Un centième congrès c’est un événement pour une association. Qu’en attendez-vous ?
L’UNPI a été créée en 1893 et organise à Paris le 21 octobre prochain son 100e congrès. C’est pour nous l’occasion de montrer à nos interlocuteurs habituels et aux Français que notre ancienneté nous confère une forte légitimité et qu’elle ne s’est pas érodée au fil des temps. Cette forte légitimité se manifeste au niveau national mais aussi au niveau local, car nos 120 chambres de propriétaires sont très implantées en régions et dans les villes. Cette représentation est essentielle, car de nombreux documents d’urbanisme s’élaborent localement et ils impactent directement les droits des propriétaires. Le niveau local est aussi important fiscalement, car la fiscalité locale tend à devenir toujours plus pesante.
Certes, les combats pour la défense de la propriété évoluent au fil des décennies, mais notre conviction fondamentale demeure. Elle repose sur l’idée que la propriété permet aux citoyens de progresser dans l’exercice de leur liberté, de les faire grandir en responsabilité et de contribuer à la cohésion sociale. Ces valeurs sont intemporelles, mais il faut les réaffirmer sans cesse car les pouvoirs publics ont souvent la tentation de les restreindre. Ils cherchent à contrôler toujours davantage, pensant faire mieux que les individus. Nous croyons au contraire que les citoyens sont les mieux placés pour organiser au mieux la cité, au plus près des réalités qu’ils vivent. C’est, à notre niveau, le principe de subsidiarité qu’il convient d’appliquer. Pour toutes ces raisons, nous attendons une forte mobilisation de nos adhérents et de tous ceux qui croient aux valeurs de la propriété.
Votre congrès pose la question : la propriété sera-t-elle toujours un droit dans 20 ans ? Etes-vous réellement inquiets de l’avenir ?
Les attaques contre la propriété, pour insidieuses qu’elles soient, n’en sont pas moins préoccupantes.
En voici quelques exemples. En matière d’urbanisme, il est de tradition pour les élus de réglementer l’usage du sol. Ce contrôle se fait notamment grâce aux documents d’urbanisme. Mais les élus souhaitent toujours davantage contrôler le détail des constructions et de leur usage. C’est ainsi que la loi autorise les élus à contrôler la taille des logements des programmes de construction ou encore que les communes sont désormais investies d’un droit de préemption sur les commerces et non plus seulement sur les immeubles. Autre exemple : alors que la réglementation imposait des normes minimales de confort des logements, les lois issues du Grenelle de l’environnement exigent désormais des améliorations de la performance thermique des bâtiments. Le législateur édicte aussi toujours plus de contraintes pour rendre les bâtiments accessibles aux personnes handicapées. Si chacun apprécie d’avoir un logement bien isolé et accessible, est-il vraiment supportable financièrement pour tous les propriétaires d’engager de coûteux travaux d’adaptation de l’ensemble du parc dans une période de grave crise économique et sociale ?
Ce que je redoute, c’est une nouvelle forme de fracture sociale entre les propriétaires qui auront les moyens financiers d’adapter leurs patrimoines à ces exigences rigoureuses et ceux qui seront dépassés par ces contraintes et dont le patrimoine se dépréciera rapidement. Les pouvoirs publics ne sont pas assez attentifs à ce risque de dérive.
Nos adhérents sont aussi très contrariés par les difficultés d’obtenir un jugement d’expulsion face à un locataire qui ne paie pas son loyer. Il appartient à la puissance publique d’organiser un soutien au locataire démuni, mais non au bailleur, souvent un retraité qui a acheté un logement pour disposer d’un complément de retraite, et qui est incapable de supporter personnellement ce qui relève de la solidarité nationale. Bien souvent l’administration refuse d’accorder le concours de la force publique pour l’exécution d’un jugement d’expulsion, invoquant un risque de trouble à l’ordre public. Ce fait est extrêmement grave : il nourrit la conviction que l’Etat n’est plus en capacité d’assurer le respect de la loi.
