Lundi, il est parti à Bruxelles, non pas pour se faire houspiller sur sa politique migratoire ou ses expulsions de roms, mais pour un sommet, le 8ème du genre, entre l'Europe et l'Asie. Nicolas Sarkozy veut croire qu'il a encore une carte à jouer, loin de France, pour redresser son image désastreuse en France. En métropole, il a laissé un quarteron de fidèles défendre sa réforme des retraites ; Borloo se voit déjà premier ministre. Eric Besson masque ses mesquineries.
A Bruxelles, Sarkozy radote
A Bruxelles, Sarkozy s'est exprimé devant un parterre de représentants des principaux pays d'Europe et d'Asie. Il n'avait que quelques minutes, pour un micro-discours, évidemment relayé sur le site de l'Elysée.
Il faut toujours lire ou écouter Nicolas Sarkozy quand il parle à l'étranger. Il dit souvent le contraire de ce qu'il dit en France. Comme ce lundi, où, évoquant une nième fois supplémentaire, la crise mondiale débutée en 2008, « regardons la situation telle qu'elle est : nous n'avons rien changé structurellement.» A l'étranger, dans les tribunes internationales, Sarkozy répète inlassablement les mêmes couplets, enfonce toujours les mêmes portes ouvertes, sans rien ne change ni que lui-même y mette une quelconque volonté réformatrice quand il revient au pays : la régulation monétaire (« Nous vivons sur la fiction de Bretton Woods, où il y avait une économie et une monnaie.»), « l'effrayante volatilité du prix des matières premières » ( « est-il acceptable qu'il existe des produits dérivés sur les matières premières sans que nous ne décidions rien ? » Mais qu'attend-t-il ?) et la gouvernance mondiale économique.
Sarkozy conclue sa courte intervention par une suggestion : les sommets devraient être préparés pour n'être que conclusifs, comme si les rencontres internationales n'étaient jamais assorties de négociations préalables en coulisses. Et il ajoute, sans rire ni gêne, « on peut se contenter d'une conférence téléphonique ou d'échanges de communiqués, ce qui évitera de dégrader notre bilan carbone...»
Pour se rendre dans l'Yonne, à moins de 250 kilomètres de Paris, jeudi dernier, Nicolas Sarkozy a usé d'un hélicoptère puis d'un jet. Et en fin de semaine, Sarkozy filera s'incliner devant Benoît XVI.
Retraites, la réforme incomplète
A Paris, le gouvernement a dû revoir sa copie. Il s'est planté dans ses prévisions de croissance économique. Elles ont été légèrement revues à la baisse (2% et non 2,5% l'an prochain), mais cela a suffi à déstabiliser l'équilibre de sa réforme des retraites. Rappelez-vous comment Eric Woerth insistait, en juin dernier après sa présentation : grâce à lui, les régimes des retraites allaient enfin être financés. Dès le 15 juin, l'affirmation était fausse. Dans le document gouvernemental, on pouvait déjà lire, explicitement, qu'un trou annuel de 15 milliards d'euros perdurait.
Ces dernières semaines, Fillon et Woerth avouaient à demi-mots qu'il faudrait prévoir une nouvelle réforme en 2018. Puis voici qu'à la lecture du budget 2011, on découvre que la situation a changé. En 2010, le déficit est inférieur aux attentes, de plus de 3 milliards d'euros : en juin, Woerth évoquait 32 milliards. Réactualisé, le déficit serait de 29 milliards finalement. Mais dès 2014, en revanche, l'actualisation des paramètres économiques conduit à une détérioration des prévisions. « En 2020, le déficit dépasserait 47 milliards, 2,3 milliards de plus qu'attendu » rapportent les Echos. Et l'UNEDIC ajoute que le recul de 60 à 62 ans de l'âge minimal de départ à la retraite devrait aggraver ses comptes de 530 millions d'euros par an à compter de 2017, à taux d'emploi des 60 ans inchangé.
