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L’impôt maladie

Publié le 06 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Il faut cesser d’utiliser l’expression mensongère d’assurance maladie pour parler de l’impôt maladie et dire enfin la vérité sur la faillite de notre système de santé.

Je saisis l’occasion de l’examen par le Parlement de la « Loi de Financement de la Sécurité Sociale » (LFSS) pour rappeler quelques évidences sur ce sujet.

Ce que les assujettis français à la Sécurité Sociale paient pour couvrir le risque de maladie n’a rien à voir avec une assurance, mais constitue un véritable impôt, avec toutes les conséquences usuelles et malfaisantes de la fiscalité : opacité, arbitraire, irresponsabilité, insolvabilité.

Opacité : on ne sait qui est le véritable gestionnaire des cotisations et dépenses de santé, et la LFSS en est le symbole. Le principe de cette loi a été introduit par le gouvernement Juppé en 1996, et donne au Parlement le soin de voter une enveloppe globale à l’intérieur de laquelle les diverses caisses devront tenir leurs dépenses. On serait tenté d’en déduire que ce sont nos élus nationaux qui sont ainsi passés maîtres du budget social de la France. Point du tout : le contenu de l’enveloppe est toujours insuffisant et chaque année la Sécurité Sociale doit compter sur le budget de l’Etat pour financer les dépassements. S’agit-il alors pour la LFSS de limiter ces dépassements ? Point du tout : chaque année les « objectifs nationaux des dépenses d’assurance maladie » (ONDAM) fixés par le Parlement sont dépassés et chaque année l’Etat paye ce qu’il faut. En clair la Sécurité Sociale est en déficit supérieur à ce qui était prévu au départ par la LFSS. On dira qu’il n’y a pas de quoi s’étonner : le budget de l’Etat lui-même est voté en déficit (depuis 1974) et le déficit réalisé est toujours supérieur au déficit voté. Donc, si la Caisse Nationale d’Assurance Maladie est assureur, l’Etat est réassureur, mais un réassureur gratuit ! Si l’on ajoute que la CNAM n’est elle-même qu’un morceau du puzzle de la Sécurité Sociale, et que des transferts sont incessants entre les divers régimes (retraites, maladie, accidents du travail), on conclura qu’une poule n’y retrouverait pas ses poussins. L’essentiel, c’est que quelqu’un paye.

Arbitraire : c’est ici que commence l’arbitraire. Dans la logique de l’assurance, les clauses du contrat sont fixées dès sa conclusion. L’assuré connaît le montant des cotisations, et l’assureur s’engage sur les risques à couvrir et les prestations à fournir. Dans notre système actuel, cotisations et prestations sont modifiées au gré du législateur. C’est la vraie signification de la LFSS : on a voulu mettre un terme à l’arbitraire des Caisses pour lui substituer l’arbitraire du Parlement. La LFSS n’est pas un document de discipline des Caisses, c’est un moyen d’imposer aux assurés des changements qui ont force de loi. Ainsi est-il bien confirmé que la couverture du risque maladie n’est pas l’objet d’un quelconque contrat, mais bien l’exercice d’un droit social établi par le législateur.

Irresponsabilité : dès lors, la porte est ouverte à tous les comportements irresponsables. Du côté de « l’assureur », il peut « gérer » à sa guise. Peu importent les gaspillages scandaleux de l’hospitalisation publique, peu importent la réduction des prestations, le blocage des honoraires, les tickets modérateurs, les déremboursements de médicaments. Un droit social n’a pas de coût, par définition : il doit être financé par un prélèvement obligatoire. Du côté de l’assuré, il sait qu’il devra payer, donc il peut pleinement bénéficier du droit qui lui a été offert. L’assuré n’a pas le sentiment d’avoir souscrit un contrat honoré par son propre effort d’épargne. Il ne sait même pas quel est cet effort. Le smicard sait-il que son « assurance maladie » lui coûte chaque année plus de 3.000 euros, somme prélevée sur son salaire et grossie de la CSG ? Une « retenue » a les apparences d’une épargne forcée, mais il lui manque la volonté de l’épargnant, le sentiment d’être prévoyant et libre de préparer son avenir. Comme pour les retraites, les assurés ne savent pas que les cotisations qu’ils paient ne représentent pas un capital accumulé, mais ne servent qu’à payer sur-le-champ les dépenses de santé engagées pour ceux qui sont actuellement « en maladie ». Dans ces conditions, pourquoi regarder à la dépense ? Le tiers payant accentue encore cette irresponsabilité.

Insolvabilité. Opacité de la gestion, changements arbitraires des prix et des coûts, irresponsabilité des acteurs conduisent inéluctablement à des déficits. Ils n’ont jamais cessé d’exister, dès les toutes premières années. A la différence du régime des retraites, dont le déséquilibre s’est révélé et accentué au fur et à mesure que se creusait l’écart entre actifs et retraités, l’assurance maladie a toujours été en déficit. Qu’importe ? On se servira des « compensations » entre régimes (pendant longtemps ce sont les excédents des allocations familiales et des retraites qui ont bouché le trou). Quand les compensations se révèleront insuffisantes, on se tournera vers l’Etat, c’est-à-dire vers le contribuable. L’explosion d’un tel système avait été prédit par Frédéric Bastiat un siècle avant que la Sécurité Sociale ne soit inventée, et je vous recommande de lire avec attention les arguments de Bastiat dans cette Nouvelle Lettre.

La conclusion me semble évidente. Il faut abandonner un tel système, revenir à une logique du contrat et responsabiliser l’assuré en l’invitant et l’incitant à une épargne volontaire qui lui permette de gérer lui-même ses dépenses de santé. Comme pour les retraites, ceux qui n’ont pas les moyens de souscrire à des contrats minimums doivent être pris en charge par un effort fiscal de solidarité.

Comme pour les retraites, on ne s’en sortira pas avec des réformes à répétition qui inventent des usines à gaz (comme les Agences Régionales de Santé) ou qui mégottent sur quelques euros en espérant qu’ils feront des milliards. Comme pour les retraites, j’alertais les autorités, les experts et le corps médical dès 1974. Comme pour les retraites, on a préféré le législateur à l’assureur, on a préféré l’impôt à l’épargne, la servitude à la liberté.

Article repris depuis la Nouvelle Lettre avec l’aimable autorisation de Jacques Garello.


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