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Les propositions-chèque de Monsieur Choc

Publié le 06 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Le Bigaro

Interview : le président du groupe UMP à l’Assemblée propose une nouvelle stratégie économique, visant à aligner la France perpendiculairement au modèle allemand. Ou à un angle de 67°, à la limite.

C’est le mardi soir que Jean-François invite ses petits copains à un goûter politique, en présence de différents sponsorisés du gouvernement dont le nom importe peu. L’heureux gagnant d’une fève de la galette des roisprésidents leur exposera ses projets-chèque pour ranimer la compétitivité française, le tout sans massage cardiaque et sans bouche à bouche : suppression discrète des 35 heures sans que ça se sente, instauration d’une nouvelle TVA antidélocalisation bigrement maline, ou création d’un vrai nouveau ministère des entreprises que s’il n’y en avait pas, il faudrait l’inventer : le Jihèf, il se lâche.

Votre club, Génération Fiscale.fr, tient mardi son 3e forum thématique dont le thème est « La Croissance d’Après-Après-Demain, Si J’ai Pas Poney » . Quelles sont vos … heu… disons, propositions ?

Copé, un politicien qui inspire confiance.

Eh bien on pourrait construire une stratégie économique nouvelle pour la France, par exemple en faisant un G20 et en retirant les 18 boulets qui ne veulent pas faire comme on dit, et on serait alors deux avec notre partenaire allemand pour contrebalancer, avec nos petits bras et nos 146 millions de consommateurs, l’émergence du G2 Chine – Etats-Unis qui ne représentent après tout que 1800 millions de personnes. Comment on va te les doser, les Amerloques et les Niakoués, surtout grâce à l’aide du grand frère teuton ! Cette logique, implacable et peaufinée de longues heures seul dans mon bureau, doit déterminer toutes nos grandes agitations économiques et sociales des prochaines années. Concrètement, ça revient à booster à grand coup d’interventionnisme d’état nos PME pour les accoler à nos grands groupes internationaux que l’état aide aussi un peu. Un peu comme les Allemands. Mais mieux.

Je suis assez épaté de mes propositions, là, tout d’un coup.

Vous voulez donc renforcer la taille des PME?

Je veux mon neveux. Le prochain quinquennat, ce sera celui des PME conquérantes. Enfin, si je suis élu. Je veux dire si le candidat de l’UMP est élu.

Les grands groupes français doivent aider à faire grossir les petites entreprises en signant des contrats de partenariat avec elles. Bon, actuellement, c’est pas trop ça parce que, hum, voyez-vous, les grandes entreprises, on les aide massivement avec des aménagements, des subventions, des bidouilles fiscales. Donc bon, l’argent qu’on dépense pour ces grands groupes, il faut bien le trouver quelque part. Alors on ponctionne un peu par-ci, un peu par-là, et c’est les PME qui se prennent la claque, un peu. Fatalement, ça augmente leurs coûts, et donc elles sont moins compétitives que les PME des autres pays. Salauds de Polonais et de Roumains, tiens. C’est leur faute aussi et puis ils ont été aidé : avant, ils étaient dans le communisme, alors fatalement, ils repartent de plus bas. C’est pourquoi, on va installer le communisme en France d’abord, et ensuite, on va en sortir et là, on sera super-compétitif. Ça va roxxer.

Ce petit mauvais moment à passer, en fait, il s’agit d’une nouvelle forme de patriotisme économique. J’explique : on va drainer des capitaux depuis la poche des contribuables vers les petites entreprises. Ensuite, on va drainer les salariés de talent dans ces entreprises. Où on les trouve ? Fastoche : avant, les bons, ils allaient dans les grands groupes et les mauvais dans les PME. Eh bien avec mes propositions concrètes de facilitation de la relation entre les PME et l’administration, de nouvelles séries de Cerfa plus lisibles, dans de jolis camaïeux assortis, avec des codes couleurs et des aplats pelliculés, et, bien sûr, de jeunes conseillères avec un joli décolleté, ça va tout de suite aller nettement mieux : les bons, ils iront aussi dans les PME. Eh ouais, c’est comme ça que ça marche. Pour résumer, on peut dire : « Copé, il est chic avec son chèque ! »

Bon, et puis bien sûr, on va aussi créer un très grand ministère des entreprises, de l’industrie, du commerce, des cerfas colorés et des décolletés profonds qui doit mettre en place un véritable guichet unique. Et dans unique, hein, il y a …

Mmh oui mais les entreprises allemandes sont également plus compétitives…

Exactement, c’est pourquoi nous devons faire en sorte qu’en France on travaille plus et mieux. On doit arrêter avec les 35 heures : pour que les Français acceptent de travailler plus nous devons leur proposer de travailler mieux. Et on doit aussi trouver un moyen de ne pas les payer plus, mais de les payer mieux. C’est à dire d’en subventionner certains plus, et donc d’en ponctionner certains autres mieux. Plus, mieux, c’est un début de slogan pour Copé 2017, ça, non ? Ca sonne pas mal, « Copé 2017 : plus et mieux« , non, vous ne trouvez pas ?

C’est à dire que … Enfin… Bref. Comment sortir des 35 heures?

Je suis favorable à des accords de tronc, de branche ou de feuille, ou mieux à des accords d’entreprise sur le modèle de celui signé par Siemens, en Allemagne, il y a dix jours : du temps de travail en plus en échange d’une garantie de plusieurs années sur l’emploi. Du fonctionnariat, en somme. Et ça, franchement, en France, on sait faire, non ? On va donc tout bien faire comme nos copains germaniques, je vous dis. En mieux, bien sûr.

Au point de supprimer toute durée légale du travail?

