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La gauche française existe mal

Publié le 07 octobre 2010 par Argoul

Que l’on se comprenne bien : je trouve que Nicolas Sarkozy en Monsieur Sans Gêne fait trop et mal, qu’il n’a pas réussi ce pourquoi il a été élu (les réformes de fond) et qu’il donne (depuis peu) une mauvaise image de la France dans le monde. Mais je considère que la gauche n’est pas crédible à ce stade pour remplacer Nicolas Sarkozy.nicolas-sarkozy-profil-dessin.1286273195.jpg

La gauche française qu’est-ce que c’est ? Pas de candidat déclaré, pas de projet véritable, pas d’alliances fermes. Le flou intégral. Nicolas Sarkozy a au moins le mérite d’être un monolithe. Que l’on peut refuser, mais cohérent.

La question principale que le pays doit affronter est simple : il s’agit de la mondialisation.

• La droite l’a bien compris qui cherche à faire avancer l’Europe économique, à restreindre les flux migratoires inconsidérés et qui ajuste la fiscalité à la concurrence.

• La gauche n’a toujours rien compris, malgré des éléments de valeur en son sein comme MM. Strauss-Kahn, Lamy, Védrine ou Peyrelevade.

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Le vrai tabou de la gauche française, dit un lecteur du Monde Magazine ce week-end, est la production. Le jour où la gauche cessera ses litanies de répartir avant de savoir comment bien produire avant de distribuer - alors la véritable révolution sera en marche.

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Will Hutton, tête pensante des Travaillistes anglais, livre dans Le Monde du 3 octobre sa vue extérieure de la gauche française. Il pointe l’effrayant fossé qui existe entre les socialistes et leurs équivalents européens : les Français refusent le capitalisme et la globalisation, tandis que les seconds acceptent et tente d’aménager leur niche. « La gauche française doit proposer un new deal aux salariés. Instinctivement, la droite ne le fera jamais. » Puisque tout bouge sans cesse – les salariés vivent plus longtemps et les entreprises meurent plus vite aujourd’hui qu’il y a 50 ans – la faculté d’adaptation est primordiale. Curieusement, la faculté d’adaptation est l’autre nom de l’intelligence. La gauche française qui s’arc boute sur ses zacquis serait donc bête ? Will Hutton se garde bien de le dire, préférant ‘understatement and English humour’. Mais nous avons bien compris.

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Adaptation signifie plus de flexibilité et plus de responsabilité. Le marché du travail doit être plus fluide. Il sera plus risqué, mais la vie n’est-elle pas un risque permanent ? En contrepartie – et c’est là une mission de la gauche – il faut libérer les salariés de l’aliénation du travail. Pour cela, « leur donner la chance d’être les auteurs de leur propre vie entre 20 et 70 ans. » Nous sommes bien loin du caporal-socialisme, qui sait mieux que vous ce qui est bon pour vous ! L’aliénation constitue pourtant, dans l’œuvre de Karl Marx, le mal suprême que tout mouvement de gauche se doit de combattre… Mais les socialistes ont-ils vraiment lu Karl Marx ?

La gauche française n’est toujours pas sortie de l’ornière mentale de l’industrialisme. Il est pourtant bien fini le temps où de grandes cathédrales d’acier réunissaient 40% de la population salariée pour produire à la chaîne des biens lourds selon une organisation militaire ! « Les technologies de l’information et de la communication changent tout. Aux États-Unis, 60% des entreprises industrielles se font désormais appeler ‘manuservice companies’ au lieu de ‘manufacturers’. C’est sur les services qu’elles proposent après la production qu’elles gagnent le plus d’argent. » D’où l’intérêt de penser et de développer une économie de la connaissance. Quel est le projet de gauche à ce sujet ? Néant. La sempiternelle rengaine du « plus de moyens, plus de profs ». Quand on voit le résultat au collège, après les hausses des salaires et des effectifs Jospin, le citoyen se dit que la gauche le prend vraiment pour un demeuré. Un collégien sur cinq sait à peine lire et compter à 15 ans, les jeunes à l’université (collégiens juste après Jospin-et-ses-moyens) ne connaissent pas le sens de certains mots courants !

