a montré la capacité à mobiliser des milliards d’euros pour sauver des banques, alors que l’argent manque quand il s’agit de résoudre le problème de la faim. Est-ce que cette crise ne contribue pas à mettre en évidence l’hypocrisie de l’Occident, et à affaiblir ainsi encore davantage sa crédibilité auprès des pays du Sud ?

> Le dernier rapport de la FAO, qui date de novembre 2008 montre une augmentation du nombre d’êtres humains qui meurent de faim ou sont gravement sous-alimentés. Ils sont actuellement près d’un milliard. On a l’impression que, dans nos sociétés, ces chiffres ne font plus réagir. Qu’est-ce qui, aujourd’hui, peut encore susciter l’indignation ?

> Face à ces constats, que faire ? Vous avez dit que vous ne croyez pas à « la conversion des puissants ». Du 27 janvier au 1er février 2009 se déroule à Bélem au Brésil un Forum Social Mondial. Que peut-on en attendre ? D’où peut venir le changement selon vous ?

> Vous citez dans votre ouvrage l’exemple de la Bolivie, qui illustre la possibilité de changements profonds dans le système actuel. Vous évoquez également la résurgence depuis 2006 du Mouvement des non-alignés, qui a aujourd’hui la capacité de peser sur les décisions internationales. Ces évolutions peuvent-elles permettre de dépasser les blocages liés à cette haine de l’occident et à ces questions mémorielles, notamment dans le fonctionnement des Nations Unies ?

> Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation auprès des Nations Unies, aujourd’hui membre du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, vous êtes un infatigable défenseur des peuples opprimés. Vous développez une profonde critique du capitalisme et de « l’extraordinaire aveuglement » de l’Occident. Malgré les crises multiples et la détérioration de la situation, qu’est-ce qui vous anime encore aujourd’hui et vous fait espérer que d’autres mondes sont possibles ?

Recueilli par Agnès Rousseaux
Réalisé par Alexandro Rosinha


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