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"L'actualité de la pensée de Frédéric Bastiat" de Barthélémy Bonadio

Publié le 05 octobre 2010 par Francisrichard @francisrichard

Le 30 juin dernier, Un monde libre ici publiait les résultats du Concours Bastiat qu'il avait lancé sur le thème : "La pensée de Frédéric Bastiat peut-elle nous guider dans la crise que traverse le monde aujourd'hui ?". Pour concourir il fallait répondre à cette interrogation en plus ou moins 2'000 mots et avoir au maximum 30 ans. Ayant près du double de cet âge, à moins de me fendre en deux, il m'était donc interdit - le vilain mot - de concourir.

L'Institut Constant de Rebecque de Lausanne a eu la bonne idée de publier hier l'essai qui a obtenu le 2ème prix de ce concours ici. Ecrit par Barthélémy Bonadio, membre de l'Université de Genève et l'institut lausannois, cet essai a le mérite de montrer que les réponses de Frédéric Bastiat  aux accusations portées contre la liberté sont d'une formidable actualité. Si le vocabulaire a changé quelque peu les observations restent justes de même que les raisonnements, comme nous l'allons voir.

Comme Frédéric Bastiat est surtout connu dans les pays anglo-saxons, il n'est pas inutile de rappeler brièvement qui il était. Frédéric Bastiat est né le 30 juin 1801 à Bayonne, au 7 de la rue Victor-Hugo, devant lequel je ne passe pas sans émotion quand je me rends dans la ville basque. Une plaque y commémore sa naissance disant de lui qu'il est un économiste et un humaniste "universellement apprécié", ce qui n'est peut-être pas vraiment vérifié dans son propre pays. Il est mort à Rome le 24 décembre 1850.

Au cours de sa courte vie, moins de 50 ans, Frédéric Bastiat aura été agriculteur, homme politique, économiste, pamphlétaire. Il est passé à la postérité en raison de ses écrits et notamment de ses pamphlets, où il s'exprime dans une langue superbe. Ses oeuvres complètes ont été publiées pour la dernière fois dans les années 1860, en 6 volumes, aux éditions Guillaumin. Une réédition thématique est en cours sous la direction de Jacques de Guenin, sous l'égide de l'Institut Charles Coquelin ici. Les deux premiers des sept volumes prévus ont déjà paru cette année.

Comme le rappelle Jacques de Guenin, président, jusqu'à cette année, du Cercle Frédéric Bastiat ici, dans son introduction au premier volume de cette réédition :

"C'est par la plume que Frédéric Bastiat va donner sa pleine mesure. Dans une série de brillants pamphlets, il combat les idées de ses adversaires (Thiers, Proudhon, Considérant, entre autres, font les frais de cette polémique), et il expose ses propres conceptions sur l'organisation naturelle de la société : la liberté du travail, des échanges, de l'enseignement, la réduction des dépenses, le rôle de l'Etat réduit à ses fonctions essentielles, la politique extérieure pacifique, basée sur le désarmement terrestre et naval, le progrès social..."

Sous le vocable de concurrence à l'époque - encore que le PS suisse vienne de lancer sa campagne pour une initiative contre la concurrence fiscale entre cantons ici - et sous celui de capitalisme sauvage aujourd'hui, la liberté est attaquée. Ces attaques sont à l'origine de distorsions de l'activité économique, qui sont les vraies causes de la crise actuelle.

Barthélémy Bonadio nous rappelle que Bastiat parlait de papier-monnaie, d'organisation artificielle et d'incertitude. Nous parlons aujourd'hui de politique monétaire, d'interventionnisme et d'arbitraire étatique. Les choses pour le dire sont différentes mais cela ne change rien à l'affaire.

Quand Bastiat fustige le papier-monnaie, que nous dit-il ?

"Il tord ainsi le cou" nous répond Bonadio "aux politiques monétaires dites de relance, qui ne consistent qu’à répéter la même erreur : croire que plus de monnaie crée plus de richesse."

Que nous propose-t-il ?

"La liberté des banques est le meilleur moyen de gérer le numéraire."

Pourquoi ?

"Une banque libre est en effet une banque responsable. Loin des objectifs politiques, elle prête le capital avec discernement et évite de le gaspiller. Elle évite aussi la création excessive de liquidités, car elle doit se soumettre à ceux qui voudront récupérer le métal garantissant la monnaie en cas de dévaluation trop forte de la devise."

Qu'est ce que Bastiat entend par organisation artificielle ?

Bonadio cite un texte provenant de Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, dans lequel Bastiat décrit l'intervention de l'Etat qui contraint Pierre à prêter à Jacques plutôt qu'à Paul. Avec ce capital Jacques va pouvoir s'acheter une maison, c'est ce qu'on voit. Faute de ce capital, Paul ne pourra pas investir, c'est ce qu'on ne voit pas. Il n'y a pas eu, grâce à l'Etat, d'"accroissement de prêt", mais un simple "déplacement de prêt".



Le même raisonnement peut être tenu dans le cas du salaire minimum ou du protectionnisme : l'intervention de l'Etat a des effets pervers que, comme Tartuffe, l'on ne saurait voir. Benadio montre aisément qu'il en est ainsi de la fameuse prime à la casse, utilisée par l'Etat français pour relancer artificiellement l'industrie automobile :

"Non seulement les primes à la casse détournent les dépenses de consommation vers un secteur au détriment des autres, mais conduisent à la destruction de biens tout à fait fonctionnels."

Et l'incertitude ?

Elle découle de l'intervention de l'Etat qui accorde des privilèges indus à certains groupes qui ont une mainmise sur le gouvernement. Bonadio rappelle fort à propos la célèbre Pétition des fabricants de chandelles, texte de Bastiat dans lequel ces derniers "demandent la protection contre un dangereux ennemi étranger, qui n’est autre que le soleil dont la concurrence est trop forte pour eux"...

Bonadio actualise :

"Dans les pays occidentaux, même si la propriété est plus ou moins respectée, l’incertitude quant à l’évolution de la fiscalité, des réglementations et des autres interventions politiques, freine les entrepreneurs et le dynamisme de l’économie."

En conclusion, écrit Bonadio, la liberté est la solution à la crise, au contraire de la réglementation :

"C’est en effet dans un marché libre que les distorsions induites par les interventions de l’État pourront être réparées : celui-ci doit laisser les industries touchées par la crise se restructurer pour redevenir viables. Les gouvernements doivent aussi cesser de décourager l’épargne, moteur de la croissance, avec une fiscalité excessive, une pénalité encore exacerbée par l’endettement public. Ce n’est que grâce au capital accumulé en laissant faire les acteurs du marché et en respectant la propriété que de nouveaux projets durables pourront voir le jour, avec la création d’emplois et des satisfactions nouvelles pour le consommateur."



Il faut lire et relire Bastiat, dont la pensée n'a pas pris une ride.

Francis Richard


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