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Tout changement apparaît comme un risque à gauche, alors qu’il est une chance pour qui sait le chevaucher. « Des métiers deviennent obsolètes. Il faut gérer ces nouveaux risques. Ce n’est pas une menace mais une chance. C’est l’énorme boulot qui attend la gauche européenne pour les trente prochaines années. » Las, la gauche française n’a même pas commencé ! Et elle voudrait nos suffrages dans deux ans ?

La bonne question – taboue à gauche ! – est donc celle du lecteur du Monde Mag cité plus haut, que confirme le travailliste Will Hutton. « A savoir : comment construire un bon capitalisme qui satisfasse les Français. » Rappelons que le capitalisme n’est PAS une idéologie, mais une technique d’efficacité économique. L’idéologie est le libéralisme ultra du laisser-faire et du moins d’État possible. Le capitalisme au contraire, comme l’a montré l’historien Fernand Braudel, exige un État qui assure les règles du marché, le droit des contrats et la propriété. Le capitalisme est la technique d’efficacité du capital : comment produire plus avec moins. Le capitalisme est donc facteur de progrès, ce que Marx avait parfaitement vu. Il incite à « économiser » au maximum tout ce qui coûte : le capital, le travail, les matières premières, la planète. Tout cela pour vivre mieux en répondant aux besoins.

  • Avant-hier, les besoins étaient basiques : se nourrir, se vêtir ;
  • hier ils étaient d’équipement : se loger, se meubler, occuper ses loisirs ;
  • aujourd’hui, ils deviennent plus durables et plus humains : travailler mieux, accéder aux services personnalisés, polluer moins.

C’est sur la répartition des profits entre capital, travail et clients (baisse des prix) que l’idéologie peut discuter – pas sur la production, qui doit être la plus rationnelle possible ! Libéralisme ou socialisme sont donc fondés à diverger sur la répartition, mais pas sur la production depuis la faillite des fascismes et des expériences soviétique ou cubaine.

  • Après le capitalisme rhénan dominé par les ingénieurs à la Jules Verne, obsédé par le beau produit et le travail bien fait,
  • le capitalisme anglo-saxon obsédé par la rentabilité purement financière vient d’exploser.
  • Le prochain capitalisme, cette technique d’efficacité économique, sera asiatique ou suisse : orienté client, services et besoins durables.

A part le blabla marketing sur l’écologie, ‘récupérée’ par les socialistes sans projet économique évident, comment inventer ce nouveau capitalisme utile ? Silence assourdissant à gauche…

De même sur les deux autres effets de la mondialisation, que Jean-Louis Bourlanges a magnifiquement résumé dans l’émission ‘L’esprit public’ sur France-Culture dimanche matin : « la mondialisation fait fuir la richesse et attire la pauvreté. »

  • Les riches partent hors frontière s’ils ont l’impression d’être mal aimés comme entrepreneurs ou trop taxés comme propriétaires.
  • Les pauvres arrivent massivement des pays sans État où règnent la corruption et le clanisme, ils ont l’impression d’un Eldorado avec l’État-providence et les petits boulots.

Ces deux effets, non réglés, font grimper la classe ouvrière et la classe moyenne aux extrêmes : extrême-droite contre l’immigration et les étrangers, extrême-gauche contre les riches et l’argent. Bien évidemment, toute politique du vivre ensemble comme toute économie insérée dans le monde, exige la tempérance.

  • Fiscaliser la richesse, mais judicieusement ;
  • contrôler l’immigration et les droits des étrangers à l’État-providence, tout en respectant les principes d’humanité et de liberté.

Mais voilà : qu’a donc à dire la gauche française sur ce sujet ? On attend encore et toujours… Peut-on raisonnablement croire que tout se dévoilera six mois avant la présidentielle ?

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Nicolas Sarkozy a donc de bonnes chances de l’emporter à nouveau en 2012. Il va probablement corriger son incursion vers les électeurs de Le Pen par une incursion vers les électeurs du centre dès que la campagne présidentielle sera officiellement lancée. Son camp apparaîtra ainsi nanti de tout ce qui manque à la gauche : un candidat ferme et reconnu, un projet pour la France, des alliances affirmées. Et la gauche socialiste perdra une fois de plus… Peut-être.


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