Sur la réforme des retraites, cinq ministres et secrétaires d'Etat ont signé une tribune dans les colonnes du Monde. A la veille de son examen au Sénat, la loi sera sans doute adoptée sans grand changement majeur. Exaspérés, certaines organisations syndicales ont durci leurs actions : après le port de Marseille, voici la CGT de la RATP appelle désormais à une grève illimitée dès le 12 octobre.
Mais Nicolas Sarkozy a envoyé cinq fidèles, Eric Woerth, Nora Berra, Nathalie Kosciusko-Morizet, Nadine Morano et Georges Tron, défendre le projet sur l'une de ses injustices majeures, l'inégalité faite aux femmes. Pour Nicolas Sarkozy, l'enjeu est de taille : le futur candidat à sa propre réélection entend bien capitaliser sur cette réforme « difficile mais incontournable ». Or, le Président des Riches risque de laisser un sentiment d'amertume auprès du plus grand nombre. Il y a donc urgence à défendre qu'il n'y avait pas d'alternative.
Lundi, les 5 mousquetaires du sarkozysme vieillissant dénoncèrent 3 idées qu'ils juges reçues mais fausses: primo, les inégalités de retraites entre les hommes et les femmes seraient un sujet prochainement dépassé : « l'écart entre la retraite d'une femme et celle d'un homme s'est réduit de 25 points en vingt-cinq ans ». Secundo, « Les femmes ont maintenant des carrières d'une durée équivalente à celle des hommes. » Mais ils reconnaissent pourtant une statistique terrifiante et imparable : 22% des femmes partent à la retraite après 65 ans. Et 70% des bénéficiaires du minimum vieillesse sont des femmes... Tertio, l'âge de 67 ans ne serait pas l'âge de la retraite à taux plein, mais celui de l'âge de départ sans décote. Subtile nuance... Les 5 sarkosystes, comme leur patron, évitent soigneusement de rappeler que la réforme proposée allie les inconvénients d'âge tardif (62 et 67 ans) et d'une durée de cotisations hors normes en Europe : tous ceux nés après 1960 et entrés après l'âge de 25 ans sur le marché de l'emploi, devront travailler jusqu’à 67 ans.
Surtout, le gouvernement semble pris à son propre piège : il tente d'expliquer que le recul de la retraite sans décote, de 65 à 67 ans, ne pénalisera pas grand monde. Or, le même gouvernement justifie que cette même mesure représente ... un tiers des économies de la réforme, preuve, s'il en est, que ce recul aura une importance déterminante. Pour finir, les 5 mousquetaires de la Sarkofrance expliquent, comme Eric Woerth avant l'été, que « la retraite ne peut rattraper trente ans d'écart de salaire ». Comment gouvernement s'attèle-t-il à ces inégalités ? Avec la menace d'une sanction de 1% de leur masse salariale contre les entreprises récalcitrantes. Un petit pourcentage pour corriger un écart moyen de 19%...
Les affres du remaniement
Au final, ces 5 mousquetaires auront peut-être gagné quelque chose avec leur tribune : leur survie au gouvernement après le remaniement. D'autres membres du gouvernement prennent les devants : Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux Transports, a confirmé son départ. Jean-Louis Borloo, lui, s'y voit déjà. Il se « prépare » explique Jean-Michel Apathie. Il a changé sa coupe de cheveux, il soigne ses costumes. Il a même appelé certains conseillers de Fillon pour leur demander s'ils souhaitaient rester à Matignon après le remaniement. Il joue les écolos généreux jusqu'à la dernière minute. Il a ainsi annoncé le lancement prochain d'un appel d'offre pour le premier parc éolien maritimes, aux larges côtes françaises, d'ici 15 jours. Vendredi dernier, il était tout fier d'inaugurer le Salon de l'Automobile avec Nicolas Sarkozy. La voiture électrique, c'est son « bébé » comme il l'a confié la veille à un journaliste de France Soir.
Dans les coulisses, Borloo n'est pas avare de petites mesquineries, lui aussi.