Vous organisez une table ronde sur le thème : la copropriété un mal nécessaire ? Considérez vous vraiment la copropriété comme un pis-aller ?
La dilution de la propriété par un mode organisé de propriété commune n’est pas nécessairement un mal ! Mais elle doit être aménagée de façon à combiner harmonieusement les droits et obligations de chacun. Or la loi de 1965 qui régit la copropriété depuis bientôt cinquante ans ne répond plus aux attentes de notre société. Les incessantes modifications de ce texte ne parviennent pas à donner un nouveau souffle à ce statut. Je crois qu’il faut repenser assez fortement le statut de la copropriété. La réforme préparée par la chancellerie sur le statut des syndics peut être l’occasion d’un premier pas vers cette réforme. Mais l’ambition des pouvoirs publics paraît ici assez limitée. Il faut aller plus loin, par exemple en simplifiant les règles de majorité ou en renforçant le conseil syndical.
Vous plaidez pour l’allégement du fardeau fiscal qui pèse sur l’immobilier. Ne pensez-vous pas que tous les Français vont être mis à contribution dans les prochaines mesures fiscales ?
Il faut d’abord être conscient de l’incroyable pression fiscale qui pèse sur les propriétaires immobiliers ! Les impôts qui sont prélevés à l’occasion de la construction, de l’acquisition, de la détention et de la cession d’un immeuble sont très nombreux et très pesants (droits de mutation, impôts sur les revenus fonciers, taxes foncières, taxe sur les plus-values…). Ces impositions excessives pèsent sur la rentabilité au point que les grands investisseurs se sont détournés du placement en logements. C’est pourquoi le législateur doit périodiquement créer des avantages fiscaux pour attirer de nouveaux investisseurs et relancer l’offre de logements. Mais il serait bien plus efficace de baisser globalement la pression fiscale sur l’immobilier et de supprimer les avantages fiscaux qui perturbent le marché et conduisent dans certains secteurs à des excès.
Quant aux efforts demandés aux Français, nous sommes bien conscients qu’ils vont être importants. Mais ils ne seront acceptés par l’opinion que s’ils sont équitablement répartis. L’effort sera acceptable s’il s’accompagne d’une réforme allant vers plus de justice fiscale. Or, augmenter la pression fiscale sur l’immobilier ne va pas dans ce sens.
Comment voyez vous évoluer le marché ?
Il faut dissiper un malentendu. Les pouvoirs publics cherchent à lutter contre la crise du logement en ayant en tête la situation particulière de l’Ile-de-France. Il est vrai que dans cette région et dans quelques autres (proches de la frontière suisse ou de la côte d’Azur), le marché reste tendu : les locataires peinent à trouver un logement et les prix repartent à la hausse. Mais dans une immense majorité de régions, la situation est inverse : les prix sont orientés à la baisse, les logements restent vacants et les bailleurs ne pratiquent plus les indexations de loyers. Cette crise, ce sont les bailleurs qui la subissent.
Tout ceci n’incite pas trop à faire la fête ?
Avoir réussi à écarter les coups qui menaçaient la propriété depuis bientôt cent vingt ans est déjà une belle victoire ! Nous avons aussi marqué des points dans les années récentes. Par exemple; la loi de mars 2009 montre que la vision des pouvoirs publics sur les rôles respectifs du parc public et du parc privé évolue. De nombreux progrès restent à accomplir mais une étape décisive a été franchie.
Réunir 2000 personnes à Paris, c’est mon objectif, c’est aussi une belle occasion de fête. J’ajoute que notre conviction est sans faille : une très forte majorité de Français partage nos valeurs. Je sais aussi que les adhérents de la Propriété rurale sont nombreux à défendre ces mêmes valeurs. Nous avons beaucoup à faire ensemble. Et pour apporter une touche d’humour à nos travaux, Bernard Mabille viendra nous divertir. Pour travailler, et pour rire ensemble, je vous attends nombreux à Paris en octobre !