Ouh là là malheureux attendez oh là qu’est-ce que tu me prends la tête avec ta révolution en bouteille ? Supprimer la durée légale machin travail ? Non mais t’es pas bien dans ta tête ?

Allons. Faut être cohérent jusqu’au bout ! Le gouvernement propose un budget 2011 courageux avec de la rigueur dedans … Mmmh disons … bon, budget osé avec quelques coupes, … mouais non c’est encore un peu fort, disons qu’il propose un budget 2011 et voilà… Mmh qu’est-ce que je disais ? … Ah oui et nous devons aller plus loin : à froid, là, comme ça, je voyais plus un truc dans le genre on supprime les allègements de charges des entreprises qui compensent les 35 heures (c’est ça, la Copé Touch sur les aides aux PME, voyez), et ensuite, on leur dit, comme on ne compense pas, vous sortez des 35 heures. Et on gagne 20 milliards dans l’opération. Enfin, si les boîtes ne plient pas, s’entend. Facile, non ? Après le chèque, c’est le choc, en quelque sorte.

Oui, en effet… On a vu avec la baisse de la TVA restauration qu’il était difficile de s’assurer qu’une branche professionnelle tiendrait ses engagements en matière d’emplois…

Oh Joe La Fritte, tu comptes me pourrir mon groove, là ?

Heu… Non non, changeons de sujet. Vous parlez de convergence avec Berlin : les Allemands ont adopté une TVA sociale il y a deux ans. Faut-il les imiter ?

Tu poses de ces questions, mon lascar ! C’est une taxe, ce sont les Allemands qui l’ont mise en place, et elle marche bien là-bas ! C’est banco pour nous et en plus, c’est pas les socialauds de Martine qui vont gueuler contre des recettes supplémentaires quand ils vont prendre le pouvoir en 2012 ! Tu parles que si on la met en place, ce sera comme la retraite à 58… pardon 60… Vous dites ? 62 ? Ah oui, voilà, la retraite à 62 ans, t’inquiète pas que Martine, elle ne va pas y toucher.

Bon, simplement il va falloir la maquiller un peu pour bien enfumer les Français sur ce qu’elle est réellement : une taxe de plus pour camoufler la faillite. On peut par exemple dire que c’est un bidule qui paye la retraite des vieux, comme la vignette jadis, ou que ça comble le trou de la sécu. Un grand classique, ça, le trou de la sécu. En gros, on taxe le consommateur, et un peu moins le producteur et par ici la bonne souplette pour l’état. Qui gère tout ça avec brio. Comme d’hab. Efficace, futé : c’est du cousu-main.

Êtes-vous favorable à la suppression du bouclier fiscal et de l’ISF?

Absolument. Ça fait bisquer les socialistes. Et puis bon, ça fait de la polémique pas trop compliquée à gérer. Plus facile que la burqua ou les Roms, si vous voyez ce que je veux dire. D’autant que c’est une promesse. Vous savez ce que valent les promesses, hein. Et je suis un malin ; supprimer le boucler et l’ISF, ça fera passer inaperçu l’autre idée lumineuse : ma proposition de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG, qui permettra, entre autres, de faire financer directement le social (normalement paritaire) par l’impôt. Et là, je vous garantis sur facture une fête du slip comme vous n’en avez jamais vue avec des cotillons, des fanions et des petits ballons marqués « Bienvenue » !

Fusionner les deux rendra la CSG progressive en fonction du revenu, ce qui risque de déplaire aux électeurs de droite…
Les électeurs de droite, tout le monde le sait, ce sont des vieux, et des grincheux. Et les vieux et les grincheux cacochymes, on les tient par les couilles : en fait, c’est ma soluce, ou sinon, plus de sécu du tout. Eh oui: le système, il prend l’eau de partout. Comme pour les retraites, y’aura bien quelques comiques à rouspéter, mais ce n’est pas grave. Une fois élu, le ronchon, on s’en fiche : il paye quand même ses impôts.

Le Parlement doit-il revenir sur son engagement de ne pas faire payer nos déficits sociaux par les générations futures, en prolongeant la Cades après 2021?

La Caquoi ? Non mais sérieusement, biloute, tu crois vraiment que les électeurs ont ne serait-ce qu’une vague idée de ce que c’est que ce machin ? Tu crois qu’ils savent que les régimes spéciaux et les privilèges de ces branleurs de cégétistes du rail et des autres qui empilent grèves sur grèves sont payés par les salariés du privé ? Tu crois qu’ils savent que si l’état n’empruntait pas, toutes les semaines, dans les 10 milliards d’euros, on serait en cessation de paiement depuis des lustres ? Tu crois qu’ils savent qu’on frôle tous les jours un peu plus l’asphyxie complète, mais que, comme on a des taux Historiquement Bas, les enfants, on arrive encore à faire durer l’illusion ? Tu crois qu’ils ont compris, malgré tout ce qui se dit, discrètement, que lorsqu’ils ont un petit découvert, c’est les huissiers et les saisies confiscatoires, et que l’Etat, lui, peut continuer à dépenser comme un goret puisque tout le monde s’en fiche ?

Franchement, les générations futures, pour moi, c’est du vent : t’en vois, biloute, des générations futures, après 2012 ? Les générations futures, en fait, elles regardent les syndicalistes brailler dans la rue, actuellement, et … Et rien.

Ça fait plus de 20 ans que je fais de la politique ; si je m’en étais occupé, de ces générations futures, il y a vingt ans, où est-ce que j’aurais trouvé le temps de m’occuper de moi, hein ? Tu crois que je serais arrivé là où je suis avec les générations futures patati et le combat contre la dette patata ?

Allez. T’inquiète pas : on va le sauver, le système français que le monde nous envie.

Enfin, peut-être, peut-être pas. Mais en tout cas, tu vas devoir payer.

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