Ses services ont ainsi décidé, dans la discrétion estivale, de fermer le musée de l'informatique et du jeu vidéo situé au sommet de la Grande Arche de la Défense. Les locaux appartiennent au ministère du Développement durable. Cinquante personnes y travaillaient, et le site accueillait 250 000 visiteurs par an. Interrogé par Rue89, le porte-parole de M. Borloo a expliqué que le ministère « entend recouvrer l'usage de ces locaux pour ses besoins propres » et « transformer le site en bureaux ». En fait, Jean-Louis Borloo souhaite récupérer les lieux pour organiser des réceptions, cocktails et conférences. Environ 17 millions d'euros seraient nécessaires au réaménagement du site.
Les petites mesquineries d'Eric Besson
Egalement dans la plus grande discrétion, Eric Besson a fortement augmenté les taxes dues par les immigrés au titre de la délivrance des titres de séjour en plein été. Le redressement des comptes publics exigeait-il un tel relèvement de 10 à 57% ? Quoiqu'il en soit, une circulaire du 28 juin 2010, publiée au Journal Officiel en application d'un décret d'Eric Besson du 24 juin précédent, fixait les nouveaux montants des taxes applicables pour la délivrance d’un titre de séjour ou d’un document de circulation : 340 euros pour un primo-arrivant (soit +13%), 110 euros pour une demande de renouvellement (contre 70 euros auparavant, soit +57% !). Pour un regroupement familial, les enfants coûteront 340 euros s'ils étaient déjà en France, mais 110 euros s'ils arrivent de l'étranger.
Eric Besson est pourtant soucieux de ne pas dépenser trop... quand il s'agit de lui. Accusé il y a deux semaines par Bakchich.info d'avoir fait réserver son voyage de noces en Italie par les services de son ministère, il a démenti et transmis au site les fadettes justifiant qu'il avait bien réglé lui-même le déplacement. Et que constate-t-on ?
1. Le ministre a bénéficié des tarifs - avantageux - négociés par son ministère, dans le cadre d'un appel d'offre, auprès de Carlson Wagonlit, pour son voyage privé.
2. Le ministre a demandé des gardes du corps, une protection évidemment payée sur fonds publics, et inhabituelle pour des vacances privées de ministre.
3. D'après les documents officiels, les deux gardes du corps auraient voyagé en classe affaire, tandis qu'Eric Besson a réglé, justificatif à l'appui, deux billets en classe économique... Sacré farceur !
4. Bakchich émet un sérieux doute sur les justificatifs de paiement transmis par le ministre : les tarifs ne correspondent pas aux prix pratiqués par Air France, même en passant par une agence Carlson Wagon-Lits.
Eric Besson a décidé de porter plainte malgré tout contre Bakchich. Un juge se prononcera sans doute. Pour son collègue Eric Woerth, contre qui personne n'a porté plainte, l'affaire se présente différemment.
Philippe Courroye, le procureur de Nanterre, vient de requérir un non-lieu dans l'enquête sur sept emplois présumés de complaisance à la Ville de Paris au bénéfice du RPR et de Jacques Chirac. Après l'accord à l'amiable conclu entre Nicolas Sarkozy (pour le compte de l'UMP), Jacques Chirac et Bertrand Delanoë, validé par le Conseil de Paris la semaine dernière, voici une seconde bonne nouvelle pour l'ancien maire de Paris.
Sans surprise, Philippe Courroye a constaté qu'« il n'existait pas un système connu de M. Chirac destiné à financer de façon occulte le RPR .» Le juge chargé de cette instruction peut décider de poursuivre quand même Jacques Chirac. Mais cette clémence de Philippe Courroye inquiète au-delà de l'affaire en question : le procureur de Nanterre est en charge des enquêtes préliminaires sur les affaires Woerth/Bettencourt. Et aucun juge d'instruction n'a pour le moment été désigné.
Un président en vadrouille, des ministres qui s'impatientent, une justice calme et calmée. Tout va bien en Sarkofrance.