La Une de la semaine se la coule douce. Que ceux qui en on une bonne me hurlent à l’oreille leur recette du cari patte cochon. Des fois, ça fait du bien.
Semaine du 27 septembre au 03 octobre 2010.
Semaine classique, avec des Unes axées sur les faits divers réunionnais, « je n’ai pas tué ma grand-mère » au Jir, « ce n’est pas moi » au Quotidien, « 25 ans de prison et toujours pas de vérité » pour le Jir, « et pas d’aveu » répond le Quotidien. A noter que le Quotidien voit les choses en noir toute la semaine, avec « Edena à vendre » ou « l’Afpar dans le rouge », tandis que le Jir alterne les catastrophes avec des sujets plus tranquilles, comme le front de mer de St Pierre, les réunionnais en équipe de France, ou une crèche pour les lycéennes enceintes. J’ai bien sûr hésité entre « aides alimentaire, les demandes explosent » du Jir de lundi, avec sa photo d’hommes en noir balançant depuis un camion de la bouffe à des dizaines de bras tendus, et « le feu avant la presse », superbe Une du Quotidien et sa magnifique vue d’hélico sur les carcasses de voitures calcinées de la casse Ah Kane à Sainte Marie, véritable désert de film de science fiction. Mais je n’avais pas trop envie de faire dans l’apocalyptique, alors je me suis rabattu sur Le Dimanche (du Jir), si habilement sous-titré « bien plus qu’un hebdomadaire ».
Ek ou sans tomate ?
Dimanche, le Quotidien nous remet une couche de démoralisation en s’apitoyant qu’il y avait « à peine 500 personnes à Saint Paul contre la réforme des retraites ». Dur. Avec Le Dimanche (du Jir), rien de tout ça. On se pose simplement une question plus qu’existentielle : « le cari : avec ou sans tomate ? » La réponse pourrait être dans la photo, une mamie lontan, lunettes et torchon sur la tête, qui remue le fond de la marmite de la main droite tandis que la gauche s’apprête à y jeter une pleine assiette de tomates coupées. Alors, sacrilège ou pas ? Un petit texte nous rappelle que la tomate dans le cari suscite toujours un débat sur lequel on ne plaisante pas, tant la cuisine créole est sacrée.
Avec ce genre de Une, ça va tout de suite mieux. On sent qu’on va passer un bon dimanche. Coup de bol, il fait beau partout alors que ça fait un bout de temps qu’on se les caille. Idéal pour lire le journal et débattre en famille autour d’un bon cari pique nique à l’ombre d’un kiosque. C’est vrai merde. Merci le Jir de nous faire oublier un moment Sarko, Robert, Caillé, les morts violentes, le chômage, les pédophiles, les déchets qui s’amoncellent et la misère affective et alimentaire à tous les coins de rues. On a aussi le droit de vivre, bordel ! Même dans la misère, on a le droit de profiter du soleil sans qu’une loi pourrie vienne vous emmerder, et pour une fois, le débat du jour met tout le monde d’accord et tout le monde peut y participer à sa sauce.
Bon d’accord, on nous prévient qu’on ne plaisante pas avec la cuisine créole, comme si qu’on n’allait pas prendre du bon temps à lire l’article, mais ça se calme direct avec le titre de l’édito : « chacun son cari ». En pages intérieures, on apprend rien, on lit simplement que dans les hauts comme dans les bas, tout le monde aime le cari, tout le monde le fait à sa manière et a osé rajouter sa petite sauce à lui, son petit ordre pour les épices, mais personne n’est exclusivement pour ou contre les tomates, c’est suivant les goûts, ça dépend aussi dans quel cari… Avec un petit rappel de bouquins de recettes sur la chose et de quelques enseignes de l’île proposant des bons caris feu de bois traditionnels, que ça donnerait faim toute la journée. Génial. On n’en demande pas plus pour se vider la tête de nos semaines pourries. Moi, j’ai lu ça avec bonheur au parc du Colosse pendant que mes marmailles et ma femme faisaient du vélo, même qu’on avait emmené le petit des voisins. Ouais, vive les Unes tranquilles du dimanche, sur la pétanque, la vanille, la pêche, l’arrivée des goyaviers ou des letchis. On va pas finir toutes les semaines le moral dans les chaussettes, non plus !
Arthur